(5questions)
[ Janvier
2006 ]
Index de
la rubrique
|
Daniela Barcellona
En Arsace au Liceu de Barcelone
Pourriez-vous nous rappeler
quelle a été votre formation ?
J’ai toujours chanté ; quand j’étais enfant, je chantais par plaisir, par jeu …
certaines voix entendues à la radio me faisaient pleurer. A l’école, je faisais
partie du chœur, je chantais à l’église. J’aimais aussi beaucoup la danse et
j’ai suivi des cours de danse classique. Adolescente, à la fois par jeu et par
curiosité, parce que beaucoup me disaient « pourquoi n’essaies-tu pas de chanter
», et aussi pour me mesurer à d’autres dans la confrontation, je me suis
inscrite à des concours de chant pour amateurs. Et puis j’ai rencontré
Alessandro et avec lui j’ai commencé à travailler sérieusement, je veux dire à
étudier des opéras, parce que jusque là je me contentais d’étudier quelques
airs. Et petit à petit c’est devenu un vrai métier. Et depuis c’est une étude
incessante. Tout change sans cesse : nous, notre corps, notre voix, la vie, la
façon de penser, le mode de vie ; c’est pourquoi il faut étudier sans cesse,
sans jamais croire que l’on est arrivé . C’est dire l’importance pour moi de
vivre avec Alessandro.
Qui est Alessandro ?
Alessandro Vitiello, mon mari et mon professeur. Nous nous sommes
rencontrés un peu par hasard, nous nous connaissions de vue car
il accompagnait de nombreux chanteurs dans des académies, ce qui
lui avait donné une expérience très étendue
sur les voix, techniquement et musicalement. Nous avons eu
d’abord une relation de maître à élève
et puis nous nous sommes mariés. Il est à la fois
pianiste et chef d’orchestre. Je me fie entièrement
à lui pour étudier mes rôles, préparer les
cadences, les variations et pour apprécier mes prestations, sur
le plan technique et musical. Dans le métier difficile qui est
le mien, celui du milieu théâtral où souvent les
relations humaines sont rendues difficiles par le stress, le travail
avec des personnes que l’on ne connaît pas bien, dont on ne
partage pas forcément les vues, c’est vraiment une chance
immense de vivre avec quelqu’un qui connaît cela de
l’intérieur et qui vous comprend aussitôt quand vous
rentrez fatiguée à la maison. C’est pour moi une
association très heureuse sur le plan personnel et professionnel
: il m’écoute depuis la loge pendant que je suis en
scène et je sais aussitôt après ce qui allait, ce
qui peut être amélioré, c’est très
réconfortant et très stimulant. Grâce à lui
j’ai une mise à jour technique continuelle. C’est
idéal !
Vous chantez Faliero à Pesaro, comment êtes-vous devenue belcantiste ?
Au début, personne n’y croyait, on me disait que ma voix
était trop lourde. Mais le premier opéra que j’ai
étudié était L’Italiana in Algeri ;
j’avais beaucoup de mal car je n’avais pas
d’agilité naturelle. J’ai travaillé six mois
pour l’acquérir, ainsi que sur le souffle, pour parvenir
à un résultat décent. En tout cas j’avais du
plaisir à chanter Rossini . En 1995 j’ai participé
à l’Académie Rossinienne à Pesaro et
après une audition, le maestro Gelmetti m’a invitée
à chanter le Stabat Mater à Rome. Il m’affirmait
que je devais persévérer, continuer à chanter
Rossini, et il m’a fait travailler en m’engageant dans
Cenerentola, puis Barbiere, puis Semiramide (Arsace) évidemment
dans les secondes distributions , si bien que j’ai pu
m’approprier tranquillement ce répertoire, sans être
trop exposée, et je m’y suis trouvée de plus en
plus à l’aise. Une fois surmontées les
difficultés techniques j’ai pu dans les personnages
trouver des choses à exprimer, pour libérer des
émotions intérieures, et j’espère les
communiquer, les faire ressentir…J’y trouve beaucoup de
satisfaction et je voudrais continuer à chanter Rossini le plus
longtemps possible.
En Rinaldo à Milan
Cette prudence dans vos débuts, la conseilleriez-vous ?
Oui , évidemment .C’est une chose essentielle que de ne pas brûler les étapes.
Je peux comprendre l’ambition , la tentation d’accepter un grand rôle. Mais pour
construire quelque chose qui dure il faut faire des fondations solides ; monter
lentement , marche après marche, c’est assurer son ascension. Apprendre son
métier patiemment, se faire remarquer par son sérieux, sa volonté, son
engagement, voilà qui me semble fondamental, et c’est possible même dans un
petit rôle. C’est une erreur que de vouloir commencer en haut de l’affiche. Si
l’on ne sait pas résister aux offres de ceux qui cherchent à vous utiliser pour
créer la sensation de la nouveauté on court de grands risques. A 22 ans, on m’a
offert Lady Macbeth . J’ai dit non. Une carrière se fait autant, sinon plus, en
refusant qu’en acceptant.
Pourriez-vous nous parler de vos projets ?
Essentiellement axés sur Rossini , avec un projet que le Maestro Zedda portera à
bien en 2006 avec en forme de concert Adélaide de Borgogna ici à Pesaro, puis,
je ne sais quand, le Calbo de Maometto secondo,puis Matilde di Shabran , enfin,
toujours Rossini et le plus longtemps possible . Même si beaucoup me disent tu
verras, toi aussi tu abandonneras pour chanter Verdi , je crois que j’aborderai
Verdi sans renoncer à Rossini… En fait, j’aime particulièrement la musique
baroque et je serais heureuse si des propositions m’étaient faites dans ce sens.
Propos recueillis par Maurice Salles
|
...
|