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PARIS
12/02/2006
© Marie-Noëlle Robert
Richard WAGNER (1813 - 1883)
DIE GÖTTERDÄMMERUNG
Troisième journée en un prologue et trois actes
Livret de Richard Wagner
Mise en scène, scénographie et lumières : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Lumières : Kenneth L. Schutz
Siegfried : Nikolaj Andrej Schukoff
Gunther : Dietrich Henschel
Hagen : Kurt Rydl
Alberich : Sergei Leiferkus
Brünnhilde : Linda Watson
Gutrune : Christine Goerke
Waltraute : Mihoko Fujimura
1ère Norne : Qiu Lin Zhang
2ème Norne, Wellgunde : Daniela Denschlag
3ème Norne, Woglinde : Marisol Montalvo
Flosshilde : Annette Jahns
Christoph Eschenbach : direction musicale
Orchestre de Paris
Chœurs du Théâtre du Châtelet
Coproduction Théâtre du Châtelet
Opéra de Zurich et Orchestre de Paris
Paris, Théâtre du Châtelet,
le 12 février 2006, 15 heures
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Adieu les dieux !
Voilà, c’est fini ; les dieux n’ont plus
soif ; le Walhalla est consumé, maigre brasier
représenté par deux trois flammes dans un aquarium
suspendu. Et passée la satisfaction d’avoir assisté
à un cycle complet de La Tétralogie, l’occasion
n’est pas si fréquente, force est de constater que
l’impression reste mitigée.
Bob Wilson en est la première et principale raison. Son
système ne parvient pas à saisir toutes les dimensions de
l’épopée wagnérienne. Convaincant quand il
s’agit de décrire le monde onirique des dieux et des
héros, il échoue dès que l’histoire aborde
des rivages plus humains. Die Götterdämmerung en offre le
meilleur exemple. Le tableau des Nornes, créatures
végétales comme engluées dans les fils du temps,
est une réussite incontestable malgré
l’incapacité vocale de Marisol Montalvo à
prédire l’avenir. A l’inverse, les scènes
entre Gibichungen, privées de mouvement, s’enlisent.
C’est que l’œuvre, dernière du cycle, fut la
première écrite. Par son livret, elle s’affranchit
moins que les précédentes des conventions de
l’opéra et s’appuie sur des serments, des philtres,
des conjurations, autant d’éléments traditionnels
qui demandent un autre traitement que la répétition
mécanique de gestes saccadés et l’utilisation
magnifique des éclairages. L’immolation de
Brünnhilde, confidentielle plutôt que spectaculaire,
dépourvue de dramatisme, achève de décevoir.
Et pourtant Linda Watson n’a jamais paru aussi vaillante. La voix
retrouve son assise, les aigus frappent juste, qualités
impensables à l’écoute de la seule Die Walküre
en octobre dernier, sans toutefois atteindre l’intensité
exigée mais sans que les nuances du chant, déjà
appréciées dans Siegfried, en pâtissent.
Son partenaire, Nikolaj Andrej Schukoff, n’affiche pas le
même héroïsme. Par son format vocal, il évoque
plus Tamino que le heldentenor, fort et endurant. L’ampleur du
rôle le dépasse et les notes s’étranglent
parfois. Mais l’absence de bravoure se traduit par une certaine
clarté et, physiquement, par une allure d’une
étonnante jeunesse. Rarement Siegfried aura semblé aussi
séduisant, élégant, féminin presque. Le
couple qu’il forme avec le Gunther de Dietrich Henschel, gabarit
tout aussi modeste mais noble et longiligne silhouette, en devient
troublant. Leur déclaration d’amitié se teinte
d’une couleur inhabituelle. Pour un peu, le secret de Brokeback
Mountain deviendrait celui de la colline de Bayreuth.
Et ce n’est pas Hagen qui viendra contrarier leur entente. Kurt
Rydl, annoncé souffrant avant le lever du rideau puis une
deuxième fois après l’entracte, ne peut donner sa
pleine dimension au fils d’Alberich.
Restent Mihoko Fujimura, Waltraute après Fricka, mais toujours
aussi superbe de ton, de ligne et de projection et la belle
interprétation de Christine Goerke, qui parvient,
l’exploit n’est pas mince, à caractériser
l’ingrate Gutrune.
Enfin, pas d’anneau sans baguette. A défaut
d’être magique, celle de Christoph Eschenbach conduit
à bon port un Orchestre de Paris réconcilié. Sa
direction s’alanguit parfois (le début de l’acte I)
ou, au contraire, s’enfle et s’emporte à
l’excès (les interludes symphoniques) mais, atout majeur
tout au long du prologue et des trois journées, il maintient
l’équilibre entre la fosse et la scène.
Le récit s’achève mais l’histoire n’est
pas terminée. Les adulateurs de Richard Wagner prendront soin de
ne pas quitter Paris trop vite. L’auditorium du Louvre annonce du
23 février au 20 mars une manifestation entièrement
consacrée au maître de Bayreuth dont le programme),
musique filmée, colloque, lectures, concerts, ne manquera pas de
combler leur féroce appétit. Les boulimiques fileront
ensuite à Cologne avaler en deux jours, les premier et deux
avril, les quatre œuvres du cycle, dirigées par Markus
Stenz et mises en scène par Robert Carsen. Un coup
d’œil sur la galerie de photos
de cette production se révèle assez instructif. A
l’opposé de la vision de Bob Wilson, elle prouve, si il en
est besoin, que La Tétralogie
se prête à un nombre infini
d’interprétations. Celle du Châtelet, quelles que
soient ses qualités, n’emporte pas la
préférence.
Christophe Rizoud
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