Récemment
nommé à la Direction musicale de l’Opéra
national de Nancy et de Lorraine, le chef d’orchestre Paolo Olmi
a aimablement accepté, à l’attention de Forum
Opéra, une série d’entretiens d’où
ressortent la personnalité d’un musicien, ses conceptions,
et les raisons de son choix de venir sous un ciel lorrain si souvent
laiteux…
« Nancy ?… cielo romantico ! »
Ainsi
s’exclamait le sympathique ténor Pietro Ballo, artiste
aussi raffiné que modeste, lorsque nous lui demandions, à
l’issue d’émouvantes représentations de Caterina Cornaro au Teatro Donizetti de Bergame, s’il se souvenait de cette Ville lorraine où il avait été Rodolfo (La Bohème).
Face à notre stupeur, Pietro Ballo s’expliqua. La Sicile
où il eut la chance de naître, présente toujours un
ciel d’un bleu intense, tandis qu’il découvrit
à Nancy, des ciels si habités et changeants, avec tant de
jeux de nuages et d‘éclairages aux rayons tombant en
oblique, que ce ciel, à la fois tourmenté et
poétique, se résume en un mot pour l’Artiste :
romantique !
Précisément sous ce ciel qu’il connaît depuis
plusieurs années déjà, le Maestro Olmi s’est
vu proposer par la Cité ducale un port d’attache,
qu’il a accepté avec enthousiasme.
Qui est-il ?
S’il
a vu le jour en cette Terre d’Ombrie qui vit naître Saint
François d’Assise, Paolo Olmi a des racines dans les
Marches, région voisine riche en compositeurs, Rossini en
tête. Il fait ses études dans une troisième
région, l’Emilie-Romagne, au Conservatoire de Bologne,
où passèrent Rossini et Donizetti, et réside le
plus souvent à Ravenne. Lancé très jeune dans la
direction d’orchestre, il devient vite un chef
« international », apprécié de
Munich à Vienne, Berlin et Dresde, de Lyon (où il
réalise une fort belle édition de Le Nozze di Figaro
qui devient un Dvd) et Paris à Londres, comme de Madrid et
Barcelone à Chicago ou Buenos Aires, mais également en
des lieux plus inattendus en matière d’opéra, comme
la Chine, l’Albanie, le Kossovo… L’un de ses titres
de fierté, ou plutôt d’émotion, étant
un fameux concert dirigé en présence de Sa
Sainteté le Pape Jean-Paul II qui fêtait sa
vingtième année de pontificat. Ses répertoires
sont très variés, dans le symphonique, le lyrique et la
musique sacrée, qu’il apprécie
particulièrement de diriger.
En
ce qui concerne le lyrique, outre Mozart, il visite en profondeur
l’âge d’or de l’Opéra italien, en
partant de Rossini et du Romantisme de Donizetti et Bellini, passe par
toutes les époques de Verdi, et même par cette
période moins connue où oeuvrait Ponchielli, pour aboutir
à la « Jeune Ecole » de Puccini,
Giordano…
Comment sent-il la musique ?
Répondant
à une question précise à propos de la
« mode » actuelle de diriger vite pour « faire dramatique »,
le Maestro Olmi, révèle que, selon lui, le phrasé
est à la base de tout. Il doit toujours être
respecté, favorisé : et si un tempo est parfois plus
« serré » (comprendre : rapide), il
doit toujours permettre au phrasé de se déployer. Certes,
une oeuvre musicale n’est pas comme un tableau de peinture,
réalisé une fois pour toutes,
si l’on peut dire, et la partition doit, en quelque sorte
être à chaque fois
« recréée ». Avec ce que cette
idée sous-entend de liberté
« surveillée », pour ainsi dire, et que le
Maestro résume par ces verbes :
« respecter-interpréter ».
Le
secret du travail du chef se trouve en cette opération
délicate, et le Maestro va user d’une belle
métaphore pour nous l’expliquer : le chef
d’orchestre n’a pas la prétention de renouveler la
musique qu’il fait exécuter, il est
« l’avocat de confiance du compositeur ».
Ainsi, le chef « dépassera » donc la
technique musicale et se plongera – lorsqu’ils existent -
dans les lettres ou documents conservant les précieuses
consignes des compositeurs aux interprètes de leur époque.
Enfin,
il fallait poser une question quelque peu
« bateau », mais élémentaire et
humaine pour l’Artiste : le ou les compositeurs
préférés du Maestro ?
Sa réponse ne connaît aucune recherche ni
hésitation : Mozart et Verdi. En eux il trouve, ensemble,
et de manière idéale, Musique et Théâtre.
