En une poignée d’années, L’INSTANT LYRIQUE s’est imposé comme un des rendez-vous les plus réjouissants de la saison parisienne. Richard Plaza, le directeur artistique de cette série de récitals pour voix et piano proposés à Eléphant Paname, dans le 2e arrondissement, veut rester optimiste malgré les difficultés auxquelles il est aujourd’hui confronté, comme tout organisateur de spectacles vivants.
L’InNSTANT LYRIQUE dispose-t-il d’une assurance annulation qui dans la situation actuelle lui permet de limiter les pertes, en termes de billetterie, de location de salle et de matériel ?
Le statut juridique de L’INSTANT LYRIQUE est celui d’une association loi 1901. Nos accords avec Éléphant Paname, institution privée, qui accueille nos récitals, sont clairs. Nous assurons le budget de fonctionnement de notre association et celui de la production des récitals, Éléphant Paname celui de l’organisation, (salle, billetterie, promotion). Nous partageons les recettes au prorata. Depuis la fermeture du centre, le 13 mars, le personnel Éléphant Paname a été placé en chômage technique et a procédé au remboursement des places achetées.
Si les pertes sont certaines, la billetterie n’est pas la principale ressource de l’établissement. J’ignore si pour ce manque à gagner Éléphant Paname a souscrit à une assurance, en ce qui concerne notre association, nous ne sommes pas assurés.
Le budget artistique est, pour le moment, figé, nous ne devons aucune location à Éléphant Paname pour les dates annulées. C’est notre chance, notre confort.
Toujours sur le plan financier, les artistes engagés pour les concerts annulés sont-ils tout de même rémunérés ?
Nous sommes en attente d’une clarification des directives sur le chômage partiel pour les artistes y compris étrangers, mais je pense que nous réussirons, pour notre part, à reporter les dates prévues et nous ne laisserons pas tomber les artistes.
A l’INSTANT LYRIQUE, le fait de ne présenter que des récitals nous rend plus flexibles et nous espérons donc pouvoir nous réorganiser sans trop de « casse ». Il est plus aisé de reprogrammer rapidement un récital chant-piano qu’une production lyrique et d’une manière ou d’une autre les artistes que nous avions engagés ne perdrons pas leurs cachets prévus.
Mais si honorables soient les cachets que nous offrons à nos artistes, ils ne sont pas l’essentiel de leurs revenus, loin de là. Ces chanteurs font de belles carrières et c’est surtout la perte de leurs rétributions prévues pour leurs participations aux productions d’opéra dans lesquelles ils étaient impliqués et qui ne seront pas, pour la plus part, reprogrammées qui vont les plonger dans des difficultés financières importantes.
Pendant cette période terrible et inédite, va s’ajouter pour certains la perte de belles opportunités de visibilité artistique. Lors de ces rendez-vous manqués avec le public, beaucoup auraient eu l’occasion de montrer leur talent dans des prises de rôles, dans des défis artistiques nécessaires au développement de leur carrière.
Il faut donc être solidaire et trouver des solutions qui soutiennent les artistes aujourd’hui en difficulté, sans pour autant oublier d’assurer la pérennité des maisons d’opéra et des ensembles.
Si l’on demande aux structures d’honorer tous leurs engagements sans aucune billetterie et sans une compensation des pouvoirs publics, du mécénat, à la hauteur de l’enjeu, on court à la catastrophe…et les répercussions se feront sentir longtemps.
Si les maisons d’opéras, les festivals, les organismes privés comme l´INSTANT LYRIQUE ou Les Grandes Voix sont acculés et étranglés, il en va de l’avenir des artistes. Des scènes risquent de disparaître.
Par un inévitable effet de ricochet, la crise menace-t-elle les saisons à venir de L’INSTANT LYRIQUE ?
Pas pour le moment. Encore une fois, le récital est un format léger, les prochaines saisons seront un peu réagencées mais pas menacées à proprement parlé. Il nous est plus facile de nous adapter que les maisons d’opéras.
Aujourd’hui, nous avons dû annuler les récitals de Rachel Willis-Sorensen, Alexandre Duhamel et Angélique Boudeville et Sandrine Piau. Dans l’attente des décisions gouvernementales sur le déconfinement et l’autorisation de rouvrir les salles, nous sommes dans le flou total.
