Henry Purcell (1659-1695)
KING ARTHUR
Semi-opéra en cinq actes
Livret de John Dryden
Julie Van Wanroij, Philidel/Une Bergère/Une sirène/Une nymphe/Une Femme/Vénus
Céline Scheen, Cupidon/Une bergère/Une sirène/Une nymphe//Une Femme//Néréde/Elle
Pascal Bertin, Une Nymphe/Une Femme
Emiliano Gonzalez Toro, Un Homme
Magnus Staveland, Un berger/Comus
David Lefort, Un Homme
Christophe Gay, Grimbald/Un Homme/Eole/Lui
Douglas Williams, Génie du Froid/Pan
Récitant : Olivier Simonnet
Les Talens Lyriques
Direction musicale, Christophe Rousset
Toulouse, Halle aux grains, le 6 janvier 2010
Un parti-pris distancié
Après les versions – scéniques – de King Arthur dirigées par William Christie et Hervé Niquet, celle de Christophe Rousset prend le parti d’un récitant qui expose en français aux spectateurs les péripéties de l’action dramatique entre les épisodes musicaux censés les illustrer. Pour claire que soit l’énonciation d’Olivier Simonnet, les méandres de l’affrontement entre le souverain breton et le souverain saxon par magiciens interposés et combats singuliers prennent peu de relief dans cette lecture dépourvue de lyrisme et de théâtralité.
Ce même point de vue narratif « distancié » est-il aussi celui de Christophe Rousset ? Au premier acte, celui de la préparation au combat acharné qui va opposer les armées ennemies, le climat de solennité farouche semble édulcoré par la sobriété dynamique et sonore, malgré un effectif orchestral relativement important. Par la suite, heureusement, le rendu musical et le contenu des textes fileront sans hiatus, la direction attentive et souple du chef d’orchestre s’appuyant sur la qualité des musiciens. Entre toutes les contributions, celles du continuo (Isabelle Saint-Yves à la viole de gambe, Laura-Monica Pustilnik au théorbe et Stéphane Fuget au clavecin et à l’orgue), des flûtes à bec et hautbois (Anna Starr, Gilles Vanssons), du basson (Catherine Pépin), de la contrebasse (Ludek Brany) et des trompettes (Dave Henry, Paul Sharp), d’une expressivité et d’une virtuosité propres à rendre justice aux sortilèges de la partition.
Musicalité identique en ce qui concerne les chanteurs. Judith Van Wanroij séduit par sa voix pleine et fruitée et par les nuances dont elle colore le texte. Céline Scheen a moins d’ampleur mais l’interprète est tout aussi convaincante. Pascal Bertin complète, si l’on peut dire, l’effectif pour les rôles féminins ; en nymphe et en Femme il parvient rapidement à projeter sa voix de façon satisfaisante. Les voix d’hommes remplissent leurs rôles avec la même efficacité, et la même homogénéité. Les trois ténors, Emiliano Gonzalez Toro Magnus Staveland et David Lefort, au physique et au timbre si différents, fournissent les couleurs attendues. Les basses ne sont pas en reste ; on se souvient de voix plus profondes que celles de Christopher Gay et Douglas Williams, mais ils ne déméritent pas et leur élan dans le divertissement de l’acte V, lorsqu’ils reprennent les couplets dévolus à Comus compense quelques notes limites en Grimbald ou en Génie du froid. Tous les solistes se font évidemment choristes pour les ensembles, qu’ils interprètent avec une vivacité et une variété de couleurs vraiment délectables.
Si cette version, on l’a compris, ne nous a pas complètement conquis à cause du récitant et de la direction musicale au premier acte, le triomphe qui l’a saluée est très réconfortant : de telles œuvres ont désormais assuré leur retour au répertoire et on ne peut que remercier ceux qui en sont les artisans.
Maurice Salles