Drôle d’endroit pour une messe, même petite. Un gymnase aménagé en foire à la brocante. Rossini en a vu d’autres. Sa réputation d’amuseur autorise toutes les facéties. Composée à la fin de sa vie, à un âge où se pose brûlante la question de l’éternité, sa Petite messe solennelle ne prétend pas au rire, ni même au sourire. Le décalage assumé entre l’esprit de l’œuvre et les situations loufoques imaginées sur scène par Emily Wilson et Jos Houben engendre un spectacle distrayant, souvent amusant qui, après une série de représentations en région, achève son parcours à Paris sur la scène de l’Athénée.
Très vite, le marché aux puces devient foire d’empoigne. Trois comédiens se mêlent aux douze artistes du chœur pour illustrer les quatorze stations de la partition dans une approche burlesque proche de l’absurde. Les idées foisonnent, les références se multiplient, les gags s’enchaînent réglés comme du papier à musique, jusqu’à l’offertoire, longue page instrumentale recueillie qui trouve le tandem moins inspiré. Le plateau se vide de ses accessoires. Le ton devient grave. Les trois derniers numéros tirent en longueur. Tel le roi du conte d’Andersen, la scène est nue.
Le premier mérite de cette représentation décalée du testament artistique de Rossini est de revenir aux intentions musicales originelles de la partition. Pas d’orchestration emphatique, ni de chœur pléthorique. Le retour à l’effectif réduit de « douze chanteurs de trois sexes » tel qu’indiqué par le compositeur lui-même sur la première page de son manuscrit rend encore plus évidente la subtilité de la polyphonie. Placé au cœur de l’action scénique, Gildas Pungier dirige imperturbable un chœur qu’aucun mouvement ne parvient à détourner de sa cohésion. Les voix s’emboîtent sans décalage ; l’échafaudage complexe des fugues ne souffre d’aucun déséquilibre. L’accordéon supplée l’harmonium avec une discrétion appréciée tant on aurait pu craindre que l’usage d’un instrument associé – à tort – au seul bal musette ne dévoie le propos musical. Contrairement à Bordeaux peu de jours auparavant, le piano se fait accompagnateur mesuré. Dans une œuvre chantée par les plus grandes voix – rien moins que Marina Rebeka, Francesco Meli, Sara Mingardo et Alex Esposito dans la version enregistrée par Antonio Pappano –, les solistes issus du chœur interviennent naturellement sans que leurs numéros ne trahissent l’esprit de groupe qui ici prévaut, au plus près de la volonté de Rossini.