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VERDI, La forza del destino – Montpellier

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Spectacle
24 septembre 2024
Fascinante lanterne magique

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Melodramma en quatre actes (huit tableaux)
Musique de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Angel de Saavedra, Duc de Rivas, et Schiller
Création à Saint Pétersbourg, théâtre Mariinski le 10 novembre 1862, puis repris dans une seconde version à Milan, Teatro alla Scala, 27 février 1869

Version de Milan (1869)

Détails

Mise en scène, décors et costumes
Yannis Kokkos

Collaboration artistique et dramaturgique
Anne Blancard

Costumes
Paola Mariani

Chorégraphie
Marta Bevilacqua

Lumières
Giuseppe di Iorio

Concepteur vidéo
Sergio Metalli

 

Donna Leonora
Yunuet Laguna

Don Alvaro
Amadi Lagha

Don Carlos di Vargas
Stefano Meo

Père Guardiano
Vazgen Ghazaryan

Frère Melitone
Leon Kim

Preziosilla
Eléonore Pancrazi

Le Marquis de Calatrava
Jacques-Greg Belobo

Trabuco
Yoann Le Lan

Curra
Séraphine Cotrez

Un alcade
Laurent Sérou

Un chirurgien
Ryu Yonghyun

Une femme
Marie Sénié

Soldats
Alejandro Fonte, Xin Wang, Hyoungsub Kim

 

Chœur Opéra national Montpellier Occitanie

Cheffe de chœur
Noëlle Gény

Chœur de l’Opéra de Toulon

Chef de chœur
Christophe Bernollin

Orchestre national Montpellier Occitanie

Direction musicale
Roderick Cox

 

Montpellier, Opéra Berlioz (Le Corum), 22 septembre 2024, 17 h

En dehors de ceux de caractère fantastique, les livrets des opéras romantiques sont souvent peu vraisemblables, boursouflés, outrés. Celui de La Forza del destino interroge toujours. On sort partagé entre l’admiration que suscite la réalisation, l’émotion de certains airs et ensembles et la tristesse de voir confirmer l’incroyable faiblesse de Verdi dramaturge de ce melodramma. Ouvrage difficile, problématique entre tous, par sa richesse et son exigence, mais surtout par un livret extravagant, invraisemblable, contrasté, dont la noirceur et l’horreur ne sont mises entre parenthèse qu’à la faveur de l’intrusion du capucin et de la zingarella, Melitone et Preziosilla, personnages périphériques de luxe, voulus par Verdi. Ainsi accède-t-il au statut d’ «une sorte de Shakespeare folklorique et plébéien » (Alberto Moravia), à la différence que n’est pas Shakespeare qui veut, car ici la sauce ne prend pas entre le drame et le comique ajouté. Même sans ce dernier, comment éviter que le public rie ostensiblement à la réplique :
— Carlo « Qu’il vive donc… il mourra de ma main »
—  le chirurgien « Bonne nouvelle, il est sauvé » (sc.5 de l’acte III) ?
Il faut oublier cette tare pour apprécier chaque numéro à sa juste valeur, sans lien avec son contexte.

