La Philharmonie de Paris fêtait ce soir la prise de fonctions du chef Case Scaglione, nouveau directeur musical de l’Orchestre National d’Ile-de-France. Mais avec un programme consacré à trois des sommets de l’art wagnérien, le concert de bienvenue prenait plutôt l’allure d’un examen d’entrée.
Le duo Parsifal/Kundry, le Prélude de Tristan et la mort d’Isolde, le duo Siegmund/Sieglinde : voilà des pièces idéales pour déployer toutes les couleurs d’un orchestre et faire la démonstration de ses qualités de chef. Mais cela signifie également se confronter à pléthore d’enregistrements, parfois devenus mythiques : la barre est haute pour ce premier concert parisien.
La soirée s’ouvre ainsi par le « Dies Alles » extrait de Parsifal avec, pour solistes, Michelle DeYoung et Simon O’Neill. On est saisis d’emblée par le naturel de l’émission du ténor, à la voix claire, limpide, mais à la projection irréprochable.
La mezzo-soprano quant à elle s’empare du récit de manière remarquable : avec assurance, conviction, clarté, d’une voix vibrante à l’aigu incisif, elle parcourt les quarante minutes de la scène sans jamais relâcher l’attention, ni faire baisser la tension dramatique. C’est d’autant plus admirable que l’orchestre ne lui est pas d’un grand secours : toute la première partie, accompagnée presque exclusivement par les cordes, s’appesantit, n’avance pas, manque de relief. On voudrait de la clarté et surtout de l’allant ; pourtant il faut attendre que l’instrumentation s’étoffe et les forte pour gagner en présence et en énergie.
Mais on ne gagne pas pour autant en détails, ni en construction par plans sonores. C’est précisément ce qui fait défaut au prélude et à la « Liebestod » de Tristan : l’Orchestre National d’Ile-de-France a sans conteste un fort beau son, mais que c’est massif ! Il y a des nuances, bien amenées même, mais pourquoi mettre tous les instruments sur le même plan, les faire jouer d’un seul bloc ?
Le chef s’en donne d’ailleurs à cœur joie dans La Walkyrie. Il peut se le permettre avec un ténor tel que Simon O’Neill qui, avec une projection confondante de facilité, traverse la vaillance des « Wälse » aussi bien que la douceur du « Wintersürme », délicat, lumineux, avec une magnifique prononciation du texte, toute d’allitérations et de consonnes. Mais l’orchestre ne partage décidément pas la délicatesse du chanteur, avec un jeu compact et empesé pour l’une des plus belles pages de tout l’opéra wagnérien.
Fort heureusement Michelle DeYoung se révèle ici encore irréprochable en Sieglinde : la voix est pleine, le personnage incarné, plein de sensibilité. Avec de tels solistes et un orchestre d’un tel niveau, tout promettait un superbe concert ; mais il manquait au chef de dessiner les phrases et de ciseler la masse orchestrale.
Malheureusement cela ne pardonne pas chez Wagner et on ne peut qu’espérer que les concerts suivants, consacrés à d’autres compositeurs, seront une carte de visite plus convaincante pour Case Scaglione, qui n’a pas entièrement séduit sans pour autant entièrement démériter. Affaire à suivre…