L’année 2022 fut-elle plus baroque que les précédentes ? Avec quatre lauréats sur sept, avantage semble avoir été donné à cette période musicale au cours d’une compétition acharnée qui témoigne de l’incroyable vitalité de l’art lyrique aujourd’hui, et de la non moindre ardeur de ses amateurs à défendre leur(s) champion(s). Ces trophées ont plus que jamais été ceux de nos lecteurs dont la mobilisation sur les réseaux sociaux aura occasionné des duels serrés, parfois tranchés dans les dernières heures du vote.
Artiste lyrique : Stéphane Degout (27,5%)
Il y a bien sûr l’immense tradition des barytons français qui, même sans concordance des répertoires, d’Ernest Blanc à Gabriel Bacquier, marque l’histoire du chant. Stéphane Degout est de cette étoffe, mais c’est son intégrité et son engagement qui en font l’une des figures les plus importantes de l’opéra. Le baroque (français, italien), Bach, les créations, la mélodie, le Lied, Mozart, Pelléas : c’est ce sans-faute, cette exemplarité que couronnent nos lecteurs.
- Lise Davidsen (18,1%)
- Marina Rebeka (13,4%)
- Sondra Radvanosvsky (20,1%)
- Elza van den Heever (20,8%)
Etoile montante : Bruno De Sá (29%)
Découvert par Max Emanuel Cenčić et Philippe Jaroussky, le sopraniste Bruno de Sà a conquis le monde baroque en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Technique solide, aigus stratosphériques, intensité : les mots se bousculent pour décrire un phénomène vocal dont 2022 a accompli au disque, en récital et sur scène la promesse de l’aube.
- Paul-Antoine Bénos-Djian (10,6%)
- Adriana González (14,8%)
- Jonathan Tetelman (13,8%)
- Marina Viotti (27,9%)
Production : Vinci : Alessandro nell’Indie – Bayreuth (36,9%)
Dix ans après la mémorable résurrection d’Artaserse (1730) à l’Opéra de Lorraine, le Bayreuth Baroque Opera Festival exhume l’autre grand triomphe de Leonardo Vinci : Alessandro nell’Indie. Et c’est un nouveau succès ! Dans la mise en scène luxuriante de Max-Emanuel Cenčić, quelques-uns de nos meilleurs falsettistes placés sous la direction de Martyna Pastuszka conjuguent le geste théâtral avec de purs moments d’ivresse belcantiste. « Un spectacle haut en couleurs et plutôt sportif, volontiers facétieux, voire potache ou leste, mais sans lourdeur ni extrapolation gratuite, et qui porte indéniablement la griffe Cenčić. »
- Braunfels, Die Vögel – Strasbourg (12,5%)
- Cherubini : Médée – New York (13,7%)
- Janáček : Kát’a Kabanová – Salzbourg (8,1%)
- Offenbach : La Périchole – Paris, TCE (28,9%)
Création : Leroux : L’annonce faite à Marie – Nantes, Rennes (32,7%)
Dans une mise en scène de Célie Pauthe en congruence avec la partition vertigineuse de Philippe Leroux, L’Annonce faite à Marie est de ces œuvres armées pour élargir le répertoire du XXIe siècle. Le traitement savant des voix conjugué à l’inventivité d’une musique où l’acoustique dialogue avec l’électronique se placent au service d’un texte puissant pour donner vie à un « opéra de parole », conformément au vœu de Claudel.
- García Alarcòn : La Passione di Gesù – Ambronay (29,2%)
- Henderickx : The Convert – Anvers (5,1%)
- Puts : The hours – New York (25,5%)
- Schreier : Turing – Nuremberg (7,4%)
CD, intégrale : Haendel : Theodora (Erato) (26,3%)
Boudé lors de sa création en 1750, Theodora revient sur le devant de la scène par l’effet conjugué de la scène et du disque. Enregistré à l’issue d’une tournée internationale, l’oratorio de Haendel bénéficie d’une distribution superlative – Oropesa, DiDonato, Spyres,… – vitaminée par la direction au scalpel de Maxim Emelyanychev. Une nouvelle version d’une « œuvre d’une indiscutable sublimité » avec laquelle il faudra désormais compter.
- Debussy, Pelléas et Mélisande (Harmonia Mundi) (23%)
- Meyerbeer, Robert le Diable (Bru Zane) (25,3%)
- Rameau : Achante et Céphise (Erato) (19,1%)
- Ullman : Der Kaiser von Atlantis (BR Klassik) (6,3%)
CD, autres (récital, mélodie, musique sacrée, etc.) : Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier : Insieme (Sony) (30,9%)
Le retour de l’âge d’or ? L’assertion fait débat. A défaut, Insieme se présente comme le témoignage de la complicité artistique qui unit deux des plus grands chanteurs de notre temps. En une saine émulation, Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann repoussent les limites du studio, pour offrir mieux qu’un vain étalage vocal : une formidable démonstration de théâtre à laquelle la direction d’Antonio Pappano donne la juste pulsation.
- Benjamin Bernheim : Boulevard des Italiens (DG) (22,7%)
- Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder : A room of mirrors (Gemelli Factory) (20,3%)
- Rachel Willis-Sorensen : album solo (Sony) (9,6%)
- Rossini : Messa di gloria (Erato) (16,5%)
Livre : Federico Maria Sardelli : L’Affaire Vivaldi (Van Dieren) (24,7%)
Avec pour sujet l’incroyable redécouverte, il y a un siècle, de l’étonnante et riche collection de manuscrits de Vivaldi, Federico Maria Sardelli nous entraîne dans de folles aventures rigoureusement documentées. « Parler de musique avec des mots, c’est comme parler de nourriture : on ne peut la comprendre sans y avoir goûté ». Fin gastronome musical, l’auteur, éminent vivaldien, a réussi l’exploit d’écrire un ouvrage savant qui se déguste comme un roman.
- Lionel Esparza : En avant la musique ! Stravinsky (Equateurs – France Musique) (14,7%)
- Hervé Lacombe : Histoire de l’opéra français – De la Belle Epoque au monde globalisé (Fayard) (23,5%)
- Olivier Rouvière : Les opéras de Haendel (Van Dieren) (14,3%)
- André Tubeuf : Schubert, l’ami Franz (Actes Sud) (22,7%)
Enfin, hors catégorie dans la mesure où le support est en perte de vitesse, le DVD Le Lied. Histoire d’un voyage (raconté par André Tubeuf) chez BelAir Classiques reçoit un trophée d’honneur décerné par la rédaction de Forum Opéra.