Créé au festival printanier de l’Opéra national de Lyon, L’Avenir nous le dira, opéra en trois mouvements pour chœur d’enfants et orchestre mécanique, poursuit sa route à Nancy avec les mêmes forces qui ont présidé à sa création. Deux années de gestation via des ateliers avec la Maitrise de l’Opéra de Lyon auront été nécessaires pour accoucher de cette œuvre singulière, composée, mise en scène et réalisée dans un même mouvement.
Il s’agit d’une vraie réussite formelle : Diana Soh, refuse l’orchestre en fosse et compose une musique étrange, façonnée à vue tant par le dispositif scénique que par les enfants du chœur. Dans un amphithéâtre de métal, à mi-chemin entre les gradins et la cage, des percussions sont activées, s’éveillent dans un semblant de désordre. Les enfants du chœur envahissent cet espace, parfois bruyamment, et viennent ajouter collectivement ou individuellement leur pierre à cet univers sonore et rythmique. En quelque sorte, les acteurs de cet opéra réalisent une manière de cosmogonie qui, en même temps qu’elle se crée elle-même, assemble musique et théâtre et rend intelligibles ses éléments constitutifs : les sons eux-mêmes, la scène et son étrangeté, le sens enfin… même si ce dernier n’est pas le principal enjeu et sera d’ailleurs la dimension qui pêche.

Les rébus introductifs que les enfants adressent au public donnent la première clé : une heure durant on va jouer aux devinettes et ce faisant organiser l’espace de la scène et ses signifiants. Ces petits fripons viennent s’amuser à se poser des questions et à interroger le monde autour d’eux. Il leur faut donc assembler une machine à oracle. Sur le modèle du théâtre antique, elle ne peut fonctionner qu’avec une rythmique et des harmoniques. Là encore, le fond et la forme fusionnent, montrant une fois de plus comment Diana Soh (composition), Emmanuelle Destremau (livret) et Alice Laloy (mise en scène) ont travaillé de concert. L’ultime question, bien entendu, concerne l’avenir et ce futur hypothéqué dont ces enfants vont hériter. Toutefois, passés ces grands jalons, force est de constater qu’aussi réussi formellement que soit cette œuvre, elle finit par revenir sur elle-même sans avancer dans sa narration ou sa signification. Une toupie lyrique dont l’objet principal est de toute façon de tourner sur soi-même et de tenir debout.
La réalisation scénique est irréprochable, jouissive de par sa créativité, rafraichissante grâce à ses petits acteurs dont l’investissement ludique est sans faille. La Maitrise, excellement préparée par Louis Gal, brille par son homogénéité et sa capacité à se saisir d’une écriture vocale frappée aux canons de la musique moderne. Un dernier tour de force que d’embarquer ces jeunes chanteurs dans une œuvre d’une heure à la rythmique complexe tout en leur donnant tant à jouer pour faire vivre la scène et naitre le théâtre.