Une
illustration est-elle nécessaire ?… probablement
pas, mais comment résister à partager avec le lecteur ce
soupçon d’émotion, passant délicatement dans
le regard du Maestro (et sur l’entretien !), lorsqu’il
nous décrit la magie verdienne d’un morceau
commençant pourtant simplement, l’air de Macbeth
« Pietà, rispetto, amore », et atteignant
néanmoins une saisissante plénitude dans
l’expression.
Le choix de la Capitale des Ducs de Lorraine
Un
élément déterminant est le fait que, comme son nom
l’indique, l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
assume les deux genres de saison musicale. Le Maestro tient à
rappeler, avec émotion car l’orchestre fut dissout, que sa
formation se fit également en tant que chef symphonique,
auprès de l’Orchestre de la RAI de Rome. Selon lui,
« Ces deux répertoires
s’entraident », sont complémentaires, forment
et satisfont le public qui en redemande !
D’autre part, les conditions de travail, à
l’Opéra de Nancy, l’ont séduit et il raconte
notamment comme il fut touché de découvrir que les
instrumentistes, au lieu d’attendre les premières
répétitions de Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, avaient déjà travaillé, de leur côté, cette difficile partition.
Quant à l’Opéra de Nancy, c’est d’abord
un joyau alliant les styles XVIIIe et l’art déco, serti,
de plus, dans l’écrin somptueux de la Place
Stanislas !
Il présente d’autre part, une fosse d’orchestre qui
a d’abord intrigué le Maestro, en cela qu’elle se
prolonge sous la scène… Il se révéla
ensuite enchanté de découvrir quelle
« fusion » harmonieuse cette disposition
permettait pour l’opéra qui est chant et symphonie. En
somme, et pour nous permettre une remarque personnelle, la fosse
d‘orchestre de l’Opéra de Nancy vérifie
l’expression italienne consacrée pour décrire cet
endroit, le « Golfo mistico » (golfe
mystique). Du reste, le Maestro Olmi résume ainsi sa perception
musicale technique de la salle, en une expression qu’il
n’est besoin de traduire : « L’acustica
è un paradiso ! ».
Le Maestro Olmi a trouvé en l’Opéra de Nancy, selon
ses termes (qu’il n’est toujours pas besoin de
traduire) : « un Teatro amico », lui
permettant, et cela lui tient à cœur,
« d’essayer des choses nouvelles, des choses encore
jamais dirigées dans [s]a vie. »
Cette conception cadre d’ailleurs tout à fait avec celle
de la grande Maison lyrique de Lorraine qui depuis longtemps
« sort » du répertoire, et avec bonheur.
Le Maestro, qui parle un fort bon français, confie qu’il
apprécie beaucoup cette langue, pourtant non facile à
chanter avec ces « e » muets également mis
en musique par les compositeurs ! ou ces
« nasales » épouvantables.
Déjà « à l’oreille »,
selon son expression, le français lui plaît… et le
Maestro d’expliquer avec conviction mais aussi persuasion, que
tel ou tel passage des Vêpres siciliennes ou de Don Carlos,
sont si bien mis en musique, unissant sonorité de la parole et
son musical, que la traduction italienne faite
« par-dessus » la musique est impropre à
dépasser… Dans ses projets, du reste, le Maestro caresse
l’idée de donner des opéras peu courants et,
s’ils ne sont pas français, possédant un lien
particulier avec la culture française. A ce propos, un
magnifique exemple nous est fourni par un ouvrage prévu la
saison prochaine, l’époustouflant Andrea Chénier,
dans lequel le compositeur Umberto Giordano, outre son propre
génie, traite musicalement des musiques aussi ancrées
dans l’esprit français que La Carmagnole, le Ah !
ça ira, ça ira ! et même La Marseillaise.
L’autre opéra que le Maestro Olmi dirigera dans la saison
possède aussi un lien avec la France, littéraire cette
fois, puisqu’il s’agit de Il Barbiere di Siviglia.
Dans le cadre de la saison de l’Orchestre symphonique et lyrique
de Nancy, le Maestro conduira quatre des neuf concerts
prévus : Rossini - Elgar - Respighi, Glinka - E.Tanguy -
Tchaïkovski, Weber - R.Strauss - Beethoven, un concert Mozart, et
en conclusion de la Saison, la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi.
Un rêve personnel… si le Maestro nous permet de le
dévoiler ?… Porter sa connaissance de
l’allemand au même degré que celle du
français, puis diriger alors le Lohengrin de Richard Wagner.
Dans un esprit de gratitude envers le Maestro Olmi, qui a
partagé son amour de la Musique avec Forum Opéra, et pour
lui souhaiter aussi de belles satisfactions, l’expression
s’impose d’elle-même : Tous nos vœux
d’heureuses saisons, au pluriel !
Propos recueillis
par Yonel Buldrini
Mai 2007
En savoir plus.. voir le site de l'agence De Matteis
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