Dans la prolongation de la féérie de Noël, les ondes lyriques du mois de janvier s’annoncent enchanteresses. Web, radio et télévision, voici une sélection de retransmissions à ne manquer pour rien au monde.
Samedi 6 janvier, 18h CET, BBC3 : Gioachino Rossini, Semiramide – Londres, ROH, 2017 (durée 3h59)
« Prodige de l’art » selon Bellini, grand admirateur de Rossini, qui considérait les compositeurs de son temps comme « autant d’insectes comparés au maître des maîtres… ». Semiramide à Londres en novembre 2017 abat les cartes maîtresses. Avec sa patte de tragédienne et son ébouriffante maîtrise vocale, Joyce DiDonato se surpasse en reine Semiramide. Daniela Barcellona a les hardiesses d’Arsace, Laurence Brownlee la virtuosité d’Idreno. Qui sera Assur : Michele Pertusi (souffrant le 19 novembre) ou son remplaçant Mirco Palazzi ? Antonio Pappano dirige avec cœur et maestria, comme à l’accoutumée.
Dimanche 7 janvier, 20h CET, France-Musique : Gioachino Rossini, La Cenerentola – Opéra National de Lyon, 2017 (durée 3h)
A riche plumage théâtral – mise en scène féconde de Stefan Herheim – brillant ramage rossinien. Cette Cenerentola du 15 décembre 2017 à Lyon tient ses promesses. Le chant de Cyrille Dubois, étoile lyrique montante 2017 selon les lecteurs de forumopera.com, a la noblesse de cœur et l’élégance élastique de Don Ramiro. Sa Cendrillon, Michèle Losier, assume pleinement sa ribambelle de jouissives épreuves vocales. Dirigés par Stefano Montanari, le reste du plateau est de haut vol : Renato Girolami (Don Magnifico et Rossini venu superviser la représentation), Katherine Aitken (Tisbe), Clara Meloni (Clorinda), Nikolay Borchev (Dandini) et Simone Alberghini (Alidoro).
Lundi 8 janvier, 0h25 CET, Arte : Franz Lehár, Le Pays du Sourire – Opéra de Zurich, 2017 (durée 1h45)
Environ vingt-cinq ans après La Veuve Joyeuse, Le Pays du Sourire de Franz Lehár triomphe à Berlin en 1929. Cette opérette, où l’on ne rit pas, est une nouvelle mouture de La Tunique Jaune (1923), peut-être inspirée par Turandot que Puccini, ami de Lehár, composait alors. Dans une mise en scène hollywoodienne d’Andreas Homoki, le prince chinois Sou-Chong (Piotr Beczala) épouse et emmène en Chine sa comtesse autrichienne bien-aimée Lisa (Julia Kleiter), à laquelle il rendra sa liberté car elle refuse la polygamie autorisée en Chine. Voix généreuses et style consommé, nos deux héros excellent dans ce répertoire qu’ils chérissent.
Lundi 8 janvier, 20h CET, France-Musique : Gustav Mahler et programme viennois – Paris, Auditorium du Musée d’Orsay, 2017 (durée 2h)
Le coeur est gonflé de chagrin, il est comme un nuage en lambeaux dans un troupeau de nuages en fuite dans le ciel. Tel est le chant de Thomas Hampson dans Der Abschied (L’Adieu), dernier des six poèmes du Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), où le poète attend son amipour un éternel adieu. C’est à Paris au Musée d’Orsay, la retransmission d’un concert hommage à Henry-Louis de La Grange, disparu en 2017, grand spécialiste de Gustav Mahler comme Thomas Hampson d’ailleurs. Le baryton est accompagné par le chef d’orchestre Clément Mao–Takacs et son Secession Orchestra, au sein d’un programme viennois qui n’est pas que vocal.
