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WAGNER, Siegfried – Bruxelles

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Spectacle
13 septembre 2024
Pierre Audi ne connait pas la peur

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Siegfried, deuxième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen, musique et livret de Richard Wagner
Création à Bayreuth le 16 août 1876

Détails

Mise en scène
Pierre Audi

Eclairages
Valerio Tiberi

Costumes
Petra Reinhard

Décors
Michael Simon

 

 

Siegfried
Magnus Vigilius

Mime
Peter Hoare

Der Wanderer
Gábor Bretz

Brünnhilde
Ingela Brimberg

Oiseau de la forêt
Liv Redpath

Erda
Nora Gubisch

Fafner
Wilhelm Schwinghammer

Alberich
Scott Hendricks

 

Orchestre symphonique de la Monnaie

Direction musicale
Alain Altinoglu

 

Bruxelles, Théâtre de La Monnaie, mercredi 11 septembre 2024, 17h

Il y avait quelques sièges vides dans la salle de La Monnaie de Bruxelles ce mercredi soir. Chose inhabituelle, surtout pour une ouverture de saison. Est-ce l’effet de l’abandon de Romeo Castellucci ? Beaucoup de wagnériens étaient attirés par l’aura sulfureuse du metteur en scène italien, et le fait qu’il ait quitté le navire en cours de route a sans doute refroidi les ardeurs. Cependant, les absents ont eu bien tort. Appelé à la rescousse il y a seulement quelques mois, Pierre Audi démontre quel grand professionnel il est. Non seulement il sauve le Ring bruxellois dans des circonstances pas évidentes, mais il fait beaucoup mieux qu’assurer l’urgence, et sa mise en scène est pleine de qualités. Pour la goûter pleinement, il faut cependant remiser au placard les attentes de relecture radicales. Si Pierre Audi intègre la modernité, c’est toujours au service de l’histoire originelle, et on ne trouvera ici aucun sous-texte, aucune référence à un autre contexte que celui de l’intrigue. Quel changement par rapport à Castellucci et à son jeu fascinant d’intertextualité ! Pierre Audi ne semble d’ailleurs rien conserver de la mise en scène des deux premiers volets (mais nous avouons n’avoir vu que l’Or du Rhin). Nous est contée l’histoire d’un adolescent qui n’en peut plus des contraintes qui pèsent sur lui et qui part à la conquête du vaste monde.

Une fois ce postulat accepté, que de joies, que de beautés ! Le décor du premier acte est splendide, et conçu de façon à multiplier les situations. C’est qu’il n’est pas facile d’animer ces 80 minutes qui voient se succéder trois duos. Mais tout s’écoule avec beaucoup de naturel, grâce aussi aux éclairages fouillés de Valerio Tiberi. En surplomb, une énorme sphère constituée de métal concassé et une tube néon symbolisent l’omniprésence de Fafner et la lance de Wotan. Le jeu d’acteur est au cordeau, et les aspects comiques de l’œuvre sont rendus avec beaucoup de finesse. Le deuxième acte, le plus délicat à réussir parce qu’il est celui qui est le plus proche d’un conte de fée, est un exploit : Audi suggère la nature avec un minimum d’effets et son Oiseau de la forêt dédoublé entre un figurant enfant et la chanteuse est une trouvaille exquise. Fafner grimé en Marsupilami blanc après que Siegfried l’ait frappé mortellement est touchant plus que ridicule. L’acte final est une apothèose : le duo Wanderer/Erda noyé dans la fumée, l’affrontement entre Siegfried et son grand-père, intense et rougeoyant, la traversée du feu magique, le sommet du rocher de la Walkyrie symbolisé par une scène d’un blanc immaculé, les effets d’ombres chinoises lors du lent dévoilement de Brünnhilde, les hésitations de celle-ci à se donner : tout fonctionne parfaitement et surtout entre en résonance parfaite avec la musique que Pierre Audi tient à coeur de servir constamment.

