Il nous avait prévenus : « il n’y aura pas de programme précis » ! Roberto Alagna, accompagné du truculent Yvan Cassar allait donc emmener ses spectateurs au gré de ses humeurs d’un beau et chaud soir occitan. Dans le cadre de la deuxième édition du Festival de Toulouse, le magnifique écrin du Théâtre du Capitole accueillait l’enfant prodigue après tant d’années (à peine trentenaire il avait chanté ici Roméo), mais cette fois pour un récital.
Pas de programme précis donc, c’est si vrai que les spectateurs (il vaudrait mieux parler de fans, à tout le moins de public conquis d’avance) ne disposent pas de programme de salle ; nous avons donc reconstitué le programme de la soirée (à une deux chansons napolitaines près), programme qui reprend tout ce que l’on attend d’un Roberto Alagna capable comme nul autre de chauffer la salle comme une rock star et de faire reprendre en fin de soirée « Funiculì funiculà » aux spectateurs qui n’en demandent pas tant. Au programme donc, opéra français bien sûr, mais aussi italien et jusqu’à un improbable « Deh, vieni alla finestra » transposé pour voix de ténor avec accompagnement de mandoline comme il se doit. C’est que toute la seconde partie d’un programme généreux met en valeur le quintette de l’orchestre du Capitole qui équilibre trompette et mandoline. Après l’entracte, Roberto a quitté la cravate et se lance dans les chansons napolitaines, mexicaines et siciliennes, reprenant quelques-uns des tubes de ses albums solos ; « Sicilien », « Le Chanteur », « Caruso 1873 ».
C’est la première partie qui semble la plus intéressante ; débutée crânement par un « Quanto è bella, quant’è cara » qui lui permet d’ajuster la voix, il enchaîne sur ce qui restera pour nous ses plus belles interventions : l’opéra français (Zémire et Azor, Le Roi d’Ys, La Juive, Le Cid). Fougue, ardeur, générosité, les qualités alagniennes que l’on se surprend à retrouver intactes, comme insensibles à la patine des années. Mieux même, le bronze n’est-il pas plus dense, conférant à la voix cette touche dramatique qui sied tant aux morceaux choisis ? Après l’opéra français, il clôture la première partie avec Rigoletto (on aurait aimé réentendre Alagna dans « La donna è mobile » plutôt que dans « Questa o quella ») et un inattendu et néanmoins très réussi « E lucevan le stelle » avec piano et violoncelle à l’unisson.
La seconde partie est plus débridée, les chansons succèdent aux mélodies italiennes et sollicitent les instruments, pas forcément à l’aise dans ce répertoire mené tambour battant. On ne sait pas quand le programme officiel s’achève et où commencent les « Encore ». Peu importe, il se fait tard et Roberto nous dit qu’il doit parcourir encore plus de 500 kilomètres ce soir. On lui souhaite bonne route.