C’est dans une des cours du domaine Capece, du nom d’une des plus importantes familles nobles des Pouilles, que le Festival della Valle d’Itria se déplace pour ce concert sous les étoiles, où trois élèves de l’Académie Belcanto « Rodolfo Celletti », un soprano, un mezzo-soprano et un ténor se produiront dans cet ordre, excepté pour les trois derniers airs où il reviendra au soprano de conclure. L’assistance est assez fournie, car l’évènement est tout autant musical que social. Il y a des mélomanes, évidemment, et des voisins, eux aussi propriétaires de grands domaines agricoles – huile d’olive et vin – que la dureté des temps contraint à chercher des ressources dans l’ouverture au tourisme.
Absence d’un local où ils auraient pu échauffer leur voix, fatigue liée à un apprentissage intensif, programme trop ambitieux préparé trop vite, combat intérieur pour dominer un trac quasi palpable, les raisons ne manquent pas qui pourraient expliquer une réussite inégale. Une chose est sûre, plus l’on avance vers la fin et plus les voix s’ouvrent, entre échauffement et soulagement. Alors, plutôt que de détailler par le menu les motifs d’insatisfaction, relevons les raisons d’encourager ces jeunes artistes. Le ténor Stefano Colucci ne convainc vraiment qu’à la fin de son programme, dans une mélodie de Bellini qui sollicite peu l’amplitude et ne lui fait pas courir de risque comparable à celui qu’il a pris avec l’extrait du Stabat Mater de Rossini. A-t-il l’agilité qui captive pour chanter Almaviva et ployer sa voix à la souplesse mozartienne de Don Ottavio ? Il semble tout au long du concert si tendu, avec les conséquences sur l’émission et la grâce qu’on souffre avec lui et pour lui.
La mezzo-soprano Ekaterina Romanova, si elle souffre du même mal, semble mieux armée pour y résister. Placée dans de meilleures conditions pour se préparer, n’aurait-elle pas mieux géré sa voix, et pu convaincre qu’elle avait tous les moyens pour bien chanter les airs virtuoses de Farnace, d’ Arsace et d’Isabella ? Sans être exceptionnelles l’étendue, la souplesse et la vélocité des agilités sont réelles mais l’apparente liberté du chant, qui fait toute la difficulté et la beauté d’interpréter Rossini, reste en suspens. C’est avec la mélodie de Glinka qui conclut sa participation au programme qu’on entend enfin la voix dans sa plénitude, sa rondeur et son éclat.
Soraya Mencid et Giorgio D'Alonzo © DR
Le soprano Soraya Mencid mettra elle aussi du temps à se libérer. Contractée pour la plainte d’Ilia, la voix se détend pour la cavatine de Fiorilla – qui ne serait pas de Rossini – et s’épanouit pour l’air bipartite de la comtesse de Folleville, désespoir d’abord, exaltation ensuite, enrichi à l’excès de suraigus et de notes piquées qui témoignent de l’étendue vers le haut, la zone grave restant moins sonore, et d’une maîtrise technique certaine. Mais c’est avec l’air extrait de la zarzuela El barbero de Sevilla que la voix révèle son impact véritable et son charme, quand elle ne cherche pas l’exploit mais une juste expressivité.
Au piano, Giorgio D’Alonzo s’acquitte impeccablement de son rôle de partenaire accompagnateur, jusque dans le bis extrait de La veuve joyeuse qui remercie le public de sa chaleur.
Les chanteurs saluent avec le sourire : cela fait partie de la vie d’artiste qu’ils ont choisie.