......
|
PARIS
25/03/2006
© DR CE Bidard
TROIS VALSES
Opérette en trois actes d'Oscar Straus
Musiques de Johann Strauss père, Johann Strauss fils et Oscar Straus
Livret de Léopold Marchand et Albert Willemetz
d’après Knepler et Robinson
Créée en allemand à Zürich le 5 octobre 1935
puis en français à la Monnaie de Bruxelles le 20 novembre 1936
Nouvelle version à Paris au Théâtre des Bouffes Parisiens en 1937
Direction musicale : Didier Benetti
Mise en scène : Jean-Louis Grinda
Assisté de : Didier Vincent
Chorégraphie : Eric Belaud
Avec la participation de Barry Collins
Décors : Dominique Pichou
Costumes : Danièle Barraud
Lumières : Jacques Châtelet
Fanny / Yvette / Irène Grandpré : Laurence Janot
Octave / Philippe / Gérard de Chalencey : Jean-Baptiste Marcenac
Céleste / Mademoiselle Castelli /
Miss Raphaëlson / Madame Beltramini : Carole Clin
La douairière de Chalencey / Madame Jules : Jeanne-Marie Lévy
Brunner père (Acte I) / Brunner Fils (Acte II & III) : Jacques Duparc
Brunner fils (Acte I) / le journaliste /
le photographe : Fabrice Todaro
Saint-Prix / Dulaurier / l'assistant : Philippe Ermelier
Cyprien de Chalencey / le pompier /
le machiniste : Jean-Marie Sevolker
Le Colonel de Chalencey / l'amant / le barman : Patrick Vilet
Le Maréchal de Chalencey / le directeur /
le producteur : André Jobin
Sosthène de Chalencey / le compositeur /
l'acteur : Antoine Normand
Le Président / l'auteur /
le metteur en scène : Jean-Philippe Corre
Coproduction Opéra d’Avignon
et des Pays de Vaucluse, Opéra Royal de Wallonie
Paris, Opéra-Comique, avant-première du 15 mars 2006
Dernière représentation le 9 avril
|
COMME UN DOUX PARFUM DE NOSTALGIE…
Qui n’a jamais fredonné ou entendu fredonner un jour
« C’est la saison d’amour », « Je
t’aime, quand même », « Je ne suis pas ce que
l’on pense » ? Incontestablement, cette opérette
appartient à notre imaginaire, à notre mémoire,
voire à notre patrimoine et ce, en grande partie, grâce
à celle qui en fut l’interprète quasiment
idéale, à savoir la délicieuse Yvonne Printemps,
dont Francis Poulenc disait : « Elle transfigure tout ce
qu’elle touche ».
Mais on oublie aisément qu’Oscar Straus, né
à Vienne en 1870, entama une carrière de chef
d’orchestre qui lui permit de côtoyer Arnold Schönberg
et surtout d’être l’assistant de Gustav Mahler
à Hambourg.
Il a composé un nombre non négligeable d’opérettes, comme Rêve de Valse, La Teresina, Mariette (créée également par Yvonne Printemps), La dernière valse, The chocolate soldier et « Die Lustige Niebelungen » (1904), savoureuse parodie « à la Offenbach » de la Tétralogie
de Richard Wagner. Si l’on ajoute qu’il écrivit
aussi les musiques des films La Ronde et Madame de…, deux
chefs-d’oeuvre absolus de Max Ophüls, on comprendra bien
vite que, loin d’être un compositeur mineur, Oscar Straus
méritait que Trois valses,
après près d’un demi-siècle d’absence,
soit enfin de nouveau à l’affiche à Paris.
Contraint de fuir l’Allemagne nazie, Oscar Straus se
réfugia tout d’abord en Suisse, où sera
créé Die drei Waltzer
(1935), puis en France pour la version française de cette
œuvre spécialement adaptée pour Yvonne Printemps
(1937). Naturalisé français en 1938, il émigrera
en 1940 aux Etats-Unis, où, vivant entre New York et Hollywood,
il composera de nouveaux airs pour la version filmée de The chocolate soldier. C’est dans cette ville qu’il apprendra la mort de sa femme et de son fils en déportation.