Peut-être pourrons nous en reporter certains fin juin / début juillet si la situation le permet, sinon ça sera pour les prochaines saisons.
Ainsi, nous n’annoncerons la saison 20/21 qu’une fois sortis de l’œil du cyclone de la crise actuelle.
Comment s’assurer du soutien des mécènes, étant donné les multiples sollicitations dont ils doivent faire l’objet, et pour certains d’entre eux, les effets probables de la crise économique sur leur générosité ?
Nous avons le confort vital et essentiel d’être soutenus par des fonds privés, des particuliers et une fondation, la Fondation Eurydice, que la situation semble impacter un peu moins directement que certaines entreprises. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu d’alerte sur leur niveau d’engagement mais plutôt de nombreux messages de soutien. Restons optimistes ! Cette période de confinement a permis de montrer à quel point la culture et la musique en particulier nous étaient aussi essentielles que les pâtes et le papier toilette !
Comment garder contact à distance avec le public ?
Nous restons actifs sur les réseaux sociaux et venons de lancer notre chaîne YouTube qui regroupe de nombreux extraits des saisons précédentes.
Les retransmissions gratuites d’opéras en streaming, si elles sont hautement appréciables en période de confinement, ne risquent-elles pas de pervertir les habitudes de consommation de la culture ? En bref, aura-t-on encore envie de payer pour aller au spectacle après avoir pris goût aux joies de l’opéra chanté par les plus grandes voix dans le confort et l’intimité de son salon ?
Je ne crois pas que notre public nous « abandonnera ». Il se sera, le temps du confinement, tourné vers le «virtuel », grâce à internet, à la radio, à la télévision. Mais il sera au rendez-vous dès la réouverture des salles. C’est certain. Après cette période tellement anxiogène, les gens auront besoin de reprendre leurs habitudes et de revivre.
Et puis, soyons certains que rien ne remplacera jamais le spectacle vivant, le frisson du « live » et la proximité avec les artistes. Nous étions déjà bombardés de contenus avant le confinement, ça n’empêchait personne de sortir !
Le public présent a l’INSTANT LYRIQUE n’a pas cessé de croître depuis le début de notre aventure, et ce, malgré la concurrence de salles toujours plus nombreuses au fil des ans (ouverture de la Philharmonie, de l’Auditorium de RF, de la Seine Musicale etc…)
Notre lieu est aussi celui de la découverte, et les artistes que nous présentons souvent pour la première fois n’ont pas toujours eu l’honneur des enregistrements…
Il est aussi probable que les institutions diminuent leur offre en ligne à la sortie du confinement.
Et je pense, que certaines personnes auront, pendant ce temps troublé, découvert la magie de l’opéra installées dans leur canapé et franchiront le pas de la salle de concert une fois que nous serons sortis de cette crise. Et l’INSTANT LYRIQUE a prouvé qu’il pouvait être, par son intimité et ses prix volontairement modérés, une bonne porte d’entrée…
Le format récital chant-piano n’a jamais été très populaire, c’était un pari risqué que nous avons fait d’imposer une série parisienne comme l’INSTANT LYRIQUE, le public restera !
Travaillez-vous déjà à un scénario de reprise de votre activité ?
Absolument, la question principale est de savoir si nous pourrons jouer avant l’été… Si c’est le cas, nous pourrions imaginer un/des concert(s) festif(s) de sortie de crise avant d’enchaîner sur la nouvelle saison.
L’équipe de l’INSTANT LYRIQUE est plus soudée que jamais pour traverser cette épreuve. Avec Sophie de Ségur, Antoine Palloc et Julien Benhamou, nous sommes en contact permanent et nous adapterons notre offre à l’évolution de la situation.
Quel est votre secret pour ne pas céder au découragement ?
L’optimisme !
On dit qu’à quelque chose malheur est bon. Selon vous, quels points positifs pourrait engendrer la situation ?
Une prise de conscience de l’importance de la culture dans nos vies. Tout comme les soignants, principaux héros de cette pandémie, et dont l’engagement sans faille met en lumière la nécessaire reconsidération de leur profession, la culture peut sortir gagnante de ce triste épisode. Que ferions-nous en confinement sans musique sans spectacles à regarder en ligne, sans films, sans théâtre ou sans lectures ?