Depuis 2001, Il viaggio a Reims mis en scène par Emilio Saggi offre à de jeunes chanteurs l’occasion de mettre à profit l’enseignement dispensé par l’Accademia rossiniana. Sonia Prina (1995), Paolo Bordogna (1998), Nicola Alaimo (2000), Marianna Pizzolato (2003), Olga Peretyatko (2006), Marina Rebeka (2007), Enea Scala (2009), Salome Jicia (2015) ou encore Xabier Anduaga (2016) font partie des centaines d’artistes passés sur les bancs d’une école voulue par le maestro Zedda comme une pépinière de talents*. A juste titre. Pour la seule édition 2024, ce vivier représente plus d’un quart des noms de l’affiche.
C’est dire l’intérêt avec lequel chaque année, on observe la manière dont les nouvelles recrues se confrontent à une œuvre motivée par le sacre de Charles X en 1825, retirée après la troisième représentation car de circonstance, pour ne réapparaître qu’en 1984, à Pesaro. Plutôt qu’un pari – risqué — sur les grands Rossiniens de demain, nous nous contenterons de citer les quelques noms que nous aurons plaisir à retrouver, sinon suivre, dans les saisons à venir.
Viktoriia Shamanska (Corinne) et Bryan López González (Belfiore) © Amati Bacciardi
Viktoriia Shamanska pour commencer, soprano ukrainienne déjà repérée le mois précédent à Bad Wildbad par Maurice Salles. « Arpa gentil », les stances de Corinne, mettent en lumière un timbre dont le fruit offre un heureux contraste avec les voix fluettes qui avaient défilé jusqu’alors. Une étoffe donc, et plus essentielle encore dans ce numéro, la ligne, tracée longue et continue sur le souffle. Le duo suivant ne transforme pas l’essai, par défaut d’expression et parce que son Belfiore – Bryan López González – capte davantage l’attention. Non en raison d’une plastique irréprochable dévoilée comme une ultime tentative de séduction – ainsi que le veut la mise en scène –, mais par une voix d’essence lyrique, d’une mâle fierté, à laquelle ne nous a pas habitué un rôle souvent confié à des ténors pâlichons. Cette carrure n’empêche pas l’agilité mais – revers de la médaille – la liberté dans l’aigu est moindre. Citons enfin la mezzo-soprano Chinoise Yiqiang Heng. Là encore une voix étoffée, un relief et une technique qui sert la caractérisation d’une Melibea sensuelle sans exagération, capiteuse sans vulgarité.
Modeste moisson à l’échelle d’une seule représentation, complétée de ci de là par des promesses à tenir sous condition de travail et de persévérance. Dans des rôles moins visibles, se profilent l’Alvaro solide du baryton sarde Dario Sogos et le ténor engageant d’Aleksey Kursanov en Don Luigino.
Ce Viaggio en fin de cursus permet aussi à de jeunes chefs d’orchestre de faire leurs classes rossiniennes. Nul doute que Davide Levi continuera de trouver matière à se développer dans ce répertoire. Il en possède deux des clés nécessaires, sinon suffisantes : le sens du théâtre et du rythme.
* On pourra lire à ce propos notre article publié dans le numéro 317 de L'Avant-Scène Opéra consacré au Rossini Opera Festival de Pesaro.