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ROTA, Aladino e la lampada magica – Martina Franca

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Spectacle
29 juillet 2024
Pour le plaisir de raconter

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Fable lyrique en trois actes et onze tableaux (Naples, Teatro San Carlo, 14 janvier 1968)

Musique de Nino Rota

Livret de Vinci Verginelli d’après Le mille e una notte

Version originale,  Editions Schott

Détails

Nouvelle production du Festival de la Valle d’Itria

Mise en scène
Rita Cosentino

Décors et costumes
Leïla Fteita

 

Aladino
Marco Ciaponi

Le mage maghrebin/ Le Roi
Marco Filippo Romano

La Princesse Badr-al-Budùr
Claudia Urru

La mère d’Aladin
Eleonora Filipponi

Le  Grand Vizir
Rocco Cavalluzzi

L’orfèvre
Omar Cepparolli

Le premier compagnon d’Aladino
Pepe Hannan

Le second compagnon d’Aladino
Davide Zaccherini

Le troisième compagnon d’Aladino
Zachary McCulloch

Une servante de Badr-el-Budùr
Anastasia Churakova

Le génie de la lampe
Giovanni Accardi

Le génie de l’anneau
Alexander Ilvakhin

Les marchands, les gardes du Roi, les compagnons d’Aladino, les servantes de Badr-el-Budùr, la Cour, le Peuple

Chœur d’enfants

Chœur de voix blanches de la Fondation Paolo Grassi

Chef de chœur
Angel Lacarbonara

Chœur du Teatro Petruzelli de Bari

Chef de chœur
Marco Medved

Orchestre du Teatro Petruzelli de Bari

Direction musicale
Francesco Lanzillotta

Martina Franca, Cour du Palais Ducal, 27 juillet 2024 à 21h

 

 

 

 

 

 

 

