De la vingtaine d’opérettes composées par Maurice Yvain, Gosse de riche n’est la plus célèbre. L’œuvre connut un relatif insuccès comparé au triomphe de Ta bouche deux plus tôt, en 1922, et de Là-Haut l’année précédente (76 contre respectivement 582 et 260 représentations). Non qu’elle soit dépourvue de qualité, à commencer par une intrigue vaudevillesque prétexte à quiproquos désopilants assortie d’une satire réjouissante de la société – on constate que peu de choses ont changé en un siècle. Mais les lyrics de Jacques Bousquet et Henri Falk, si spirituels soient-ils, ne peuvent rivaliser avec ceux d’Albert Willemetz. Privée de tubes, la partition elle-même paraît inégale, parfois inspirée, parfois inaboutie avec des numéros qui tombent à plat ou si brefs qu’ils n’ont pas le temps de faire mouche, comme si le compositeur était à court d’idées ou cherchait son style.
Pour l’apprécier à sa juste mesure sur la scène de l’Athénée, il aurait fallu soigner davantage la prononciation du texte. Parlés, les dialogues sont débités à une vitesse qui empêche d’en saisir toujours le sens. Chantés, l’œil s’accroche aux écrans de surtitres de part et d’autre de la scène afin de comprendre les paroles et d’en goûter l’esprit, au détriment de l’attention portée aux chanteurs. Seule exception au volapük ambiant, Philippe Brocard campe un Achille Patarin toujours intelligible, servi par une voix de baryton timbrée et bien projetée. Se détachent les rôles de caractère – Marie Lenormand en Baronne, Lara Neumann en Suzanne Patarin et même, dans le rôle pourtant épisodique de Léon Mézaize, Charles Mesrine – tandis que les deux jeunes premiers – Amélie Tatti en Colette Patarin, Aurélien Gasse en André Sartène – se débattent avec des partitions plus lyriques, et donc plus exigeantes, qui semblent avoir pris Franz Lehár pour modèle. L’un des plus grands succès de Henry Defreyn, le créateur de Sartène, ne fut-il pas Danilo dans La Veuve Joyeuse ?
© Camille Girault
Les décors et les costumes sont réduits à l’essentiel avec quelques partis-pris surprenants. Etrange la chemise transparente de Patarin ! Osé, le tablier de Sartène qui ne cache rien de la partie la plus charnue de son anatomie ! La mise en scène de Pascal Neyron fait claquer les portes comme il se doit dans ce type de comédie. Entrées et sorties sont réglées au cordeau, sans plus d’inventivité. Le grain de folie nécessaire à ce répertoire frôle souvent l’hystérie – l’entrée surjouée de Colette.
Ne soyons cependant pas trop sévères. Une opérette de Maurice Yvain offre toujours la garantie de passer un bon moment. Les Frivolités Parisiennes ne sont jamais aussi convaincantes que dans ce répertoire qui leur est consubstantiel. L’absence de chef d’orchestre ne nuit ni à l’homogénéité, ni à la fluidité. La précision des ensembles n’est jamais prise en défaut. L’air de la baronne, « Combine », ou la Fest-Noz menée biniou battant par Lara Reimann font partie de ces moments inénarrables qui, en dépit de nos réserves, aident à passer une joyeuse soirée.