La Lettonie est à l’honneur ce soir au Théâtre des Champs Elysées, pour fêter ses six mois à la tête du Conseil de l’Union européenne. L’Orchestre Symphonique National de Lettonie sous la baguette de son directeur musical Andris Poga et le Chœur National de Lettonie sont en tournée à Paris pour l’occasion. Petit pays mais grand par sa culture et son importance musicale nous indique l’ambassadrice de Lettonie à Paris en introduction du programme. Et les forces lettones présentes ce soir lui rendent justice.
Le chœur professionnel fondé en 1942 fait très forte impression. On ne sait que louer en premier lieu : peut-être sa précision avec des attaques franches et une rythmique sans défaut. Ses couleurs ensuite, claires mais jamais criardes, même dans les fff dont la partition n’est pas avare, mais aussi sa maîtrise des dynamiques, du murmure impalpable aux rugissements apocalyptiques. Les effets polyphoniques sont parfaitement rendus grâce à un équilibre rare entre les tessitures, qui s’enchevêtrent sans jamais se superposer ou se parasiter. L’orchestre n’est pas en reste, séduisant dès les premières mesures par le fondu des sonorités et la balance des pupitres. On sent une grande symbiose entre les instrumentistes et leur chef. La contrepartie à cette direction extrèmement tenue et maîtrisée est peut être un caractère quelque peu policé : on a ainsi entendu « Dies irae » plus effroyable et cataclysmique.
Les solistes réunis ce soir représentent également l’Europe au sens large, de l’Italie à la Russie en passant par la Pologne.
Les deux chanteuses partagent nombre de caractéristiques communes, notamment une puissance sonore et une projection plus que confortables et un timbre charnu. Olesya Petrova tend cependant à se laisser aller à un hédonisme vocal parfois déplacé, se grisant des sonorités opulentes de son mezzo, osant même quelques poitrinages (on a parfois l’impression d’entendre Preziosilla dans La Force du destin !). Elle démontre pourtant dans « Lux aeterna » qu’elle peut alléger, mais revient vite à ses péchés mignons privilégiant les sons claironnants à la retenue recueillie. A ses côtés, la soprane Aga Mikolaj, élève de Dame Elisabeth Schwarzkopf, séduit par son engagement intense, quasi expressionniste dans le « Libera me ». On pourrait cependant rêver voix plus libre et lumineuse dans l’aigu, en un mot plus céleste, qui contrasterait davantage avec sa partenaire.
De Riccardo Zanellato (basse) on pourrait presque reprendre mot pour mot nos impressions en octobre 2011 à Parme dans cette même partition : même déficit d’autorité (notamment dans le « Confutatis maledictis ») compensé par un chant habité et nuancé. Tout juste notera-t-on un vibrato qui semble s’être renforcé. Giorgio Berrugi sonne d’abord bien nasal. Si la voix s’assouplit peu à peu, le chant manque de rayonnement, trop univoque et avare en couleurs.
Qu’importe pourtant ces quelques réserves, le public applaudit à tout rompre aux saluts : la Lettonie a réussi son opération séduction.