Idée bienvenue au théâtre du Capitole de Toulouse que de donner pendant la période de l’Avent l’Oratorio de Noël ; on ne chipotera pas sur la date puisque ce cycle de cantates est prévu initialement pour le jour de Noël et les suivants. En revanche on aurait aimé que le cycle entier fût donné ; seules les trois premières cantates sont jouées ce qui, avec une durée d’exécution totale d’une heure quinze, fait un peu chiche.
On donne donc la cantate du jour de Noël, puis celle de la Saint-Etienne, le 26 décembre et enfin la cantate pour le jour de la Saint-Jean l’Evangéliste, le 27. Manquent ainsi à l’appel les cantates pour le 1er janvier, pour le dimanche avant l’Epiphanie et pour le jour de l’Epiphanie (ces six cantates au total correspondent au calendrier liturgique de l’hiver 1734/1735, année de la composition).
L’esprit que porte Jordi Savall et son Concert des Nations répond bien à celui qui prévalait dans l’Allemagne luthérienne de l’époque : la musique est au service de l’office, doit aider à l’élévation de l’âme et à la prière des fidèles. Et, in fine « à la seule gloire de Dieu ». Cette simplicité, cette concentration sur l’œuvre et l’œuvre seule est bien illustrée par la battue du maître Savall ; aucune expansion, une rigueur métronomique et une concentration sur la partition, qu’il connaît pourtant sur le bout des doigts. Et une fois les saluts obligés chaleureusement renouvelés, on ferme ostensiblement la partition sur le pupitre. Ite missa est.
Tout cela nous va bien ; on aurait pu aller plus loin dans la fidélité à cet esprit qui tient aussi à l’intériorisation du discours musical et du texte chanté, en ne cédant pas à cette coutume désormais (trop ?) courante de faire se lever les instrumentistes solistes lorsqu’ils accompagnent une aria ; tour à tour ainsi, une flûte, un hautbois, un hautbois d’amour et un violon sont-ils mis en avant. Cela n’était pas nécessaire.
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Le Concert des Nations est remarquable d’homogénéité et de complicité entre les instrumentistes ; le tempo est sans surprise, admirablement scandé par un orgue et un clavecin de toute beauté. Gabriel Bourgoin, chef du chœur de l’opéra national du Capitole a réalisé de la belle ouvrage en entraînant ses troupes dans la prononciation de la langue allemande, qui est rarement parfaitement maîtrisée par les voix françaises. Si l’on veut aller dans l’extrême détail, on regrettera l’attaque trop molle du « Jauchzet » initial et le manque de jubilation, qui est pourtant capitale dans l’annonce de la Nativité.
Le plateau vocal est fort de toute la modestie souhaitée. Point d’occasion de mettre en avant sa technique ; on demande aux chanteurs de s’inclure au contraire dans l’ensemble et d’y apporter, le moment venu, leur contribution. Laurie Smirnov Hamiche a un soprano bien agréable mais du coup trop fluet ; ses interventions sont rares mais elle a du mal à s’imposer face au baryton de Kamil Ben Hsaïn Lachiri dans le duo « Herr, dein Mitleid, dein Erbarmen » de la troisième cantate. Joli ténor de Valentin Thill mais un manque d’aisance dans le redoutable « Frohe Hirten, eilt, ach eilet ». Enfin l’alto de Key’mon Murrah est magnifique. L’instrument est un peu court mais le timbre est un régal.