Bal masqué, champagne, valses et polkas, pétillement, la Chauve-Souris est la promesse d’une fête et cette promesse a été tenue magistralement ce soir, la représentation s’achevant auréolée d’une standing ovation.
La mise en espace proposée par Romain Gilbert fonctionne à merveille et parvient à faire oublier le désagrément de la version de concert tant la dimension théâtrale est présente, portée par une troupe d’artistes autant acteurs que chanteurs. Le plaisir qu’ils prennent tous à participer à cette production est palpable. Parfaitement germanophones, les artistes ont enchanté le public de leur diction parlée et chantée.
Globalement homogène et de grande qualité, le plateau a été toutefois largement dominé par l’incandescent Orlofsky de Marina Viotti, et l’époustouflant Falke de Leon Kosavic, les deux compères farceurs de la soirée. Les couleurs cuivrées de la voix insolente de beauté et parfaitement projetée de la mezzo-soprano, mêlées à la puissance des graves du jeune baryton croate ont subjugué l’auditoire, au même titre que leur prestation théâtrale. Marina Viotti a même révélé ses talents de chauffeur de salle et de chef d’orchestre en délogeant Marc Minkowski au début de la Danse Russe.
Le reste de la distribution s’est avérée tout aussi remarquable, à commencer par la délicieuse Adèle d’Alina Wunderlin. Espiègle, facétieuse, la jeune soprano allemande est l’incarnation joyeuse de son personnage. Avec ses aigus d’une facilité déconcertante et sa remarquable homogénéité de registre, elle vient aisément à bout de ses 2 airs malgré les tempi souvent trop rapides de Marc Minkowski qui heureusement ne perturbent pas la précision de ses vocalises moqueuses dans « Mein Herr Marquis »
Ce tourbillon orchestral finira par gêner quelque peu la Rosalinde de Jacquelyn Stucker dans son Csardas après nous avoir régalés de ses échanges mordants avec l’Alfred du truculent Magnus Dietrich et son mari Eisenstein, interprété au pied levé par l’excellent Christoph Feller en remplacement de Huw Montague Rendall, souffrant. A noter aussi le Frank haut en couleurs de Michael Kraus, irrésistible Chevalier Chagrin !
A l’issue de la représentation, c’est non sans émotion que Marc Minkowski s’adressa au public pour dédier à la paix le bis proposé, extrait de l’acte II lors du bal chez le Prince Orlofsky : « Brüderlein und Schwesterlein ».