En 1926, l’année de la création de Turandot, Nino Rota a 15 ans et il compose un opéra, Il Principe porcaro* d’après un conte d’Andersen. C’est la manifestation d’un goût pour le fantastique qui ne le quittera pas, comme en témoignent Lo scoiatolo in gamba*, en 1959, sur un livret d’Eduardo di Filippo, et Aladino e la lampada magica créé en 1968 après deux années de composition – de 63 à 65 – suivies de retouches et de révisions jusqu’en 1967.
Pourquoi un opéra et pourquoi choisir ce conte des Mille et une nuits ? Et pourquoi pas ? Le renom de Nino Rota comme compositeur de musiques pour le cinéma est tel qu’on ignore – en France – à peu près tout de sa contribution au genre lyrique. Le chapeau de paille d’Italie est considéré comme un heureux accident de parcours dans une carrière somme toute moins noble, car c’est un préjugé répandu qu’écrire pour le cinéma, c’est plus facile qu’écrire pour l’opéra. De là à penser que Nino Rota est un compositeur du second rayon il n’y a qu’un pas. Pourtant certains chefs d’orchestre se souviennent de leur confusion lorsque, appelés à diriger de la musique symphonique de Nino Rota sans avoir lu la partition, ils découvrirent la complexité de l’écriture.
Car c’est une des découvertes que favorise la proposition du Festival de la Valle d’Itria, Nino Rota, à l’époque de la composition – et il semble que ce fut toujours vrai tout au long de sa vie de compositeur – n’a jamais suivi les modes, se bornant à écrire ce qui lui plaisait, prenant çà ou là des éléments à insérer dans son discours sans s’assujettir à une quelconque chapelle. Oui, on peut entendre tel fragment mélodique, tel accord, telle combinaison de timbres, qui vont rappeler Puccini, Gershwin, Bernstein ou Richard Strauss, mais on peut exclure l’intention d’imiter un filon. Plutôt, comme Rossini lui-même et plus tard Stravinsky, le réemploi de stylèmes dépourvus de signification intrinsèque mais adaptables à un contexte nouveau.
Le découpage du conte donne une structure en trois actes. Au premier, Aladin est abordé par le mage maghrébin, qui lui raconte être son oncle et l’entraîne dans une quête mystérieuse au terme de laquelle le Génie d’un anneau magique aidera Aladin à échapper à la mort.  Au deuxième acte, alors qu’il va vendre la lampe pour se procurer de quoi subsister, sa mère la nettoie et un autre Génie apparaît, qui peut lui procurer tout ce qu’il peut désirer. Tombé amoureux de la fille du Roi il envoie sa mère la demander en mariage, et il aura satisfaction car le Génie de la lampe accumule les richesses exigées par le cupide souverain. Au troisième acte, alors qu’il est à la chasse, le méchant magicien revient dans l’intention de se rendre maître de la lampe. Il y parvient et transporte le palais et la princesse en Afrique. A son retour, Aladin désespéré invoque le Génie de l’anneau, qui le met en présence de la princesse, à laquelle il demande de séduire le magicien et de lui faire boire un narcotique. En fait il mourra, Aladin récupérera la lampe, et retournera avec son épouse au pays qui est le leur. Il reviendra au chœur d’enfants – dirigé par Angela Lacarbonara – qui avait ouvert la représentation de la refermer puisque le fil conducteur du spectacle est cet enfant qui s’est attardé dans la bibliothèque à lire le conte d’Aladin et qui s’y retrouve quand il a lu tout le conte, environné des personnages auxquels sa lecture a donné vie.
Une chose surprenante est la taille de l’orchestre. Nino Rota le voulait massif, et le spectacle de  l’effectif des musiciens du Teatro Petruzelli de Bari suscite chez notre voisin une exclamation : mais c’est berliozien ! Il faut également un chœur d’hommes, un chœur de femmes, un chœur d’enfants, autant dire que ce spectacle réclame beaucoup de moyens humains, ce qui influe sur le coût de la production. Est-ce pour cela que la mise en scène s’est privée d’outils techniques qui auraient pu rendre spectaculaires les épisodes de la caverne, les défilés à travers la ville ou le palais du Roi ? Et que les chœurs masculins et féminins restent invisibles dans les avant-scènes à jardin et à cour, une facilité pour la mise en scène, délivrée du souci de gérer les mouvements, et une économie pour les costumes ?
Quand les fonds sont comptés l’inventivité doit seconder la sobriété. Conçu par Leila Fteita, un élément de décor unique percé de deux portes représente les rayons d’une bibliothèque publique entièrement garnis de livres du sol au plafond. Certains des panneaux de ce décor sont mobiles et permettront de dévoiler l’entrée de la caverne ou de révéler le palais magique. Au devant s’étend un plan incliné jusqu’à l’avant-scène qui sera l’espace de jeu. A jardin et à cour, deux espaces latéraux permettent l’apparition du chœur d’enfants, ou l’arrivée de personnages secondaires, les choristes adultes étant dans les caches aux deux extrémités de la scène.
Des accessoires servent à caractériser les lieux et les étapes de l’action : tapis, cageots, pour la place du marché, meubles succincts pour le logis d’Aladin, baignoire et rideau tendu pour le bain de la princesse, coussins et tapis pour la palais du Roi. Petites déceptions,  pourquoi rassembler des brindilles, comme le demande le pseudo-oncle pour faire un feu qui ne s’enflamme pas ? Pourquoi les pierreries dont il est dit qu’elles sont énormes sont-elles invisibles ? Et pourquoi les plateaux précieux que l’orfèvre paie sans rechigner ne sont-ils pas plus grands et plus nombreux ? Le lecteur peut imaginer, mais le spectateur demande à voir !


