Le festival de Munich est comme un condensé de la saison du Bayerische Staatsoper en un mois : 17 productions différentes pour près de quarante représentations, mais aussi des concerts, des récitals, des ballets, une retransmission de Lohengrin sur grand écran en plein air, etc. Il règne une belle ambiance sur la ville.
L’Ariadne auf Naxos de Robert Carsen restera sans aucun doute dans les annales de la maison. C’est une éblouissante réussite reprise un an après sa création avec une distribution pratiquement inchangée mais un nouveau chef, Bertrand de Billy succédant à Kent Nagano qui avait ébloui par son travail d’orfèvre. Moins fouillée, la direction du chef français affiche cependant un beau lyrisme, des gestes amples et larges qui laissent respirer la divine musique de Strauss servie par un splendide orchestre (mais dont on regrettera cependant une percussion trop présente).
La distribution proposée est sans doute ce qui peut se faire de mieux aujourd’hui : on est proche du miracle. Dans le Prologue, le compositeur de Daniela Sindram est époustouflant de beauté et de ligne : timbre rond et charnu, se déployant en de magnifiques aigus, grande expressivité du chant et du jeu, c’est assurément une voix à suivre. Triomphe absolu au rideau. La Zerbinette de Diana Damrau est elle aussi époustouflante d’aisance sur scène, malgré tous les inénarrables jeux de scènes imaginés pour son personnage par Robert Carsen, Damrau assure une ligne de chant impeccable et des aigus rayonnants (on relève juste une petite raideur à la fin de son grand air). Royale également l’Ariadne d’Adrianne Pieczonka, d’une féminité extrême, toujours noble dans la douleur ou la joie et impeccable de tenue vocale. Le Bacchus de Burkhard Fritz est lui encore idéal. Le chanteur supporte aisément la tessiture impossible du rôle, ce qui n’est pas un mince exploit, et arrive à offrir une vraie consistance à son personnage. Le reste de la distribution est impeccable, notamment trois splendides Naïade/Dryade/Echo.
La mise en scène de Robert Carsen reste un travail scénique parmi les plus aboutis qu’il nous ait été donné de voir à l’opéra. Se fondant sur les thèmes du reflet, du miroir, de l’image de soi, du double, de l’artifice, de la mise en abyme, etc., elle semble « découler » de la musique. On est confondu devant la pertinence de l’action scénique, par l’humour ou encore par l’art scénographique jamais démonstratif mais toujours au service du drame. On ne peut ainsi oublier les « drôlissimes » jeux de scène de la troupe italienne (ah ! son striptease faisant contrepoint à celui des éphèbes qui entouraient Zerbinette durant son grand air !) et par les images magnifiques qui parsèment tout l’opéra (la dizaine de danseurs reproduisant la même gestique qu’Ariadne et Bacchus, le pan lumineux se découvrant puis s’avançant et isolant le couple au devant de la scène, l’évanouissement final de tous ces éléments pour laisser le compositeur seul en scène sur le dernier accord…). On ressort de ce spectacle abasourdi et ébloui par tant de profondeur et de beauté.