Mercredi 10 janvier, 20h CET, CatalunyaMusica : Gaetano Donizetti, Poliuto – Barcelone, Gran Teatre Del liceu, 2018 (durée 1h40 environ)
Non, Gregory Kunde ne ressemblera pas à Bob Marley, ni Sandra Radvanovsky à Joan Baez dans cette représentation de Poliuto au Liceu, car il s’agit d’une version de concert (voir brève du 11 janvier 2016) ! Après ses trois sensationnelles reines donizettiennes au MET en 2015 et -2016, Paolina, épouse de Poliuto, est une prise de rôle pour la Radvanovsky. on rêve déjà de l’y entendre. Gregory Kunde rallumera son Poliuto, seigneur arménien à la fois tendre et si héroïque de notes comme de jeu, enregistré en 2010 en DVD. Ce duel de géants sera arbitré par Gabriele Viviani (Severo), Josep Fado (Felice), Ruben Amoretti (Callistene) et Alejandro del Cerro (Nearco), placés sous la direction de Daniele Callegari.
Vendredi 12 janvier, 19h CET, Opéravision : Marius Felix Lange, La Reine des Neiges – Duisbourg, Deutsche Oper am Rhein, 2016 (durée 1h30)
Premier prix au Premier Concours International de Cologne avec un opéra pour enfants, Marius Felix Lange (1968) a en toute logique écrit de nombreux opéras… pour enfants. Sa Reine des Neiges (création mondiale à Duisbourg en 2016), d’après un conte de Hans Christian Andersen, fusionne dissonance, romantisme et musique de film. Adela Zaharia, premier prix féminin d’Opéralia en 2017, est cette terrible reine en même temps qu’un scintillant soprano lyrique d’agilité dans une mise en scène de Johannes Schmidt, belle comme les contes, éclatante de couleurs et d’humour. Un opéra pour jeunes de 7 à 77 ans.
Samedi 13 janvier, 18h30 CET, WQXR : Pietro Mascagni, Cavalleria Rusticana ; Ruggero Leoncavallo, Pagliacci – New York, MET, 2018 (durée 3h)
Pour le metteur en scène David McVicar, Cav (Cavalleria Rusticana ) est la nuit et Pag (Pagliacci ) est le jour, malgré la même issue fatale. L’esthétique très austère de son Cav est lourde de sens, la désopilante exubérance de son Pag bénéficie d’un plus : l’inspiration. Amant méprisant avec Santuzza, mais d’une tendresse inouïe avec Mamma Lucia, Roberto Alagna est un Turiddu idéal, tout comme il est un Canio fascinant, au chant éperdu dans « Recitar… Vesti la giubba », et sa déferlante de violence meurtrière en fin de Pag. Aleksandra Kurzak incarne la Nedda pétulante et rayonnante de sensualité voulue par McVicar. George Gagnidze, déjà impressionnant dans cette mise en scène en 2016, reste un Alfio de cinglante autorité et un Taddeo/Tonio aussi libidineux que brutal. Ekaterina Semenchuk en Santuzza et Alessio Arduini en Silvio complètent la distribution. Live Radio du MET, les 9 et 30 janvier à 01h25 CET.
Samedi 20 janvier, 19h CET, WQXR : Jules Massenet, Thaïs – New York, MET, 2017 (durée 3h16)
Dans une production conçue à l’origine pour Renée Fleming, Thaïs revient à New York, interprétée cette fois par la soprano lauréate en 2012 du Richard Tucker Award : Ailyn Perez. Gerald Finley reste comme au Châtelet en 2007 Athanaël, l’ascète soumis à la tentation de la chair. Dans un répertoire où la diction est clé, Jean–François Borras en Nicias est la première raison de jeter une oreille à cette retransmission radiophonique à écouter aussi même jour, même heure sur CatalunyaMusica.
Lundi 22 janvier, 17h CET, Bayerische Staatsoper.TV : Richard Wagner, Die Walküre – Munich, Bayerische Staatsoper, 2018
Si les opéras de Wagner ne font pas l’unanimité, ils ne laissent jamais indifférents. Les plus récalcitrants n’auront d’autres choix que de virer leur cuti à la lecture de la distribution de cette première journée du Ring munichois, retransmise le 22 janvier en direct par le Bayerische Staatsoper sur son propre site, et en replay un seul jour supplémentaire le 23 janvier : Nina Stemme, Anja Kampe, Ekaterina Gubanova, Simon O’Neil, Wolfgang Koch, sous la conduite du futur directeur de l’Orchestre Philarmonique de Berlin Kiril Petrenko. Quand on sait la musique de Wagner aussi instrumentale que vocale, l’argument est imparable. La Walkyrie ne saurait pour autant se résumer à sa chevauchée. Episode le plus lyrique et le plus accessible de la Tétralogie, son accès à Munich est facilité encore par la mise en scène corporelle d’Andréas Kriegenburg. Alors, si ce n’est déjà fait, pourquoi ne pas rentrer en religion wagnérienne par cette porte ?
