Témoignage charmant d’une époque qu’à raison l’on a dit belle, Véronique est sortie depuis plusieurs décennies des radars lyriques (on se souvient en 2008 d’une reprise au Châtelet signée Fanny Ardant). Le Festival Ravel – enfant naturel de Musique en Côte Basque et de l’Académie Maurice Ravel – utilise l’opérette tube de Messager comme prétexte à master classe scénique. Pris en main une poignée de jours par le metteur en scène Vincent Vittoz, de jeunes artistes se frottent aux planches, certains pour la première fois. Le travail a porté ses fruits. Sur un plateau vide où le décor se suffit de quelques chaises et de peu d’accessoires, le marivaudage imaginé par Albert Vanloo et Georges Duval, les librettistes, chemine de-ci, de-là sans que rien n’entrave le trot de l’âne – rapport au duo le plus célèbre de la pièce (avec celui de l’escarpolette).
Dans l’adaptation de Simon Cochard et sous la direction musicale de Sabine Vatin, le quatuor Ernest, augmenté du piano de Timothée Hudrisier, approche au plus près l’esprit d’une partition dont l’orchestration reste un des points forts. Les rythmes capricieux prévalent sur l’élégance fin de siècle. La sonorité de cinq instrumentistes ne peut se substituer à celle de la quarantaine de musiciens initialement requis.
© Festival Ravel
Sur scène, devant eux, six solistes et un chœur à quatre voix, en costumes contemporains, réussissent l’exploit avec trois bouts de ficelle de donner vie à leurs personnages. C’est particulièrement vrai des deux protagonistes, Clarisse Dalles (Véronique) et Ronan Debois (Florestan), elle d’une vivacité rafraichissante, lui d’un dandysme intelligemment désabusé. Vocalement, le soprano fruité, entier, égal du Jeune Espoir 2017 du Concours de Gordes, membre de l’Académie musicale Philippe Jaroussky, prend le pas sur le baryton martin plus expérimenté, mais qui nous a semblé le soir de la représentation d’autant plus fatigué que le rôle, pas si facile, fut écrit à la mesure de Jean Périer, le créateur quatre ans plus ans tard, sous la baguette du même Messager, du Pelléas de Debussy.
Henri de Vasselot bougonne son Coquenart. Encore intimidée, Makeda Monnet peine à projeter Agathe, l’épouse infidèle, au premier plan. Ténor de caractère à l’émission contrôlée, Corentin Backès contrefait vocalement Séraphin pour donner toute sa place à Loustot. Lise Nougier est trop charmante pour rendre plausible l’altière sévérité de la Comtesse de Champ d’Azur alors qu’une fois débarrassée de ses titres de noblesse, Estelle coule de source.
Tout cela mériterait un passage en classe supérieure s’il n’y avait un bémol rédhibitoire dans ce répertoire. L’articulation cahin-caha, de ces dames principalement, rend le texte chanté impossible à suivre. En l’absence de surtitres, l’oreille capte un mot sur trois, ce qui empêche d’apprécier le chef d’œuvre de Messager à la juste valeur d’un texte délicatement enlacé à la musique, comme deux amants sur une escarpolette.