Un ballo in maschera ne passe pas pour un exemple de mise en valeur de l’intelligence, de l’habileté et de la manigance féminines. Mais dans la production à l’affiche de l’Opéra de Massy ce printemps, mise en scène par l’Italienne Roberta Mattelli, ces qualités de femme ont paru nettement plus brillantes que celles de ces nobles messires, hommes d’honneur ou vils comploteurs, qui ici comme à l’ordinaire tentent d’accaparer par la menace brutale et par le meurtre le pouvoir dramatique.
Bien entendu, il s’agit avant tout d’un sanglant règlement de compte tout masculin et de facture toute classique. Il oppose frontalement le ténor Riccardo au baryton Renato, ce qui a donné lieu, à l’Opéra de Massy, à un magnifique duel de voix de stentors entre, respectivement, le Brésilien Max Jota, ténor à suivre de près qui faisait pour l’occasion ses débuts en France, et le remarquable Roumain Estefan Florin, appelé en suppléant pour cause de maladie. Puissance, timbre, phrasé, tout est là. Pourtant entre les deux beaux ténébreux, et au cœur de l’opéra même, il y a la belle et lumineuse Amelia. Beaucoup plus forte et plus puissante qu’il n’y paraît, elle se montre à la fois vaillante face aux deux amis puis rivaux et entreprenante auprès de la magicienne Ulrica.
En effet, voilà le secret bien gardé de ces représentations du Bal masqué plutôt ampoulées, affligées d’une succession plutôt molle de tableaux autour d’un escalier central, sous un éclairage monotone, mais finalement très efficace grâce notamment au grand talent des Choeurs Opéra 2001 : Amelia a gagné. Avec une authentique simplicité, un peu de raideur, mais aussi une certaine majesté, la soprano italienne d’origine brésilienne Luciana Distante triomphe tout particulièrement dans son air somptueux d’invocation et de prière au début du deuxième acte. Mais le personnage garde en fait tout du long la faiblesse et la fragilité qui sont les gages d’une véritable intelligence dramatique.
Max Jota (Riccardo) Luciana Distante (Amelia) © Opéra de Massy
Les rôles d’Ulrica (Liliana Mattei) et surtout Oscar (Francesca Bruni), agile vocalement et généreux dans les entrechats sans cabotiner, apportent chacun une touche de fantaisie et de vivacité bienvenue pour rompre l’impression générale qu’on récite un opéra. Studieuse et impeccable dans l’ensemble, la direction musicale assurée par Dominique Rouits reste fidèle à la complexe écriture verdienne tout en soulignant les coups de théâtre avec simplicité, par de beaux effets tonitruants.