Mercredi 24 janvier, 20h CET, TCFWebTV : Vincenzo Bellini, Norma – Gênes, Teatro Carlo Felice, 2018
Quelle intelligence du chant, quelle technique et quelle maîtrise de son art ne faut-il pas à Mariella Devia pour être en scène à son âge ! Sa Norma est « tragico sublime », comme la voulait Bellini, son engagement bouleverse. A ses côtés, Stefan Pop (Pollione), Analisa Stroppa (Adalgisa) sont dirigés par Andrea Battistoni, dans une mise en scène de Luigi Di Gangi et Ugo Giacomazzi (live-streaming, TCFWebTV, le 30 janvier 20h CET)
Samedi 27 janvier, 19h CET, WQXR : Giacomo Puccini, Tosca – New York, MET, 2018 (durée 2h53)
Pour le moment peu d’images ou de youtuberies, quelques articles, mais on est déjà profondément touché par le dolcissimo con grande sentimento de Sonya Yoncheva (Tosca) dans sa prière « Vissi d’arte », et cette simplicité dont Puccini disait qu’elle est une divinité que doivent célébrer tous les artistes qui y croient. La sincérité de Vittorio Grigolo (Mario Cavaradossi), elle, passe par une générosité d’émotions dans un « E lucevan le stelle » où la douleur se fond au chant. L’excellent baryton Zeljko Lucic a très certainement le venin et la violence nécessaires à Scarpia. Si vous n’assistez pas à la retransmission de la représentation dans les cinémas Pathé, ce 27 janvier, écoutez-la à la radio, sur WQXR ou le même jour à la même heure sur BRklassik.
Dimanche 28 janvier, 20h, France-Musique : Georg Friedrich Haendel, Jephta – Paris, Opéra Garnier, 2018 (durée 3h05)
Victorieux des Ammonites, le chef militaire hébreu Jephta (Ian Bostridge) a promis de sacrifier la première personne rencontrée au retour du combat, et c’est sa fille Iphis (Katherine Watson) qui croise son chemin. (Rappelez-vous Idomeneo de Mozart !). Storgé (Marie–Nicole Lemieux), mère de la jeune femme, est horrifiée, Hamor (Tim Mead) demande à mourir à la place de celle qu’il aime et, Zébul (Philippe Sly) supplie Jephta d’épargner sa fille. Juste avant de mourir, Iphis sera sauvée par un Ange (Valer Sabadus) qui lui annonce son entrée en religion. Jephta est le dernier oratorio de Haendel, devenu aveugle en le composant. Si l’écriture garde ici sa majesté et sa virilité galvanisantes, la tristesse et la sévérité y sont dominantes. Représentée pour la première fois à l’Opéra Garnier, la mise en scène de Claus Guth a déjà fait les beaux soirs d’Amsterdam en novembre 2016.
Mardi 30 janvier, 20h, Culturebox : Georges Bizet, Carmen – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 2018 (durée 3h20)
Le communiqué de l’Opéra de Liège est bref : leur nouvelle Carmen, mise en scène par Henning Brokhaus, se passera dans un cirque et sera surprenante. Mais, d’euphories ensoleillées en passions vertigineuses, le chef-d’oeuvre de Bizet respirera à travers la baguette de Speranza Scappucci, élue meilleure chef 2017 par les lecteurs de forumopera.com. Timbre charnu, paysage de granit noir, le mezzo georgien Nino Surgaladze incarnera Carmen, notre astre de liberté. Pour un Don José vibrant d’élégie amoureuse et de vaillance exaspérée, on se réjouit d’entendre le rare Marc Laho. N’oublions pas l’Escamillo de Lionel Lhote, toujours di qualità et la Micaëla de Silvia Dalla Benetta.