En l’absence d’une documentation détaillée qui nous permettrait d’éclairer le lecteur, il nous est assez difficile de rendre compte avec précision du concert de « scènes d’opéra » qui avait lieu ce vendredi dans la salle Martinu du Palais Lichtenstein à Prague. Il s’insère dans le cadre des Nuits d’été de Prague – en anglais dans le texte Prague Summer Nights, avec en sous-titre Young Artists Music Festival. Cette manifestation est patronnée par la société Classical Movements basée à Alessandria (USA) qui s’est spécialisée depuis plus de vingt ans dans l’organisation de tournées de concerts à travers le monde. A Prague elle a institué une académie dont la tête d’affiche est le grand Sherrill Milnes, avec le concours d’instrumentistes américains ou tchèques, au terme de laquelle les élèves se produisent en public. Mais qui sont ces élèves ? D’où sont-ils originaires ? Où et avec qui ont-ils étudié ? Où en sont-ils de leur formation ? Comment ont-ils été recrutés ? Par qui ? Qui a décidé du programme du concert ? Qui les a distribués ? Y avait-il des critères d’âge, la disparité étant parfois criante ? Faute de pouvoir répondre, nous nous bornerons à constater que leur présence prouve à elle seule l’engouement que suscite cette entreprise. Si l’enthousiasme ne suffit pas à constituer un mérite, il ne fait pas défaut à bon nombre. On peut toutefois s’interroger, devant des performances décevantes, sur la responsabilité prise par qui a laissé certains de ces apprentis se dévaloriser ainsi en public.
D’un programme copieux allant de Monteverdi à Bernstein, en passant par Purcell, Mozart, Rossini, Verdi, Bizet, Offenbach, Humperdinck et Puccini, nous retiendrons d’abord l’effort de deux scénographes pour animer l’espace et faire vivre ces extraits. Darya Zholnerova et Maria Zouvès rivalisent d’inventivité, la première en créant le jardin de Butterfly avec des pupitres et des bouteilles d’eau minérale, la deuxième en plantant la scène de séduction de Don Giovanni sur Zerlina dans un cinéma, au grand dam de leurs voisines absorbées par l’écran. Des trois apprentis chefs d’orchestre, magnifiquement secondés par un quintette de pianistes émérites, c’est à la netteté et à la sensibilité de Jotaro Nakano que nous avons été le plus sensible. Et pour les voix, certaines ont des qualités d’éclat et de projection prometteuses quand d’autres semblent en être bien dépourvues. Nous nous bornerons à citer les premières : Dominic Veilleux, tour à tour Alfonso de Cosi et El dancairo, Charles Calotta, duc de Mantoue et Remendado, Edwin Joseph, Bartolo et Rigoletto, Bongani Ndhlalane en Basilio impressionnant, Nicholas Branson en Toni et Powell Brumm en poète ivre chez les hommes. Intéressantes et déjà séduisantes la Papagena et le Nicklause d’Ilanna Starr, la Giulietta de Kathryn Rupp, la Quickly et la Suzuki de Te Hu, la Butterfly et la Frasquita de Samantha Long. Ces jeunes artistes ambitionnent sans doute de faire carrière. Y parviendront-ils ? On le leur souhaite, et aussi de conserver, quelles que soient les difficultés et les déconvenues, l’amour de la musique qui les a portés jusque là.