Créé à Londres en 1691, King Arthur a fait l’objet de peu de représentations intégrales incluant les parties chantées et parlées. C’est donc à une version de concert du semi opera, sans « les rôles parlés qui figurent dans la pièce de John Dryden » comme l’indiquait le programme, que l’on a pu assister au Théâtre des Champs-Élysées.
L’œuvre assez disparate sur le plan musical et dramatique, l’est encore plus sous cette forme, puisqu’il est quasiment impossible de comprendre l’histoire. Il faut donc trouver un facteur d’unité, ce qu’Hervé Niquet accomplit en accentuant l’aspect humoristique de la pièce par des tempi extrêmement rapides, tout à fait appropriés dans le chant de victoire « Come if you dare ». On est loin des mouvements lents et majestueux de l’interprétation d’Alfred Deller (édition Harmonia Mundi).
Les membres du chœur sortent verres et bouteilles de champagne au moment de la chanson à boire « Old England ». Certes cela donne un vent de jeunesse et de dynamisme à l’œuvre de Purcell, mais n’empêche pas que certains passages manquent de contrastes, comme l’ouverture où la partie lente ne se distingue pas suffisamment de la fugue rapide qui suit. On aurait aussi aimé savourer davantage le sublime « Fairest Isle » pris à une allure moins vive.
La distribution, anglaise à l’exception du haute-contre suédois Anders J. Dahlin, semblait dans son élément, favorisant l’aspect humoristique de l’opéra par une gestuelle comique et laissant imaginer avec envie ce que pourrait donner une version scénique. La scène du froid interprétée par la basse Andrew Foster-Williams, soutenu par des cordes grinçantes et transies, a ainsi fait rire toute la salle : tant les grelottements comme l’interprétation vocale étaient plein de justesse. Le ténor James Gilchrist est apparu tout aussi convaincant notamment dans l’air des bergers. Quant aux voix de soprano, on retiendra surtout le jeu facétieux de Deborah York au timbre chaud et intime. Susan Gritton a proposé un « Fairest Isle » très expressif. C’est le haute-contre Anders J. Dahlin, entendu dernièrement dans le rôle titre de Zoroastre, qui suscite le plus de réserve : intervenant relativement peu, on perçoit néanmoins un manque de sonorité dans le registre grave.
Très investi sur le plan dramatique, le Chœur du Concert Spirituel a fait entendre des nuances et des articulations qui révèlent une réelle maîtrise de l’œuvre.
Pour ceux qui n’auraient pas pu assister à ce concert énergisant, il est possible d’entendre l’interprétation d’Hervé Niquet au disque mais avec une autre distribution (édition Glossa).