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GENEVE
14/04/2007
© GTG - Isabelle Meister
Richard Strauss (1864 – 1949)
Ariane à Naxos
Opéra en un prologue et un acte de Richard Strauss (1916)
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Mise en scène Christof Loy
Reprise de la mise en scène Justin Way
Décors et costumes Herbert Murauer
Lumières Jennifer Tipton
Chorégraphie Beate Vollack
Le Majordome Wolfgang Barta
Le Maître de musique Eike Wilm Schulte
Le Compositeur Katarina Karneus
Le Ténor / Bacchus Stefan Vinke
Le Maître à danser Olivier Ringelhahn
Zerbinetta Jane Archibald
La Prima Donna / Ariane Nina Stemme
Naïade Henrike Jacob
Dryade Isabelle Henriquez
Echo Klara Ek
Arlequin Brett Polegato
Scaramouche Alexandre Kravets
Truffaldino Martin Snell
Brighella Bernard Richter
Le Perruquier Nicolas Carré
L’officier Lyonel Grélaz
Un laquais Phillip Casperd
Orchestre de la Suisse Romande
Direction musicale, Jeffrey Tate
Production du Royal Opera House Covent Garden
Grand Théâtre, Genève, le 14 avril 2007 à 20h
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Nina Stemme met le feu au lac
« Ariane était morte et la voici ramenée
à la vie » écrivait Hugo von Hofmannsthal
à Richard Strauss en 1916. Cette résurrection,
Genève la doit aujourd’hui à Nina Stemme dont
l’interprétation du rôle d’Ariane
s’impose avec une magnifique évidence, par la voix plus
que par le physique d’ailleurs. Sa Prima Donna, réduite
à peu de répliques, passe presque inaperçue durant
le prologue. Mais ensuite…
La commotion survient dès la première note dans le
premier acte, quand la plainte d’Ariane abandonnée
transperce le bavardage des trois nymphes - Henrike Jacob, Isabelle
Henriquez et Klara Ek qui, en comparaison, paraissent soudain
étriquées – et accroche l’oreille pour ne
plus la lâcher.
Le son surprend d’abord par son ampleur puis par la façon
naturelle dont il se développe, d’un extrême
à l’autre de la tessiture tout en conservant sa force de
projection, le grave puissant, le médium immédiat,
l’aigu radieux. Ariane, ainsi incarnée, ne descend jamais
de son socle ; elle garde dans ses élans les plus ardents un
drapé de marbre. Redevient-elle alors humaine à la fin,
si tant est que la musique le lui permette ? Non mais c’est
sans importance car la splendeur vocale suffit à
l’émotion.
Le duo final, souvent critiqué à cause de sa longueur et
de ses boursouflures, trouve même une nouvelle flamme.
D’autant plus que Stefan Vinke, bouillonnant Siegfried il y a un
mois à Cologne, parvient
vaillamment à surmonter les tensions impossibles de
l’écriture musicale. Mieux encore, il offre à
Bacchus la clarté du timbre et l’enthousiasme un peu fou
de la jeunesse. Heureusement car une Ariane de cette dimension aurait
pu s’abîmer dans des bras moins héroïques.
Ainsi accompagnée, elle flamboie au contraire d’une
lumière magique sans pour autant consumer son partenaire.
Jane Archibald, en revanche, pâtit d’un tel
éclairage. Trop timide encore pour s’imposer, sa jolie
silhouette ne compense pas l’absence de sex-appeal. La
virtuosité, seule provocante, vient à bout des
coloratures au point de déclencher une salve
d’applaudissement avant la fin de son air ; et pourtant sa
Zerbinette ne pétille pas assez ; il lui manque la
fantaisie, tout comme, dans le même esprit, l’extravagance
de ses quatre acolytes semble un peu forcée. A défaut de
ton et de couleurs, l’Arlequin solide de Brett Polegato ne laisse
pas indifférent.
Auparavant, le prologue a permis d’apprécier une autre
voix grave, celle d’Eike Wilm Schulte, maître de musique
empreint de noblesse, à la figure quasi paternelle et dont la
relation avec Le Compositeur se teinte d’une troublante
humanité. C’est par ce biais que Katarina Karneus convainc
car la voix peine sinon à traduire la fougue du personnage. Le
rôle, écrit pour soprano, exige une autre épaisseur
dans l’aigu.
Il demande aussi une autre fièvre dans la direction de
l’orchestre ; Jeffrey Tate tisse sa toile sonore en prenant
soin de détacher chaque fil au point parfois d’en
assécher la matière et de manquer de volupté. A
travers cette lecture chambriste, la musique de Richard Strauss gagne
en science ce qu’elle perd en sensualité.
La production de Christof Loy, reprise à Genève par
Justin Way, amuse au départ par la manière astucieuse
dont elle place les deux mondes dans le cadre de scène, celui
des maîtres en haut et des valets en dessous. Transposée
à l’époque de la création de
l’opéra, esthétisante par son esprit, viennois,
elle oublie hélas de faire le lien entre le prologue et le
premier acte tant au niveau des costumes que des décors. Ainsi
disjointe, la composition hétérogène d’Ariane à Naxos
transparaît et le propos, purement illustratif, tombe à
plat comme si l’inspiration du metteur en scène
s’était tarie entre les deux parties.
Qu’importe ! L’attention à ce moment
s’est déjà focalisée sur un autre point,
celui qu’illumine la voix de Nina Stemme, à la fois
brûlante et glacée et qui, par là même, donne
tout son sens à l’expression locale : le feu au lac.
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