Même si son vaste répertoire fait la part belle aux compositeurs italiens et à Rossini en particulier, c’est dans la langue et la musique de son Île verte que la voix de Majella Cullagh dégage son arôme originel. Un timbre un peu râpeux qui ne manque pas de corps, un très léger vibrato mais une émission franche sur l’ensemble d’une tessiture de soprano assez courte.
Souhaitant présenter à Pesaro un programme mixte, la chanteuse choisit de pratiquer l’alternance entre deux univers aux antipodes. Il eût été plus confortable sans doute — pour elle comme pour l’auditeur — de les interpréter successivement. Si le récitatif de Bianca « Come sereno è el di » qui introduit la cavatine « Della rosa il bel vermiglio » nous plonge d’emblée dans l’humeur bucolique qui convient, l’aria « Oh ! serto beato » où Majella Cullagah réussit une gracieuse descente chromatique, révèle un manque de souffle et de souplesse qui nous prive des vocalises adéquates. Chanté dans sa version française, Le Siège de Corinthe met la soprano à moins rude épreuve. Hélas, à la fin du concert, malgré l’énergie insufflée, les arias d’Adelaide di Borgogna confirment une absence d’affinités avec le répertoire bel canto.
Nous sommes d’autant plus déboussolés que la chanteuse a su, entre-temps, nous conquérir avec quatre des Irish melodies (1807-1834) du poète national irlandais de la période romantique, Thomas Moore. Trois sont extraites de la première édition de 1808, mises en musique par l’auteur avec la collaboration de son ami Sir John Stevenson — compositeur d’opéras totalement oubliés. On retient d’abord « Believe me if all those endearing young charms » d’une touchante simplicité. Et tandis que dans « The young May moon » la chanteuse dévoile une espièglerie en demi-teinte, elle parvient ensuite à exprimer toute la mélancolie de « ‘Tis the Last Rose of summer». Postérieur d’un demi-siècle au précédent, l’arrangement musical est ici dû à Michael William Balfe, compositeur d’opéras et chanteur (notamment Figaro du Barbier de Séville) ; il est de bien meilleure facture — ce qui nous vaut un joli accompagnement de la pianiste Sabrina Avantario.
Majella Cullagh se montre à nouveau émouvante dans « When you are old and grey » de l’Anglais Frank Bridge qui convient particulièrement bien à sa voix. Enfin, dans « The salley Gardens » de Benjamin Britten, un fameux air qui a suscité bon nombre de versions, son interprétation ne démérite pas. Ses deux bis : « Oh ! Danny boy » et surtout une charmante chanson traditionnelle irlandaise a capella nous laissent agréablement en suspens.
Pour l’heure, une voix qui ne manque pas de qualités sur son territoire mais dont la greffe italienne peine à fleurir.