Il n’a pas trente ans et il maîtrise déjà tous les codes du récital de lieder. Ou plus exactement, il les a intégrés sans qu’ils apparaissent comme une contrainte ou un langage appris. Samuel Hasselhorn chante comme il respire, et en bon enfant de Göttingen, lorsqu’il chante, c’est toute l’âme allemande qui chante à travers lui. La relève est donc assurée pour ce genre précieux entre tous, mais peu dans l’air du temps et si délicat qu’on pourrait craindre qu’il soit un jour complètement délaissé.
Très remarqué lors de la dernière édition du Concours Musical International Reine Elisabeth de chant dont il fut le premier lauréat, le jeune baryton est un homme fort occupé. Après avoir glané des prix dans les principaux concours internationaux au cours de cinq dernières années, il entame aujourd’hui une carrière mixte, tant à l’opéra qu’en récital. Membre de la troupe de l’Opéra d’Etat de Vienne, il consacre cependant une grande partie de son temps au lied et donnera des récitals dans plusieurs grandes villes européennes cette saison.
Samuel Hasselhorn, baryton © DR
Le programme qu’il avait composé pour Bruxelles, où il retrouve un public déjà conquis, est composé de quatre parties consacrées respectivement à Schubert, Brahms, Schumann et Wolf, le lied allemand à son apogée. Et pour chaque compositeur, il choisit des pages variées, parfois hors des sentiers battus, en accordant une grande importance à l’enchaînement des textes, de sorte que chaque partie présente un belle unité thématique tout en variant les atmosphères. Rien que par la composition de son programme, Hasselhorn fait déjà preuve d’une étonnante maturité.
C’est la facilité de la voix, toujours belle, toujours très libre et parfaitement timbrée qui est sans doute le premier atout de Samuel Hasselhorn. Mais ce qui frappe le plus, c’est la sincérité de son interprétation ; rien n’est artificiel, chaque intention semble venue du cœur, et dès lors, touche l’auditeur d’une façon très directe et très accessible. D’un répertoire réputé difficile, élitiste et démodé, il fait une musique simple, intemporelle, toujours très poétique, souvent narrative, dont il donne une interprétation imagée, dramatisée mais sans excès, avec un naturel déconcertant.
A ses côtés, le pianiste Justus Zeyen livre une prestation honorable mais sans doute moins inspirée, un peu objective là où on attendrait davantage de poésie et de complicité spontanée.
Dans Schubert, c’est surtout la variété des couleurs vocales qui frappe l’auditeur : sombre dans Das Heimweh, dramatique dans Erlkönig, délicieusement poétique et nostalgique dans Litanei (le sommet de cette première partie) ou Nachtstück, la voix du jeune baryton se plie au contexte avec une parfaite intelligence du texte. Par comparaison, le piano paraît un peu lourd. Brahms est donné avec de très belles couleurs automnales, et une grande intériorité (In stiller Nacht).
Après la pause, c’est au tour de Schumann et des poésies de Heine, plus littéraire et musicalement plus complexe. Le chanteur se montre tout aussi familier de ce répertoire-ci ; il manie tour à tour l’humour caustique, le ton déclamatoire ou la poésie la plus intime avec grâce, et rend à la perfection l’univers onirique et tourmenté de Heine. La dernière section, consacrée à Wolf (sur un poème de Möricke et quatre autres de Eichendorff) est peut-être la plus périlleuse du programme. L’interprétation s’y trouve un peu moins aboutie, sans doute parce que chanteur et pianiste ne parviennent pas tout à fait à faire coïncider leurs univers.
En guise de bis, nous aurons droit à une mélodie de Duparc, Chanson triste, très inspirée et à la diction française impeccable, et une autre de Poulenc, Couplets bachiques, brillante mais un peu plus confuse.
On regrettera par ailleurs que Bozar ne juge pas utile de donner la biographie du pianiste, ni même de mentionner son nom sur la courverture du programme…