Du 27 mai au 4 juin, le New National Theatre Tokyo (NNTT) a donné Salome de Richard Strauss dans la mise en scène d’August Everding, à l’affiche du NNTT depuis 2000 – la dernière reprise date de 2016. Les décors et les costumes, dominés par les couleurs rouge et noir, évoquent l’obscurité et le sang qui submergent l’œuvre. Au centre de la scène, l’élément le plus remarquable est le puits immense au fond duquel Iokanaan est emprisonné, et sur lequel Salomé danse les « sept voiles ».
En Salome, Alexandrina Pendatchanska faisait ses débuts au NNTT. Vêtue d’une robe noire, elle a d’abord semblé un peu nerveuse, puis s’est progressivement reprise jusqu’à la scène finale, bien que parfois sa voix ait eu du mal à se faire entendre. La mise en scène d’Everding impose certaines contraintes en termes d’interprétation. Salome pourrait davantage évoquer une adolescente hantée par la folie et le désir d’amour. On ne sait d’ailleurs pas si elle désire véritablement Iokanaan ou si elle cherche simplement à satisfaire un caprice de princesse égoïste.
Par conséquent, Iokanaan semble le véritable protagoniste de l’opéra, dès sa première apparition. Tómas Tómasson avait déjà interprété le rôle du prophète à Tokyo en novembre dernier (sous la direction de Jonathan Nott, avec le Tokyo Symphony Orchestra). Claire, solide et toujours audible, sa voix possède l’autorité attendue.
Egalement appréciable, Jennifer Larmore chante le rôle d’Hérodias, d’une façon claire et intelligible. Scéniquement, elle incarne une reine avide et imperturbable, à la fois froide et envoûtante. Etsuko Kanoh, dans le rôle du page d’Hérodias, fait montre aussi d’un talent remarquable (c’est lui qui tue Salome à la fin de l’opéra dans cette production).
En raison des mesures liées à la pandémie, le Tokyo Philharmonic Orchestra utilise la partition réduite publiée par Fürstner. L’orchestre répond de manière irréprochable et attentive aux intentions de de Constantin Trinks. Soulignons le solo de clarinette au début (par Alessandro Beverari), les deux harpes (par Midori Tajima et Ayano Kaji), ainsi que les pupitres des cordes dirigés par le concertmaster Akihiro Miura. Le Tokyo Philharmonic Orchestra est le plus ancien orchestre du Japon, capable de jouer aussi bien des œuvres symphoniques que des opéras et des ballets (la phalange accompagnait aussi les représentations simultanées de Rigoletto au NNTT).
Visuellement éblouissante, cette production n’en donne pas moins l’envie d’autres mises en scène plus conformes à l’impression intense et grotesque suscitée par Salome lors de sa création au début du XXe siècle.
Tamamo Nagai