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PEPUSCH, The Beggar's Opera — Genève

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Spectacle
4 octobre 2018
Loin du Gueux, mais pas des gueux

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Ballad opera en trois actes

Ecrit par John Gay sur une musique de Johann Christoph Pepusch

Création à Londres au Lincoln’s Inn Fields Theater, le 29 janvier 1728

nouvelle version de Ian Burton et Robert Carsen

Nouvelle conception musicale par William Christie

Détails

Mise en scène

Robert Carsen

Dramaturgie

Ian Burton

Scénographie

James Brandily

Costumes

Petra Reinhardt

Chorégraphie

Rebecca Howell

Lumières

Robert Carsen et Peter Van Praet

Mr Peachum

Robert Burt

Mrs Peachum / Diana Trapes

Beverley Klein

Polly Peachum

Kate Batter

Macheath

Benjamin Purkiss

Lockit

Kraig Thornber

Lucy Lockit

Olivia Brereton

Jenny Diver

Lyndsey Gardiner

Filch / Manuel

Sean Lopeman

Matt

Gavin Wilkinson

Jack / Gardien de prison

Taite-Elliot Drew

Robin

Wayne Fitzsimmons

Harry

Dominic Owen

Molly

Natasha Leaver

Betty

Emily Dunn

Suky

Louise Dalton

Dolly

Jocelyn Prah

Les Arts Florissants

Direction musicale et clavecin (en alternance)

William Christie

Opéra de Genève, jeudi 4 octobre 2018, 19h30

Après Carmen le mois dernier, c’est avec The Beggar’s Opera que le Grand Théâtre de Genève poursuit sa saison lyrique 2018/2019 dans le cadre provisoire de l’Opéra des Nations. Le choix peut surprendre, tant l’œuvre, souvent présentée comme une comédie musicale avant la lettre, tient plus du théâtre que de l’opéra, avec ses dialogues parlés qui occupent la plus grande partie du temps de la représentation.

S’agit-il de L’Opéra du Gueux, tel que l’avaient conçu John Gay et Johann Christoph Pepusch pour la création londonienne de 1728 ? Oui et non.

Non, parce que le personnage du Gueux, auteur de l’opéra dans la mise en abyme proposée par la version originale, a disparu de cette réécriture des textes et de cette relecture en tous points réjouissante des situations : exit donc le prologue entre le Gueux et l’Acteur, exit l’accord arraché par ce dernier au Gueux pour modifier la fin tragique en issue heureuse. Dans la révision opérée par Ian Burton et Robert Carsen, le personnage du sans-abri allongé sur la scène dans un sac de couchage, avant le début du spectacle, devant un amoncellement de cartons, peut apparaître comme la réminiscence lointaine d’une figure qui ici ne conçoit plus l’argument mais s’en trouve d’emblée exclue.

Non encore, parce que les airs chantés ne peuvent plus prétendre faire écho à des œuvres lyriques contemporaines ni à des formes populaires bien connues – sauf peut-être les variations à partir de Greensleeves to a ground – perdant ainsi de leur dimension parodique et de leur intention de rupture.

Non enfin, parce que les progrès techniques de la communication et de la diffusion de l’information font que l’opéra ne peut plus être le lieu de la révélation des scandales sociaux, économiques et politiques, et qu’il est en outre devenu l’un des derniers endroits où l’on puisse encore « choquer le bourgeois ».

Et pourtant, l’œuvre, nommée dans le programme de salle, dans une manière de savoureux jeu de mots, « Opéra des gueux », fait mouche. Robert Carsen et Ian Burton ressuscitent l’esprit facétieux battant en brèche l’idée traditionnelle que l’on se fait – ou plus exactement tous les clichés – d’une représentation d’opéra.


The Beggar’s Opera, Genève 2018 © Patrick Berger 

Alors, oui, cette comédie (en partie) musicale, burlesque, bouffonne, rejoint bien une partie des intentions de John Gay pour son Opéra du Gueux, relues à la lumière de ses reprises et imitations, au premier rang desquelles Die Dreigroschenoper (L’Opéra de quat’sous) de Bertolt Brecht et Kurt Weill. C’est d’ailleurs à une confusion avec ce remake de 1928 que l’on doit le passage erroné, dans la traduction du titre, du singulier au pluriel dans la désignation des gueux, puisque le Peachum allemand règne sur les mendiants alors que le Peachum original est le patron des délinquants et criminels.

Oui encore, les chanteurs sont d’excellents acteurs, danseurs et acrobates, dont les prouesses physiques, rappelant la comédie musicale américaine, participent pleinement du mélange des genres voulu dès l’origine de l’œuvre. Nos confrères Guillaume Saintagne et Yvan Beuvard, décrivant en avril et en août 2018 la même mise en scène et se prononçant sur une distribution identique, ont dit tout le bien qu’ils en pensaient. Nous partageons entièrement leur avis, confirmé à Genève par l’enthousiasme du public, notamment pour le rôle de Filch tenu par Sean Lopemann, pour la bande de ses comparses bondissants, ainsi que pour les quatre prostituées remarquablement campées.

Oui également, le parti-pris de William Christie, dirigeant de son clavecin neuf instrumentistes des Arts florissants en les intégrant au propos par leur présence sur scène et leurs signes extérieurs d’appartenance au monde de la pègre (ou de la zone), fonctionne parfaitement, en créant un dispositif supplémentaire de décalage et d’amusement, sans préjudice d’un message social. L’émotion alterne avec le rire, le son des instruments anciens contraste avec le vacarme de la scène, les cris, les sauts, les piétinements, les alarmes et les sirènes.

Oui enfin, l’on rit ou l’on sourit parce que la scène tend un miroir déformant au public en pointant la vulgarité du langage et de la pensée matérialistes, l’abus des textos et des selfies, les clichés ordinaires du Café du Commerce et la faiblesse humaine, l’absurdité du monde et les errances des responsables politiques – parce que Robert Burt (Mr Peachum) est un merveilleux diseur et Beverley Klein irrésistible de gouaille et de contorsions grotesques en Mrs Peachum ou en Diana Trapes. Oui, mais chantent-ils vraiment ? Force est de reconnaître que non. Ils déploient l’un et l’autre une virtuosité d’élocution proprement étourdissante et des registres impressionnants. Beverley Klein est capable d’émettre des graves abyssaux, mais la voix semble souvent dérailler et la justesse n’est pas au rendez-vous. Sans doute n’est-ce pas ce que l’on attend en premier lieu dans ce répertoire. Si Benjamin Purkiss campe un séduisant Macheath à la voix agréable, et convainc pleinement dans cet emploi, la projection et la puissance vocale ne semblent pas à la mesure des promesses affichées. À l’inverse, le Lockit de Kraig Thornber, plus sonore, à la voix davantage projetée, ne cherche pas à être lyrique. Mais les deux figures les moins corrompues a priori dans ce contexte font l’objet d’un traitement différent : Kate Batter est une Polly émouvante, à la voix bien projetée et harmonieusement nuancée, tandis qu’Olivia Brereton prête à Lucy une diction parfaite, une voix claire et souple, puissante et tendre à la fois. Le finale est également l’occasion de rappeler, par des ensembles très maîtrisés, que ce Beggar’s Opera mérite aussi, même si ce n’est qu’en partie, à côté des éloges que suscitent les autres arts du spectacle qu’il met en scène, l’appellation générique exprimée dans son titre.

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Ecrit par John Gay sur une musique de Johann Christoph Pepusch

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Nouvelle conception musicale par William Christie

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Mise en scène

Robert Carsen

Dramaturgie

Ian Burton

Scénographie

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Costumes

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