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Stefano Mazzonis di Pralafera : « Je suis contre la relecture des livrets d’opéra »

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Actualité
14 juillet 2020
Stefano Mazzonis di Pralafera : « Je suis contre la relecture des livrets d’opéra »

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L’Opéra Royal de Wallonie fête son bicentenaire, l’occasion pour Stefano Mazzonis di Pralafera de revenir brièvement sur l’histoire de cette institution belge. Il présente, dans cet échange, la manière dont il a souhaité rendre cette maison plus accessible au public, tout en développant sa visibilité internationale.


Présentez-nous brièvement les grandes dates de cette maison.

Avant toute chose, je dirais que ce qu’il est important de noter, c’est que ce théâtre d’opéra a vu le jour grâce à une « souscription populaire ». En 1817-18, les citoyens de Liège ont participé à cette souscription, chacun avec ses moyens. Ils ont pris des matériaux de récupération d’église, de palais ou de tout autre bâtiment pour bâtir ce théâtre. Nous pourrions dire qu’il s’agit d’un cas de crowdfunding contemporain. Historiquement, Liège faisait partie du royaume des Pays- Bas. Les habitants avaient demandé de construire un théâtre d’opéra, les théâtres étant simplement des « multi-show » qui ne produisaient pas d’art lyrique. Le Roi refusa car il était hors de question, pour lui, de créer un théâtre. Mais il avait néanmoins accepté de donner un terrain qui avait donc permis aux habitants de construire leur théâtre.

Chaque personne était actionnaire de cette structure …

Oui, et la gestion du théâtre était donc confiée à un impresario. Les assemblées de ce théâtre étaient faites dans la plus lourde des confusions : chacun souhaitait sa propre programmation. Cela a rendu ce théâtre ingérable pendant plus de trente ans. En 1864, la Ville l’a racheté aux actionnaires. Elle le gérait donc avec des impresarios qui se succédaient et démissionnaient tout le temps. En 1967, on a créé l’Opéra Royal de Wallonie de Liège (ORW) avec un statut bien précis et un solide soutien du gouvernement. L’année 2012 connaît de grands chantiers de rénovation. On en a fait un théâtre qui reprend exactement la manière dont il était à l’origine sur le plan architectural. En revanche, il devient beaucoup plus performant en matière de  technologie. On était tellement à la pointe de la technologie que parfois, nous ne pouvions pas exploiter toutes les innovations qui nous étaient possibles.

En cas de coproduction ?

Effectivement, le théâtre coproducteur n’a pas toujours ces mêmes outils. Néanmoins, cela n’a pas engendré de souci dans l’absolu, même si nous étions avant-gardistes. D’ailleurs à ce jour, nous sommes un des théâtres les plus modernes au monde avec le Bolchoï, le Staatsoper de Berlin, etc.


© DR

Vous arrivez en 2007 à l’Opéra Royal de Wallonie. Dans quelle situation se trouvait ce théâtre ?

Il avait un très lourd déficit financier. J’ai mis 13 ans à le combler. Sur le plan du projet, nous pourrions dire qu’auparavant c’était un théâtre de « province ». Aujourd’hui l’ORW a un rayonnement international, et c’est grâce à une politique de streaming importante que nous avons pu développer notre rayonnement. Toutes nos captations ont été données à la télévision, au cinéma, etc. J’ai toujours été très fan de la diffusion numérique. Au début de ma carrière, c’était la radio. Quand je suis arrivée à l’ORW, cela a été le streaming.

Cette pratique existait déjà pour le spectacle vivant.

Oui elle existait déjà pour la musique classique. Le premier à avoir utilisé cette méthode de diffusion c’est le Philharmonique de Berlin. Mais il ne diffusait pas d’opéra. Nous avons été les premiers en matière d’art lyrique. L’opéra à l’écran a pris une saison à s’installer. Il nous a fallu un minimum de temps pour comprendre et évaluer la bonne manière de le gérer, et la meilleure méthode de diffusion. Le problème du streaming c’est le diffuseur, et cela demande des moyens importants. A partir de la deuxième année, nous avons donc entamé progressivement des partenariats avec Dailymotion, puis Arte, Culturebox, etc.

