Présenté en compétition à la Mostra de Venise, Maria a divisé la critique. Alors que le film est attendu sur les écrans français le 12 février 2025, Forum Opera a souhaité en savoir plus. Angelina Jolie semble y briller de mille feux sous les traits de « la Divina ».
Vous en aviez rêvé, Pablo Larrain l’a fait. Enfin un nouveau film autour de la Callas et qui plus est interprété par l’américaine Angelina Jolie. Très attendu, ce film biographique qui s’annonce très personnel a malgré tout divisé la critique lors de sa présentation officielle à la Mostra de Venise où le film concourait pour le Lion d’Or.
Pour Les Inrockuptibles, le film est tout simplement « une croute, une catastrophe ». Le Monde de son côté évoque un film « sans brio » tandis que Le Figaro qualifie le long-métrage de « convenu et qui sonne faux ». Quant à Télérama, l’hebdomadaire trouve le film « plombé… par la musique ».
Côté anglo-saxon, la presse semble plus nuancée. le Hollywood Reporter compare le film a « un joyau scintillant dans une vitrine de verre, qui invite à regarder mais ne pas toucher ». Variety de son côté évoque « une fiction somptueuse mais trop fataliste ». Enfin, le critique de The Guardian a été si conquis qu’il espérait « que le film ne se termine tout simplement jamais ». Malgré ces premiers retours entre chaud et froid, tous se mettent d’accord pour qualifier l’interprétation d’Angelina Jolie de magistrale, qui ne manquera pas de marquer les esprits. Il n’en fallait pas davantage pour aiguiser notre curiosité.
Il faut dire que l’actrice américaine s’est préparée pendant plus de six mois pour endosser le rôle de Maria Callas, jusqu’à apprendre à parler et chanter comme elle pour coller au plus près de son personnage. Même Alain Lanceron, Président de Warner Classics et Erato, qui a assisté à la présentation du film à Venise a été subjugué par l’actrice américaine. « Angelina Jolie s’est plongée à corps perdu pour délivrer une performance inouïe dont les fans de la Callas ne pourront qu’être touchés en plein cœur », nous a-t-il confié. « Il ne s’agit pas d’un biopic en tant que tel mais d’une vision très personnelle et désespérée des derniers jours de la Callas. Le propos du film ne cherche en rien à expliquer ce que la chanteuse a apporté à l’opéra et ne se consacre pas à ses grandes années. Des flash-back ponctuent malgré tout le film mais pour davantage souligner la noirceur de la fin de sa vie, sa solitude et son désespoir. Un vrai biopic sur la vie et l’art de la Callas reste à faire, mais cette proposition si marquante et si poignante de Pablo Larrain est une expérience unique », souligne-t-il.
Il faut dire que la dernière fiction consacrée à la Divina remonte à 2002 avec Callas forever de Franco Zeffirelli qui n’est pas franchement resté dans les annales. « Maria Callas est décédé en 1977 et nous avons eu jusqu’à ce jour qu’un seul film de fiction », rappelle Alain Lanceron. « Beaucoup de projets ont tenté de voir le jour mais aucun ne s’est concrétisé, comme si toucher à la personnalité de la Callas était une malédiction. Même Luc Besson s’y est essayé avant d’abandonner le projet à la fin des années 90 alors que Milla Jovovich devait interpréter le rôle principal », rappelle Alain Lanceron. Penelope Cruz, Anne Hathaway, Noomie Rapace, Eva Mendes, Eva Green… la liste des actrices qui ont toutes rêvées un jour d’interpréter cette légende de l’opéra est longue. Autre projet de longue date qui n’a jamais vu le jour : l’adaptation de la pièce de théâtre de Terrence McNally, Master-class : Maria Callas, la leçon de chant, déjà interprétée sur les planches par Faye Dunaway, Meryl Streep ou encore Fanny Ardant à Paris dans une mise en scène de Roman Polanski. La dernière actrice en date à avoir évoqué la Callas au théâtre fut Monica Bellucci pour une série de lecture de ses lettres et ses mémoires. Jusqu’à l’arrivée d’Angeline Jolie dans le film si personnel de Pablo Larrain.
Tournée essentiellement en studio, le film Maria s’est appuyé sur de nombreux témoignages et photos de l’époque pour reconstituer le plus fidèlement possible son appartement de la rue George Mandel à Paris où elle passa ses derniers jours. « Le film aborde plusieurs thèses avérées ou non qui ne manqueront pas de faire réagir les passionnés d’opéra », ajoute Alain Lanceron. A-t-elle cherché ou non à se suicider ? A-t-elle été livrée par sa mère à des hommes lors de son adolescence en Grèce ? Aurait-elle voulu avorter de son enfant conçu avec Onassis ? Autant de questions qui demeurent aujourd’hui sans réponse mais qui sont toutefois évoquées dans le film. »
Le biopic semble donc reposer en grande partie sur les épaules d’Angelina Jolie qui s’est plongée corps et âme dans la peau de Maria Callas. Dans une récente interview pour le site IndieWire.com, l’actrice américaine est revenue sur son rapport à l’opéra et sa préparation aussi bien physique que vocale : « La découverte de la Callas a transformé ma vie (…) J’espère que la plupart des gens, quelle que soit leur relation avec le film, vont la découvrir, le ressentir et essayer de chanter de l’opéra. J’y suis bien arrivé… » Pour cela, Angelina Jolie a eu recours à une préparation bien spécifique comme l’explique Pablo Larrain : « Angelina a eu plusieurs formateurs. Le premier s’est concentré sur la posture, la respiration et l’accent, c’est-à-dire la capacité à chanter correctement, principalement en italien. Le second concernait le chant lui-même au niveau de la justesse et de la hauteur de la voix. (…) Angelina devait porter une oreillette sur le plateau et chanter à voix haute. Et il n’y avait aucun autre son que sa voix. (…) Chaque son qui sortait a été enregistré, jusqu’au moindre petit souffle. On entend donc la Callas bien évidemment, mais aussi Angelina Jolie, parfois à 5%, parfois à 50% et parfois à 70%. »
Pour avoir une idée plus précise de ce qu’il nous attend au cinéma, nous ne saurions que trop vous recommander de découvrir les derniers films de Pablo Larrain, cinéaste du clair-obscur obsédé par la solitude et les angoisses de ses protagonistes. Maria marque ainsi la fin d’une trilogie déjà amorcée avec deux biographies déjà très personnelles, tout d’abord autour de Jacky Kennedy interprétée par Natalie Portman (Jacky, 2016), puis de Lady Di jouée par Kristen Stewart (Spencer, 2021). Reste à savoir si le film trahit vraiment la vie de la Callas ou non ? Peut-être qu’une partie de la réponse est à trouver dans une autre interview de Pablo Larrain sur le site Variety où il se justifier d’aimer la Callas par dessus tout : « Ce film célèbre sa vie et sa musique. Sa destinée fut sa tragédie. Mais il y réside justement tant de beautés. Regardez-la. Regardez le monde qu’elle a créé. Il y a quelque chose d’irrationnel et d’invisible à propos de l’opéra. Ce genre de film est l’exemple même de l’artisanat où nous devons nous rendre invisible. »
Rendez-vous dans les salles du cinéma à partir du 12 février 2025 pour vous faire votre propre opinion.
