Coproduite avec Pesaro, l’Elisabetta, regina d’Inghilterra de Davide Livermore accoste sur les rives siciliennes avec une distribution largement renouvelée. Sur l’Adriatique, ces dames l’avaient alors emporté sur ces messieurs, à Palerme le point d’équilibre est trouvé.
Salome Jicia, seule rescapée du festival Rossini, réitère sa performance toute en virtuosité donnant presque au personnage la dimension d’une rivale. Son ample ambitus s’épanouit sur un timbre un rien corsé mais aux reflets cristallins. Rosa Bove peinerait presque à imposer son personnage d’Enrico, certes seulement gratifié dans les ensembles. Si son mezzo peut sembler un peu clair de couleur, la voix est saine et sonore. En reine de la soirée, Nino Machaidze arpente les planches et le costume de son ancienne professeur, Leyla Gencer, sur cette même scène en 1971. La grammaire rossinienne n’a plus de secret pour le soprano géorgien et elle en fait la démonstration aussi savante qu’investie toute la soirée durant. Tant d’audace et un tel tempérament de feu se paye parfois de raucités ou de notes un peu basses mais c’est à ce prix qu’elle compose un portrait de reine altière aussi colérique qu’amoureuse.
Chez les hommes, le jeune Francesco Lucii parvient à se faire repérer uniquement dans les récitatifs de Gugliemo, l’omniscient chef de la garde, auquel il confère toute sa sagacité par des accents bien choisis. Ruzil Gatin gratifie la représentation des plus belles et audacieuses pyrotechnies rossiniennes. Certes son timbre nasal limite la palette de couleurs, mais, en l’espèce, il sied tout à fait à la veulerie et la duplicité de Norfolk. Il triomphe avec aisance de sa scène de bravoure du deuxième acte avec des aigus brillants et tenus, des nuances à propos et des vocalises précises. Son rival, Enea Scala possède des qualités différentes. Moins véloce et moins virtuose surement, on ne peut lui reprocher de fautes de style ou d’être timoré dans la vocalise pour autant. Il s’appuie sur son vaste ambitus et une émission généreuse pour incarner le chevalier sans peur et sans reproche à grands coups d’aigus puissants et de graves généreux. C’est ce melting pot de chanteurs aux qualités différentes qui finit par électriser la soirée.
La direction musicale et la qualité de l’orchestre du Teatro Massimo n’y sont pas étrangers, cela dit. La phalange, impressionnante dans Wagner dernièrement, retrouve ici une ductilité jouissive rehaussée par la qualité de ses solistes, la flute et la clarinette au tout premier chef. La baguette d’Antonino Fogliani, polie à Pesaro et à Bad Wildbad, dose parfaitement les équilibres et les tempos. Voilà un Rossini confortable pour chaque chanteur, qui sait fouetter les finals et codas orchestrales tout comme caresser les pages cantabile. Le chœur jouit d’une préparation identique et rejoint sans mal ce même niveau général.
Enfin, malheureusement, la production de Davide Livermore ne trouve guère plus de sens en Sicile. Assemblée de références disparates dans un bric-à-brac scénique (The Crown, Le discours d’un roi ou encore la figure historique de Winston Churchill pour ce traitre de Norfolk ?), on ne saisit guère la surcouche interprétative que le metteur en scène a voulu plaquer sur ce mélodrame sentimental déguisé en royaux atours. Dès lors, il ne reste plus qu’une plastique réussie – des costumes aux décors digitalisés par D-Wok – qui verse régulièrement dans le spectaculaire. Au moins, cet aspect se trouve parfaitement raccord avec le feu d’artifice musical offert à Palerme.