Le spectacle présenté actuellement Salle Favart
n’est pas la version d’origine simplement traduite en
français, mais celle remaniée par Albert Willemetz sur
mesure pour celle que tous appelaient « le Printemps » et
Poulenc « la divine Yvette », ainsi que pour son
comédien de mari, Pierre Fresnay . « Si l’on
enlève au ténor tous ses airs et qu’on les reporte
sur le rôle féminin, cela deviendra une comédie
musicale où Fresnay aura sa part » dira Willemetz lors
d’une entrevue avec Marcel Archard. Cette nouvelle version aura
d’ailleurs l’accord d’Oscar Straus lui-même,
alors en route pour l’Amérique, et il faut noter au
passage que l’air très « jazzy » du
troisième acte, « Je ne suis pas ce que l’on pense
», a été écrit pour Yvonne, en une
journée, par le compositeur.
L’œuvre obtint un tel succès qu’elle fut
donnée pendant plus d’un an aux Bouffes parisiens,
qu’une version cinématographique en fut tirée (avec
les mêmes, bien sûr,) avant une reprise à la
Michodière. Outre des tournées en province, elle fut
aussi remontée en 1952 et 1959 à Paris, à la
Gaîté Lyrique, avec une autre légendaire «
divette », Suzy Delair, et même jouée à
Broadway !
La version française est assez différente de
l’original allemand, chaque acte étant situé
à l’époque des trois grandes expositions
parisiennes : 1867 (La valse de l’adieu), 1900 (La valse
interrompue) et 1937 (la valse du destin). Chacun est
caractérisé, sous forme de pastiche, par un style musical
qui lui est propre : assez « offenbachien » avec ses
ensembles et duos bouffes pour le premier, très «
caf’conc » avec ses chansons et épisodes
dansés pour le deuxième. Quant au troisième, avec
ses « fox-trot », il se réfère de
manière explicite au monde du cinéma, lequel allait
prendre alors une place prépondérante, surtout avec
l’avènement du parlant.
Qu’en est-il donc aujourd’hui de cette œuvre mythique
? Il faut bien avouer qu’on passe un fort bon moment à
l’Opéra Comique. La direction musicale est fine et
enlevée, la mise en scène inventive, avec une très
jolie idée finale (que nous ne dévoilerons pas, afin de
garder intact l’effet de surprise pour les futurs spectateurs) et
surtout au premier acte, une hilarante parodie du ballet La Sylphide
mâtinée de « Chopiniana ». Les costumes sont
charmants, les décors astucieux, et toute la troupe de chanteurs
acteurs pleine d’allant et d’abattage. Tout au plus peut-on
regretter que cette version « spéciale Printemps/Fresnay
» aboutisse fréquemment à un spectacle assez
bavard, où la partie musicale se voit réduite à la
portion congrue. C’est d’autant plus frustrant que les airs
langoureux de la prima donna
sont superbes, que les duos (les deux Brunner) et les ensembles (le
conseil de famille) très réussis dans le genre comique.
Si l’on veut pinailler, on pourra dire encore qu’un
orchestre mieux fourni eût été plus « sensuel
», qu’il est dommage d’abréger au II« Je
t’aime, quand même », un « must » absolu
et surtout de le faire chanter par Yvette depuis les coulisses…
Par contre, le bal de chez Maxim’s est très réussi,
ainsi que la mémorable « scène de la
synchronisation » au III, qui n’est pas sans faire penser
à un autre film mythique, Chantons sous la pluie.
Toute la distribution, jusqu’aux plus petits rôles,
mérite des éloges, avec une mention spéciale pour
Jeanne-Marie Lévy (La douairière de Chalencey, Madame
Jules), Jacques Duparc (Brunner père et fils) et le
vétéran André Jobin, toujours fringant.
Quant à Laurence Janot et Jean-Baptiste Marcenac, sans avoir
tout à fait le charme et ni la verve de
l’irremplaçable Yvette et de son élégant
mari, ils se tirent plutôt bien de l’exercice acrobatique
et vertigineux qui consiste à incarner trois
générations de divas pour l’une, de
séducteurs pour l’autre. Janot, surtout, réussit la
prouesse de chanter son air d’entrée « C’est
la saison d’amour » sur pointes ! Cette artiste qui fit
partie du corps de ballet de l’Opéra de Paris pendant plus
de dix ans joue aussi bien la comédie qu’elle chante,
même si sa voix, plutôt légère, manque
parfois un peu de corps dans le bas médium.
Mais ces quelques réserves ne sont que broutilles par rapport au
plaisir que l’on prend à déguster cette musique
délicieuse. Si bien que l’on sort de la salle Favart le
cœur chamboulé par ce qui ressemble à du bonheur,
agrémenté d’une pointe de nostalgie, et que
l’on se surprend, dans la rue, à chanter soudain «
Je t’aime, quand même… ».
|
|