© Clarissa Lapolla

Du récit de Shéhérazade l’adaptation a conservé l’essentiel, au prix d’ellipses qui peuvent déconcerter qui n’est pas informé des étapes du conte. Une bonne part de l’appréhension du récit par le public passe par les costumes. Leila Fteita renonce à l’option chinoise – le lieu où est censé se dérouler l’aventure –  et habille à l’orientale tous les personnages, avec des pantalons bouffants particulièrement réussis, et une touche d’excentricité particulière pour les deux génies, très colorés. Très réussie, grâce aux lumières de Francesco Siri, la première intervention du magicien maghrébin, qui fige les personnages par la puissance de son verbe.
C’est Marco Filippo Romano qui l’incarne, donnant à sa voix la noirceur qui révèle celle de son âme, le mielleux du trompeur ou le rogue de l’autorité impatiente, jusqu’à la mièvrerie de l’amoureux berné ; s’il semble parfois à la corde pour les notes les plus basses, en revanche il est très à son aise dans le rôle du Roi, esclave de sa cupidité et de sa gourmandise, véritable marionnette du Grand Ministre. Cette versatilité confirme un talent bien connu.
L’autre grand rôle est celui d’Aladin, incarné par le ténor Marco Ciaponi. Passée la légère déconvenue de ne pas voir l’adolescent espéré – car tel est le personnage du conte – on adhère à son engagement. L’écriture ne mettra vraiment en valeur l’étendue de sa voix que lors de ses effusions avec la princesse mais elle est homogène, la projection est bonne et les intentions expressives sont justes.
Deux rôles féminins se détachent, celui de la mère et celui de la princesse, dans l’ordre de leur apparition. La première, incarnation de l’amour maternel, dévoué, indulgent et jamais tranquille avec un garnement comme Aladin, trouve en Eleonora Filipponi une interprète nuancée. La seconde, Claudia Urru, que la mise en scène soumet à une pantomime en ombre chinoise pour la scène du bain, révèle son lyrisme dans les scènes d’amour avec Aladin, l’écriture ne poussant jamais sa voix ronde dans ses retranchements.
Les autres interprètes, Rocco Cavalluzzi en Grand Ministre et Omar Cepparolli, l’orfèvre, sont sans reproches, même si le second a semblé un peu fatigué. Bonnes prestations des compagnons de jeu d’Aladin, les trois ténors Pepe Hannan, Davide Zaccherini et Zachary McCulloch. Mention spéciale pour Anastasia Churakova dans le rôle de la servante agent momentané du destin de la lampe.
Quant aux deux génies, leurs courtes interventions sont impeccables de tenue, tant pour Alexander Ilvakhin – l’anneau – que pour Giovanni Accardi – la lampe.
Il serait particulièrement regrettable de ne pas mentionner les interventions chorégraphiques virtuoses d’ Emanuela Boldetti et Samuel Moretti ; elles s’insèrent remarquablement dans le spectacle sans le moindre hiatus, ce n’est pas un mince exploit !
Francesco Lanzillota, dont deux enfants chantent dans le chœur des voix blanches, aime manifestement cette partition, et c’est probablement le cas des instrumentistes, qui la font briller, des délicats accents de la harpe primitive aux accents menaçants et mystérieux aux abords de la grotte, cuivres étincelants qui annoncent le cortège de la princesse, brouhaha de la salle d’audience, solennité bruyante de la marche festive vers le palais, sombres accords de la tristesse de la princesse, le riche tissu mélodique et harmonique de la musique de Nino Rota est déployé avec amour.
L’écriture vocale n’a pas pour objet de ressusciter le bel canto pas plus que l’écriture musicale ne cherche à reproduire le passé ou à se conformer à une actualité de son temps. Dans le conte, pour Nino Rota, le plus important n’est pas de dire quelque chose, mais de raconter. C’est pourquoi il est des niveaux de lecture différents, du divertissement pour enfants au récit initiatique à l’image de La Flûte enchantée, certains analysant les péripéties comme les étapes d’une initiation, une quête de vérité  libératrice car débouchant sur la lumière, à l’image d’Aladin qui retrouve le jour après être descendu aux Enfers. Quelle que soit la conclusion à laquelle on s’arrête, reste le plaisir d’avoir découvert l’intégralité d’une œuvre dont la France ne connaît encore que la version très largement abrégée qui fut donnée à Colmar, Mulhouse et Strasbourg à l’initiative de Vincent Monteil, ainsi qu’à Saint-Etienne et à l’Opéra-Studio – sauf erreur.

*Le Prince porcher / L’écureuil astucieux

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Version originale,  Editions Schott

Détails

Nouvelle production du Festival de la Valle d’Itria

Mise en scène
Rita Cosentino

Décors et costumes
Leïla Fteita

 

Aladino
Marco Ciaponi

Le mage maghrebin/ Le Roi
Marco Filippo Romano

La Princesse Badr-al-Budùr
Claudia Urru

La mère d’Aladin
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Rocco Cavalluzzi

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Omar Cepparolli

Le premier compagnon d’Aladino
Pepe Hannan

Le second compagnon d’Aladino
Davide Zaccherini

Le troisième compagnon d’Aladino
Zachary McCulloch

Une servante de Badr-el-Budùr
Anastasia Churakova

Le génie de la lampe
Giovanni Accardi

Le génie de l’anneau
Alexander Ilvakhin

Les marchands, les gardes du Roi, les compagnons d’Aladino, les servantes de Badr-el-Budùr, la Cour, le Peuple

Chœur d’enfants

Chœur de voix blanches de la Fondation Paolo Grassi

Chef de chœur
Angel Lacarbonara

Chœur du Teatro Petruzelli de Bari

Chef de chœur
Marco Medved

Orchestre du Teatro Petruzelli de Bari

Direction musicale
Francesco Lanzillotta

Martina Franca, Cour du Palais Ducal, 27 juillet 2024 à 21h

 

 

 

 

 

 

 

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