Nancy Weissbach (Elisabeth) est de ces cantatrices qui chantent un peu partout dans le monde, sans que l’on puisse comprendre les raisons de sa faible renommée. Tout pourtant la distingue des cantatrices formatées lancées trop jeunes. À peine en scène, on ne voit plus qu’elle, elle subjugue par l’intelligence de son attitude, de ses regards, et même lorsqu’elle ne chante pas, elle est le personnage. Côté vocal, c’est la grande école d’autrefois, son style et sa voix évoquent un peu les Grümmer et Nilsson. Elle a une facilité déconcertante, et si déjà son air d’entrée, lumineux et clair, est une parfaite personnification de la jeune vierge dont pourtant elle a passé l’âge, son second air est encore plus étonnant, ciselé de nuances délicates. La puissance de la voix laisse percevoir une énorme réserve de souffle, qui explique la perfection de cette approche musicale faite aussi d’ineffables pianissimi. Du grand art, une cantatrice qui a trouvé là l’un des rôles à sa mesure, et que l’on aimerait revoir plus souvent.
Gianluca Zampieri (Tannhäuser), avec des danseuses et des chœurs du Tiroler Festspiele Erl © Photo Xiomara Bender
Gianluca Zampieri est un Tannhäuser qui ne laisse pas que de surprendre, surtout au premier acte. Physiquement trop méditerranéen, un peu comme un Otello tel que Villazon pourrait l’imaginer parachuté au royaume de Wagner, il est agité, illuminé, et son chant avec, qui prend un caractère parfois un peu haché. Mais on doit convenir que le personnage se construit petit à petit, et prend corps au fil de la représentation. Encore peu convaincant avec Vénus, il prend ses marques dès la fin du premier acte, pour être totalement crédible au deuxième, avec son « hymne à Vénus », avant que son appel « vers Rome » ne constitue la promesse d’une possible rédemption. Son « retour de Rome » du troisième acte, là où tant d’autres chanteurs s’épuisent, est un grand moment de théâtre et de chant, où sa voix sonore et souvent lumineuse trouve toute son assise et son expressivité parfaitement lyrique.
On connaît l’excellent Wolfram de Michael Kupfer-Radecky, parmi nombre d’autres rôles wagnériens où il excelle. La voix n’a rien perdu de son mordant ni de son expressivité, qui font merveille dans la « Romance à l’étoile », et le côté humain imprimé au personnage constitue de plus un contrepoint particulièrement réussi au lent naufrage de Tannhäuser. On regrette un peu que les voix des excellents Carsten Wittmoser (Landgraf Hermann) et Marlene Lichtenberg (Venus) donnent une impression de vieillissement prématuré, alors que leurs personnages sont solidement campés. Le reste de la distribution est d’un fort bon niveau et surtout d’une parfaite cohésion.
On doit admirer la puissance de travail et la vigueur de Gustav Kuhn qui, le lendemain d’une exceptionnelle Ermione, dirige à nouveau dans un style tout différent son remarquable orchestre, où se distinguent tout particulièrement des cuivres d’une fort belle sonorité. La qualité musicale de sa direction entraîne également les chœurs à donner le meilleur, et l’ensemble atteint une qualité que beaucoup de théâtres lui envieraient. La mise en scène est plutôt simple et claire, mais malheureusement, on déplore une fois de plus que la vieille production de 2011 ait été ressortie avec ses horribles décors (à bas l’aluminium, et le lustre qui reste suspendu devant l’écran de surtitrage) et costumes (ah, ces jupes-culottes, ces épaules montantes qui créent d’épouvantables silhouettes et les inénarrables chapeaux verts des chœurs féminins).