Pour les fêtes, légèreté et paillettes sont de mises dans les maisons d’opéra de l’hexagone ; Rennes propose à son public une jolie escapade dans l’univers acidulé de Cole Porter. Cet américain à Paris, chanté par Fred Astaire, Frank Sinatra et Marilyn Monroe, vécut dans la France des Années Folles et composa une revue typique de l’époque pour l’actuel espace Cardin, alors théâtre des Ambassadeurs.
Christophe Mirambeau en a retrouvé les partitions, prétendues perdues, et quatre chanteurs spécialistes du genre leur rendent la voix avec beaucoup de délicatesse. Lisa Vroman pétille d’une grâce mutine, sans jamais forcer le trait ou cabotiner et si son soprano manque un peu de grave, elle a l’aigu velouté à souhait. David Engel joue les crooner avec décontraction dans le chant comme dans la danse. Il semble plus à l’aise que Doug la Brecque qui compose un personnage légèrement caricatural surjouant parfois inutilement de son (très beau) timbre et s’éteignant dans des piani inopportuns. Katherine Strohmaïer, qui souffre dans les aigus, nous offre plusieurs moments de grâce merveilleusement ciselés ainsi qu’une chanson suisse où coucou et yodle rivalisent de drôlerie.
Le charme désuet du genre fonctionne parfaitement grâce aux interventions décalées du metteur en espace, Valéry Rodriguez. Celui-ci campe un Monsieur Loyal déchainé qui porte aussi bien la robe à traine que l’uniforme d’infirmière à cornette. L’orchestre de Bretagne et les choeurs de l’opéra se glissent dans ce répertoire inhabituel avec souplesse et « swinguent » à souhait sous la baguette éclairée de Larry Blank.
De cette incursion dans un Broadway qui aurait fait un détour par les Champs Elysées, le public ressort léger, d’entêtantes mélodies en tête et sous le charme d’artistes qui respirent la joie palpable de chanter.