L’opéra à l’écran a-t-il pallié le déficit financier que vous évoquiez précédemment ?

Mon premier projet était la diffusion de l’opéra auprès des jeunes, jusqu’à 26 ans. A mon arrivée, le jeune public ne constituait que 3% des spectateurs. Aujourd’hui, nous sommes à 30%. Le streaming est venu par la suite. Beaucoup de mes collègues pensaient à l’époque que faire de l’opéra dans les cinémas, plutôt qu’à la télévision, c’était renoncer à de véritables potentiels spectateurs en salle. Personnellement, je pense que la diffusion d’une captation, que cela soit au cinéma, à la télé ou sur le net, suscitera la curiosité et invitera les personnes à venir découvrir la magie du théâtre.

Quel bilan tirez-vous de ces années de direction ?

On a une salle remplie à 100% depuis quelques saisons. On a 30% de public jeune. On a un rayonnement important, car, dans le cas de la diffusion à l’écran, on est aux côtés de Coven Garden, de la Scala de Milan, etc. Je dis souvent que l’Opéra Royal de Wallonie, c’est comme les Pays-Bas : un petit pays, mais un grand empire. Nous sommes un peu comme ça puisque nous avons un petit budget [ndlr : 20 millions d’euros], mais une très bonne renommée.

Estimez-vous que les théâtres doivent encore travailler de nouveau sur le public ?

Je pense qu’il y a un véritable problème de formation du public. Il faut continuer à créer ce nouveau public, en sensibilisant les jeunes. Il faut préparer le futur public. Aujourd’hui, c’est une erreur de penser que c’est l’enseignement qui fait ce travail de préparation. L’enseignement peut accompagner l’opéra dans cette démarche.

Comment avez-vous élaboré programme de cette saison anniversaire 2020-2021 ?

C’est un projet que nous travaillons depuis plus de 5 ans. Nous voulions que des grands artistes puissent venir fêter ce bicentenaire.  Nous produirons également des opéras rarement produits, et qui seront présentés pour la première fois à Liège. 200 ans et deux opéras jamais joués.

 


© DR

Vous mettrez en scène cette Bohème dont le rôle-titre sera porté par Angela Gheorghiu. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cet ouvrage ?

C’est un des ouvrages le plus touchant et cinématographique de l’opéra. J’ai souhaité le transposer dans le temps. Cette Bohème se passera à la fin de la deuxième guerre mondiale. A l’époque, au lendemain de la guerre, il y avait une grande vie culturelle avec Stravinsky, Picasso, etc. Tout ce petit monde était à Paris ! Puccini a inventé la musique de film parce qu’il décrit les situations, et non les sentiments. Cette description est particulièrement stimulante pour un metteur en scène. Puccini est vraiment le compositeur le plus grand de son époque.

Et quel est selon vous pari de l’opéra du XXIème siècle ?

La médiation est quelque chose d’important mais le pari de l’opéra est technologique aussi. On doit quand même rappeler que le public vient à l’opéra pour rêver. Il faut que les nouvelles technologies soient utilisées pour le faire rêver et pour créer des nouveaux moyens de production de spectacle. Mais surtout, je pense qu’il faut raconter l’histoire de l’opéra telle qu’elle est, continuer de respecter le livret et la volonté du compositeur. Il ne faut par sortir de ce chemin, même si l’histoire, en soi, peut paraître un peu stupide ou bête. Personnellement, je suis contre la relecture des livrets d’opéra. L’opéra, c’est comme la bande dessinée, c’est aussi un moyen de distraction. On est déjà submergé de mauvaises nouvelles aux journaux télévisés (les guerres, les révolutions, les émeutes, les pandémies, etc.). Donc il faut aller à l’opéra pour rêver, et il faut donner ce rêve au public.

 

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