© Monika Rittershaus

Il faut dire qu’en terme de musique, nous sommes particulièrement gâtés : Alain Altinoglu a mangé du lion en ce soir de première. L’orchestre de la Monnaie rugit comme un dragon, pépie comme une forêt au printemps, crache des étincelles et suit toutes les intermittences du cœur. Très attentif aux équilibres, le chef veille à ne pas couvrir son plateau et fait avancer l’action. Il a tendance à ralentir les choses à l’acte III. On comprend qu’il veuille pleinement jouir des fruits de son travail, et on le sent enivré par les sonorités sublimes qu’il tire de ses instrumentistes. Même la sonnerie d’un téléphone portable au beau milieu d’un passage périlleux ne parvient pas à déconcentrer les artistes. Chapeau bas devant la qualité de ce travail.

La distribution contient pas mal de confirmations, et quelques belles surprise. En Mime, Peter Hoare démontre une fois de plus son appropriation complète du rôle, comme dans son enregistrement avec Simon Rattle. A mi-chemin entre le Golum et un travesti sorti de RuPaul’s Drag Race, il casse littéralement la baraque. Il faut le voir claudiquer, piailler, sauter et faire mille mimiques de ses mains. La voix est idéalement celle d’un nain maléfique, dans la lignée d’un Heinz Zednik. Certes, ce n’est pas du beau chant, mais c’est crucifiant de vérité. Gábor Bretz confirme l’excellente impression laissée dans La Walkyrie, avec en plus une endurance à toute épreuve. Dès son «Heil dir, weiser Schmied» à l’acte I, on est fasciné par la moirure et la douceur de ce timbre, qui caresse, qui enveloppe, qui ordonne sans crier. Comme bâti sur des colonnes de marbre, le chanteur ne se départit jamais de cette noblesse résignée, triste, presque funèbre qui sied idéalement au dieu devenu spectateur de sa propre déchéance. Son dernier monologue, juste après la dispartition d’Erda, est un moment magique de bel canto wagnérien. Scott Hendricks, grimé comme un Freddy Kruger, est bien son jumeau maléfique, avec un timbre visqueux et une façon de cracher les mots qui exsude la haine et la jalousie. Wilhelm Schwinghammer est invité à Bayreuth depuis 2012 : on comprend pourquoi, tant son chant est sain et robuste en Fafner. Ingela Brimberg est une Brünnhilde plus lyrique que dramatique, qui a parfois un peu de mal à passer au dessus du somptueux tapis déroulé sous ses pieds par Alain Altoniglu, mais cette fragilité est bien celle d’une femme qui cède à l’amour, et les couleurs qu’elle met dans son soprano sont infiniment variées. On est impatient d’entendre ce que donnera cette orfèvrerie vocale dans les torrents du Crépuscule des Dieux.

Du côté des surprises, on rangera Liv Redpath, qu’on n’attendait pas forcément dans ce répertoire, et qui se joue avec facilité des pièges de l’Oiseau de la forêt et parvient à y ajouter une dose de sucre dans le suraigu qui est tout simplement merveilleuse. Après quelques errements, Nora Gubisch trouve dans Erda un rôle à la mesure exacte de ses moyens, même si on peut la trouver un peu trop humaine pour une déesse. Le Siegfried du jeune Magnus Vigilius est une révélation. d’abord, il a l’âge et le physique du rôle, ce qui n’est pas courant. Et la voix est à l’avenant : juvénile, éclatante, souple, gorgée de lumière. Evidemment, un interprète aussi jeune ne peut presque jamais prétendre avoir toutes les notes de la scène de la Forge, par exemple, où on sent qu’il se ménage. Mais le deuxième acte le révèle parfaitement à son aise lorsque l’orchestre s’allège, et il gère son effort avec beaucoup d’intelligence au troisième acte pour parvenir frais jusqu’au duo final, où ses aigus n’ont rien perdu de leur éclat. Un nom à retenir pour tous les wagnériens, et un spectacle qui fait bien mieux que sauver les meubles : c’est à un vrai nouveau départ que La Monnaie nous convie en ce début de saison. Les spectateurs enthousiastes et debout l’ont confirmé bruyamment lors du rideau final.

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Création à Bayreuth le 16 août 1876

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Mise en scène
Pierre Audi

Eclairages
Valerio Tiberi

Costumes
Petra Reinhard

Décors
Michael Simon

 

 

Siegfried
Magnus Vigilius

Mime
Peter Hoare

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