Belcanto, l’Opéra Bastille écrit ton nom sans en connaître la signification. Tandis que la grande salle saccage l’avant-dernier opéra de Bellini, Beatrice di Tenda, le Studio dans les entrailles du bâtiment propose une « serata belcanto » qui étire son programme jusqu’à Massenet, Giordano et Hahn. Cherchez l’erreur !
L’intention n’en est pas moins louable. Il s’agit de présenter au public parisien les artistes de l’Ecole internationale de Raina Kabaivanska, diva bulgare dont la carrière fut mise sur orbite en 1961 à la Scala, dans Beatrice di Tenda précisément (elle chantait Agnese aux côtés de Joan Sutherland). Sa voix de soprano dramatique, alliée à un physique cinégénique, lui valurent de jouer dans plusieurs opéras filmés – notamment Tosca réalisée par Gianfranco De Bosio avec Placido Domingo en 1976. Retirée des scènes, elle se consacre aujourd’hui à l’enseignement et à la transmission de son art au sein d’une fondation et d’une école qui portent son nom. Une bourse est attribuée aux meilleurs élèves de sa masterclasse afin d’accompagner leur formation et leurs débuts internationaux.
© Kostadin Krustev Koko
Des quatre artistes présentés, Veronica Simeoni est la plus confirmée. Cela s’entend. Premier prix du concours international de chant Luciano Pavarotti de Modène en 2008, la mezzo-soprano est depuis invitée sur les plus grandes scènes. A titre d’exemple, elle était en 2019 Preziosilla dans La forza del destino à Londres aux côtés de Jonas Kaufmann et Anna Netrebko. Avec le surcroît d’assurance qu’apporte l’expérience, elle anime Azucena et la Principessa di Bouillon d’un feu conforme à ce que l’on peut attendre de ces deux héroïnes volcaniques, la première comme envoutée dans sa grande scène hallucinatoire, la seconde acerbe et passionnée. Les écarts de registre n’affectent pas une voix dont la longueur évite d’excessifs poitrinages. Dans un autre genre, « A Chloris » qui ouvre le concert fait valoir une diction française irréprochable et un sens des nuances sur lequel ses partenaires auraient raison de prendre exemple.
A défaut, Aleksandrina Mihailova offre quelques notes allégées du meilleur effet, même si fragiles. Le médium est nourri, l’aigu précis. Artiste de l’Accademia Teatro alla Scala jusqu’en 2023, la soprano possède l’abattage de Dorina mais doit encore perfectionner sa technique pour adoucir les angles d’un « Regnava del silenzio » entaché de duretés.
Ténor italien armé de bravoure, Giuseppe Infantino affronte en voix de poitrine les notes les plus élevées, jusqu’au contre-ut dièse pour Arturo, mais ce chant souvent nasal, toujours en force malmène la ligne de « A te, o cara » autant qu’il ignore la poésie de « che gelida manina ».
Vainqueur l’an passé du 59e Concours des voix verdiennes, Hae Kang possède un timbre de baryton d’une qualité appréciable, alliage rare de métal et de velours. Il lui reste à travailler sa diction française s’il veut un jour outrepasser le seul air de Sancho dans Don Quichotte de Massenet et développer sa capacité d’expression pour qu’au-delà de la beauté intrinsèque de la voix, se dessinent avec plus de netteté les personnages qu’il interprète.
Tous quatre trouvent en Boryana Lambreva une accompagnatrice attentive doublée d’une pianiste accomplie, dont la virtuosité fait de chacune de ces pages des pièces de concert.