Otages en création dans le cadre du festival de l’Opéra national de Lyon est un bon spectacle. Le problème pour l’auteur de ce compte-rendu vient du fait que ce n’est pas vraiment une œuvre lyrique. Pourquoi ? Sebastian Rivas s’est donné les bons outils. Il les détaille longuement dans le programme du spectacle : la déclamation pour le factuel, le récit, les péripéties ; pour la voix les affects, les sentiments, les fantasmes. Le lyrisme doit permettre d’incarner et de représenter tout cet univers mental et sensuel. Le livret, adapté par le compositeur lui-même d’après la pièce de Nina Bouraoui, s’avère d’une grande richesse, en prise avec notre époque qu’il dramatise. Ce n’est pas tout à fait le cas de la musique. La composition de Sebastian Rivas étale de grand aplats sonores que viennent colorer une myriade d’instruments et de techniques modernes. Le continuum qu’il recherche en voix parlée et chantée se dissémine dans une partition qui ne possède pas de vraies ruptures et peu de points saillants pour souligner la scansion de l’argument. Acte manqué ou révélateur, les musiciennes de l’ensemble musicale sont placées derrière le décor. Tout juste devinera-t-on la battue rigoureuse de Rut Schereiner.
Le problème majeur, c’est que toute la pièce tourne autour du récit factuel de la vie maritale et professionnelle de Sylvie Mayer. Dès lors, les possibilités d’une écriture lyrique sont réduites à la portion congrue, ne peuvent se développer et se cantonnent à une esthétique contemporaine somme toute académique. Sylvie parle en quasi-permanence et l’on a presque envie de rendre davantage hommage à l’incarnation théâtrale au sens large de Nicola Beller Carbone qu’à sa prestation vocale – irréprochable et engagée. Il en va de même pour les « hommes » qu’Ivan Ludlow endosse (le Mari et Victor Andrieu, le patron). Très peu de texte chanté et une voix déclamée qui ressemble à s’y méprendre avec celle d’un certain président de la République.
La proposition scénique de Richard Brunel, le directeur de l’Opéra national de Lyon, s’attèle à rendre parfaitement lisible les topos (physique et mentaux) de la déclamation de Sylvie. Dans ce décors de bureau de l’usine de caoutchouc, le truchement de stores, tantôt persiennes sur l’intimité tantôt écran de projection de vidéos live des scènes de huis clos, permet une plongée au cœur de l’action que la musique ne parvient pas à transmettre. La direction d’acteur, précise et ciselée, participent grandement à la réussite du spectacle.