Nul n’est propriétaire de l’âme de Mozart. Mozart est universel. Il appartient à tous. Mais lorsqu’on a entendu, samedi à Tours, le concert jubilatoire de l’ensemble Collegium 1704 de Prague, on se demande si les Pragois n’ont pas hérité un peu plus que les autres de l’esprit de Mozart.
Mozart, d’ailleurs, avait une douce affection pour Prague, ville où il créa son Don Giovanni et à laquelle il dédia une symphonie.
L’esprit malicieux, joyeux, espiègle de Mozart a imprégné tout le concert – et cela même si l’œuvre principale du programme était son Requiem. Nous avons entendu en effet, un… joyeux Requiem, un Requiem vraiment… vivant!
Le Collegium 1704 est un ensemble de musique ancienne. Ses instruments d’époque le plongent dans une sonorité feutrée. Václav Luks qui le dirige avec une allégresse piaffante obtient de ses musiciens une précision et finesse exemplaires. L’ensemble est sans défaut, ses contours sont sains, vibrants mais jamais flous, nets et sans bavure.
La célèbre 40e Symphonie en sol mineur, qu’il présenta avant le Requiem eut un chic fou, le menuet étant dirigé à 1 temps (et non trois) pour stimuler son allégresse.
Dans le Requiem on eut droit à un « Kyrie » de fête, un « Lacrymosa » dansant, un « Libera me » souriant, un « Sanctus » débridé. Peu importe si des applaudissements intempestifs se glissaient entre les mouvements, Vaclav Luks ne se laissait pas troubler et caracolait dans son Requiem comme dans un champ de béatitude.
L’orchestre et le cboeur Collegium 1704 (Photo A.P.)
Le chœur n’était composé de quatre choristes par voix – soit seize en tout, au lieu des 40 ou 60 qu’on a l’habitude d’entendre. Mais le volume était suffisant, chaque choriste étant un soliste en soi, l’ensemble vocalisant avec une étonnante virtuosité collective.
Les quatre « vrais » solistes étaient de première qualité – avec, toutefois, une réserve sur le ténor. La basse Tobias Berndt avait la gravité d’un Commandeur qui aurait ressuscité pour venir participer au concert, la soprano Marie-Sophie Pollak faisait joliment tinter le cristal de son timbre.
Ce Requiem n’était pas un Requiem pour pleurer. C’était un hymne à la vie. A la vie dans l’Au delà. Le résultat fut un total régal musical.
On se souvient de l’appréciation de Bernard Shaw ayant assisté à l’exécution d’un Requiem : « Il n’y a que le mort qui ne s’est pas ennuyé ! »
Ici, ce ne fut pas le cas. Avec cet exaltant Requiem, les Concerts d’automne de Tours, qui se poursuivent jusqu’au 17 octobre, nous ont offert un moment plein de vie.