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WAGNER, Tannhaüser – Munich

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Spectacle
5 août 2024
Polysémie sibylline non narrative

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en 3 actes
Musique et livret de Richard Wagner

Création à Dresde (Hoftheater) le 19 octobre 1845, puis à Paris le 13 mars 1861

Version de Paris avec ajouts

Détails

Mise en scène
Romeo Castellucci

Chorégraphie
Cindy van Acker

Video
Marco Giusti

Herman
Ain Anger

Tannhäuser
Klaus Florian Vogt

Elisabeth
Elisabeth Teige

Venus
Yulia Matochkina

Wolfram von Eschenbach
Andrè Schuen

Walther von Vogelweide
Jonas Hacker

Biterolf
Martin Snell

Heinrich
Andrés Agudelo

Chœur du Bayerische Staatsoper, Christoph Heil

Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale
Sebastian Weigle

Bayerische Staatsoper, jeudi 25 juillet, 17h

Comme Parsifal quelques jours plus tôt, Munich propose ce soir la reprise d’une production wagnérienne créée quelques années plus tôt avec un distribution presqu’entièrement différente. En 2017, Romeo Castellucci exposait déjà plusieurs de ses tics (la gaze en guise de quatrième mur, les animaux, ou les textes pas toujours lisibles notamment) qui le font depuis progressivement glisser vers une caricature de lui-même. Toutefois il conserve ici une ambition graphique capable de séduire et faire oublier leur quête de sens aux spectateurs analytiques qui voudraient en trouver derrière tous ces signes, souvent plus sibyllins que polysémiques, tout cadre narratif semblant aboli. A défaut de tirade devant une machine à laver, on commence tout de même par être agacé au point de vouloir fermer les yeux devant ce ballet d’amazones pendant l’ouverture et la bacchanale : les archères passent 20 minutes à décocher des flèches dans un œil géant en fond de scène, qui devient une oreille, qui devient une pomme. Plusieurs sens sont attaqués donc. Tannhäuser utilisera ensuite ces mêmes flèches comme une échelle pour grimper au Venusberg. On comprend ensuite vite que l’arc remplace la harpe, la flèche la note et Elisabeth ira jusqu’à en ficher une dans le dos du héros à la fin de l’acte II. L’inverse n’est pas vrai, ce sont bien des arcs que les chasseurs portent à la fin du premier acte, et qu’ils banderont pour menacer Tannhäuser à la fin du second. Cette introduction est donc en totale opposition avec la musique de la bacchanale, vouée au plaisir des sens. Le jeu des couleurs est plus lisible : à Venus le rouge, aux personnages de la Wartburg le blanc, aux pêcheurs le noir : intégral pour les pèlerins, une tache dans le dos pour Tannhäuser, qui semble possédé par une figure maléfique entièrement noire aussi. La lecture est néanmoins brouillée par le blanc adipeux des suivants de la déesse, et le noir que porte le fantôme d’Elisabeth au dernier acte. Laissons ici d’autres signes que certains, plus clairvoyants que nous, réussiront peut-être à assembler : la rosace peinte en direct avec le sang du cerf ; les pèlerins qui portent un gros rocher doré qu’ils rapportent de Rome en petits morceaux ; les pieds coupés ; Elisabeth qui devient gisante et dont le cadavre gonfle, puis tombe en poussière face à celui du chanteur (on a écrit le nom de l’interprète, Klaus, sur son tombeau, pour elle c’est plus simple, c’est le même) pendant le milliard de milliards de milliards (sic) d’années que l’on nous dit s’écouler (oui, Wagner, pour certains, c’est long, mais quand même !). Plus réussie est la scène du Venusberg avec ces nus féminins qui défilent dans l’oculus en fond de plateau, et surtout cet amas libidineux et animé dont Vénus émerge puis s’extirpe, et qui s’amincit au fur et à mesure que la séparation se confirme. Comme si le héros émergeait lui aussi d’une assemblée ensuquée par un plaisir charnel poisseux, ivre de chairs. On citera aussi les éclairages intenses et envoutants qui font de ce spectacle un objet photographique remarquable, ou les rideaux tournoyants qui structurent la grande salle de la Wartburg avec grâce, telles les anciennes toiles peintes, libérées de leur rigidité figurative.

Avec Sebastian Weigle l’orchestre trouve un chef solide capable d’une exécution sans coup de génie mais quasi impeccable (on ne trouvera guère à reprocher que des doubles croches en triolet des violons de l’ouverture, un peu pesantes, alors que Wagner y voyait des « pulsions de vie ») à la tête d’une phalange qui semble jouer facilement ce monument symphonique. Plus remarquable encore est la prestation du chœur, d’une assurance et vivacité phénoménales, qui transforme les pèlerins en messagers sereins de l’apocalypse.

Parmi les seconds rôle, si Walther est un peu raide (comme la teneur de son discours, certes), et le landgrave d’Ain Ainger semble indisposé (vibrato incontrôlé et allemand mâchonné, insuffisamment masqués par la puissance de l’émission et la profondeur du timbre), le Wolfram d’Andrè Schuen a tout ce que l’on peut rêver d’un poète aux amours déçues : enthousiasme fraternel, simplicité de l’élocution, clarté de la diction, voix parnassienne. Il n’y a guère que dans l’effroi final qu’il nous semble plus limité. La Vénus de Yulia Matochkina est plus molle que sensuelle, y compris dans la diction, et intéresse difficilement malgré quelques aigus saillants.

Comme souvent, Klaus Florian Vogt préfère claironner le rôle que le jouer : à part au dernier acte ardemment investi, il semble réciter, de façon très détachée du drame. Certes le clairon est toujours admirable : puissance qui semble ne requérir que peu d’effort, diction au cordeau, timbre solaire, mais le souffle se raccourcit, le forçant à négliger ses fins de phrase. Sans compter le manque de nuances, et l’intonation des moments clés souvent prosaïque, voire à côté de la plaque (« Zu Ihr ! » plus énergique que fiévreux ; « Elisabeth ! » plus benêt qu’illuminé).

Terminons sur Elisabeth Teige : un chant légèrement vibré, intense quoique très intérieur, semblant honteuse de son emportement dans « Dich, teure Halle », c’est une amoureuse contrainte et contrite, jusque dans ce « Er kehret nich züruck », atone, suivant la stupéfaction muette. L’exact opposé du personnage éponyme. On peut préférer des héroïnes plus emportées, la prière de cette vierge protestante reste le plus beau moment de la soirée.

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Musique et livret de Richard Wagner

Création à Dresde (Hoftheater) le 19 octobre 1845, puis à Paris le 13 mars 1861

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Mise en scène
Romeo Castellucci

Chorégraphie
Cindy van Acker

Video
Marco Giusti

Herman
Ain Anger

Tannhäuser
Klaus Florian Vogt

Elisabeth
Elisabeth Teige

Venus
Yulia Matochkina

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