Si quelques grands réalisateurs ont osé mettre en scène ce monstrueux opéra (1), l’entreprise est ambitieuse pour une scène en région de monter une œuvre aussi exigeante, tant au niveau des moyens que par ses difficultés propres. Après trente ans d’oubli, Montpellier relève le défi. Est reprise la mise en scène que Yannis Kokkos avait réalisée en 2022 pour Parme, toujours assisté d’Anne Blancard. La coproduction s’élargira à Toulon (2), qui ajoute ici son chœur aux Montpelliérains. L’alerte octogénaire, devenu rare sur nos scènes lyriques, s’est approprié pleinement La forza del destino , comme ses invraisemblances. Il a conçu une mise en scène qui bouscule nos codes, nos habitudes, où les lumières et la vidéo vont nous captiver, complémentaires au chant et au discours orchestral, sans jamais substituer quelque message personnel. Le décor, stylisé, est dépouillé, proche de l’abstraction, consistant en quelques panneaux mobiles, donnant de la profondeur à la scène, avec  –  toujours  –  ces cieux tourmentés, d’un réalisme fascinant défilant au fond, pour s’achever sur l’éblouissement contrasté, d’une lumière insoutenable associée à la mort de Leonora et au désespoir d’Alvaro. Giuseppe di Ioro (lumières) et Sergio Metalli (vidéo) ont conçu un fabuleux dispositif qui confère une unité à un ouvrage qui en a bien besoin. La réalisation, proprement magistrale, fascine.  Carlos Bieito (à Londres, en 2016) s’inspirait de Zurbaran, Goya et Picasso en situant l’ouvrage durant la guerre d’Espagne. Pour le troisième acte, Iannis Kokkos emprunte opportunément à James Ensor son fantastique flamboyant, absurde, macabre et carnavalesque, débridé et grinçant, pour traduire l’horreur de la guerre, servie par un jeu millimétré de chacun des nombreux personnages, va-nu-pieds, militaires en campagne, vivandières, camelots. Acte d’anthologie, qui, à lui seul, suffirait à justifier cette production.  Les costumes, intemporels, particulièrement soignés, de Paola Mariani, en parfaite harmonie avec le projet, participent à notre bonheur. La chorégraphie de Marta Bevilacqua se fond dans la réalisation à laquelle elle apporte son concours efficace.

© Marc Ginot

Pour Donna Leonore, prise de rôle de la jeune soprano mexicaine Yunuet Laguna, encore peu connue en Europe, sauf des Montpelliérains qui l’avaient découverte en récital : c’est une révélation, un nom à retenir. Ardente, impétueuse, comme extatique, la voix est ample. La large tessiture va de graves solides dignes d’une vraie mezzo (ainsi Azucena) à des aigus lumineux, aux piani filés, les couleurs sont là, justes, la ligne est soutenue, exemplaire de style, et lui promettent une belle carrière. Pas la moindre faiblesse dans ce rôle éprouvant. Du début à la fin, l’émotion est présente (« Me pellegrina », son duo suivant avec Alvaro, tout le deuxième acte, jusque « La Vergine degli angeli », avec son chœur mystique, enfin, le « Pace, pace, mio Dio », suivi du trio et de sa poignante disparition). Prise de rôle également pour le jeune ténor franco-tunisien Amadi Lagha, Alvaro. S’il déçoit quelque peu au premier acte par un jeu et une émission prosaïques qui ne traduisent guère la jeunesse passionnée du héros (« Prini destieri »), il se révèlera ensuite pour nous offrir le meilleur aux deux derniers (« La vità è inferno », « Urna fatale », « Le minacce ») sans compter ses récits et ensembles. La sûreté des moyens est manifeste, et l’émotion au rendez-vous. Stefano Meo, a déjà chanté le terrible fils vengeur (à Bologne, l’an passé). Bien connu et apprécié sur nos scènes, il nous vaut un Carlo humain, mordant, impérieux et subtil, au chant noble, puissant, jamais monolithique. Une valeur sûre.

La basse arménienne Vazgen Ghazaryan, familière de Verdi, campe un père Guardiani noble, bon et paternel, digne. La voix est généreuse, intègre, même si on attendait davantage d’autorité dans son dialogue avec le frère Melitone. Le legato, sans onctuosité ajoutée, sert avec art cette figure résignée guidée par une foi absolue, hors temps, hors sol. Contrastant singulièrement, le frère Melitone, de Leon Kim, ne tombe pas dans le travers grotesque, cabotin : l’émission est ronde, volubile et précise d’un authentique baryton verdien. Ses deux airs (« Chi siete » « Toh ! toh ! Poffare il mondo ») comme la distribution de la soupe et les scènes suivantes sont fort bien servis. Eléonore Pancrazi a tout, la voix, le physique comme l’abattage, pour incarner une Preziosilla désinvolte, avec la vivacité requise, sans vulgarité. Le rôle est redoutable par sa composition comme par sa vocalise. « Al suon del tamburo » et « Rataplan » sont exemplaires.

Des comprimari, tous valeureux, nous retiendrons quelques figures. Yoann Le Lan, Trabuco, puis marchand ambulant, est une des révélations de la soirée. Le jeune ténor est maintenant en mesure d’aborder les premiers rôles. Confondante est sa sûreté, tant vocale que dramatique. L’émission est ample et libre, assortie d’une remarquable aisance, comme le jeu. La santé vocale est là. La suivante de Leonora, Curra (Séraphine Cotrez) fait forte impression dès son apparition : le mezzo est généreux, projeté, remarquablement conduit, et fait jeu égal avec Leonora dans les premières scènes. Nous retrouvons avec bonheur la basse camerounaise, Jacques-Greg Belobo en Marquis de Calatrava. Laurent Sérou, un alcade, confirme ses qualités. Il n’est pas un petit rôle qui démérite. Le chœur, essentiel du deuxième au début du quatrième acte, mêle chanteurs des opéras de Montpellier et de Toulon. Non seulement il faut louer leurs directeurs respectifs – Noëlle Gély et Christophe Bernollin – pour leur excellente préparation, mais aussi chacun d’eux pour la précision rigoureuse de leurs interventions et leur cohésion, comme pour leur jeu, complexe, très individualisé et efficace.

Même si c’est officiellement sa prise de fonction comme directeur musical de l’opéra de Montpellier, Roderick Cox n’est pas inconnu du public, puisqu’on se souvient ici de son Rigoletto (2021), comme de sa récente Bohème. Malgré le caractère morcelé, disparate et contrasté de l’ouvrage, la direction traduit son romantisme échevelé, hugolien, hispanique, alla Trovatore. L’orchestre national Montpellier-Occitanie se montre à la hauteur de l’enjeu, et il n’est pas de pupitre qui démérite, sinon les cuivres dont la précision des attaques est parfois prise en défaut. Des solistes on retiendra la clarinette solo (Andrea Fallico), exemplaire.

Le public, qui a rempli la vaste salle, ne s’y est pas trompé, enthousiaste. Lui qui n’avait pu retenir ses acclamations aux airs les plus forts ovationne longuement les interprètes lors des saluts. Aurais-je eu la disponibilité pour revivre ce moment fort, exceptionnel, que je n’aurais pas hésité un instant à revenir à Montpellier.

  1. Yannis Kokkos avait déjà monté une mémorable Turandot ici même, en 2016
     2. 18 et 20 octobre au Zénith, avec la même distribution vocale, à l’exception d’Alvaro, confié maintenant à Konstantine Kipriani 
    3. Entre autres, Py, Auvray, Bieito, Homoki, Castorf, Trelinsky...

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Melodramma en quatre actes (huit tableaux)
Musique de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Angel de Saavedra, Duc de Rivas, et Schiller
Création à Saint Pétersbourg, théâtre Mariinski le 10 novembre 1862, puis repris dans une seconde version à Milan, Teatro alla Scala, 27 février 1869

Version de Milan (1869)

Détails

Mise en scène, décors et costumes
Yannis Kokkos

Collaboration artistique et dramaturgique
Anne Blancard

Costumes
Paola Mariani

Chorégraphie
Marta Bevilacqua

Lumières
Giuseppe di Iorio

Concepteur vidéo
Sergio Metalli

 

Donna Leonora
Yunuet Laguna

Don Alvaro
Amadi Lagha

Don Carlos di Vargas
Stefano Meo

Père Guardiano
Vazgen Ghazaryan

Frère Melitone
Leon Kim

Preziosilla
Eléonore Pancrazi

Le Marquis de Calatrava
Jacques-Greg Belobo

Trabuco
Yoann Le Lan

Curra
Séraphine Cotrez

Un alcade
Laurent Sérou

Un chirurgien
Ryu Yonghyun

Une femme
Marie Sénié

Soldats
Alejandro Fonte, Xin Wang, Hyoungsub Kim

 

Chœur Opéra national Montpellier Occitanie

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Noëlle Gény

Chœur de l’Opéra de Toulon

Chef de chœur
Christophe Bernollin

Orchestre national Montpellier Occitanie

Direction musicale
Roderick Cox

 

Montpellier, Opéra Berlioz (Le Corum), 22 septembre 2024, 17 h

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