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COMPIEGNE
04/11/2006
© J. M. Berthélémy
Daniel-François-Esprit Auber
FRA DIAVOLO
Opéra-comique en trois actes
Livret d’Eugène Scribe
Direction artistique et mise en scène : Pierre Jourdan
Direction musicale : Michel Swierczewski
Scénographie et costumes : Jean-Pierre Capeyron
Lumières : Thierry Alexandre
Fra Diavolo : Philippe Do
Zerlina : Isabelle Philippe
Lady Pamela : Anne-Sophie Schmidt
Milord : Franck Cassard
Lorenzo : Mathias Vidal
Matteo : Paul Médioni
Beppo : Lionel Muzin
Giacomo : Sébastien Lemoine
Francesco : Pierre Vandendriessche
(rôle parlé, et encore pas beaucoup)
Co-production avec l’Opéra-Théâtre de Metz
Théâtre Impérial de Compiègne
12 Novembre 2006
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RÉSURRECTION RÉUSSIE
Chef d’œuvre de l’opéra-comique, le
« Fra Diavolo » de Daniel François Esprit
Auber est sans doute l’œuvre la plus réussie de ce
compositeur dans le genre léger. Jouée plus de 900 fois
à Paris, l’ouvrage a vite fait le tour du monde,
adapté dans toutes les langues. Témoin de ce
succès international, une discographie éclectique
où deux versions françaises côtoient deux versions
en langue allemande, deux autres en italien (dont une édition
musicologique au Festival de Martina Franca) et même un
enregistrement en russe ! Sans oublier la savoureuse adaptation
musicale anglaise d’Hal Roach où les inénarrables
Stan Laurel et Oliver Hardy incarnent Beppo et Matteo.
A l’origine de ce triomphe, une partition pétillante et
constamment inspirée alliée à un livret diablement
bien ficelé. Mais cet esprit français très
« second empire » est depuis passé un peu
de mode et le public français a paru depuis goûter les
farces plus consistantes. L’oeuvre n’avait plus
été donnée en France depuis la production
strasbourgeoise de 1979 et l’unique version studio moderne
remonte à 1984, réunissant des chanteurs sympathiques
mais fatigués dans une édition très amputée
(1).
Ayant consacré de multiples efforts à la redécouverte d’Auber (2),
il fallait bien s’attendre à ce que le
Théâtre Français de la Musique nous offre enfin ce
merveilleux ouvrage et c’est désormais chose faite
grâce au talent de l’inépuisable Pierre Jourdan.
L’œuvre est particulièrement exigeante
techniquement, en particulier pour les ténors modernes qui
n’utilisent plus le registre de tête pour
l’extrême aigu. La distribution réunie par Pierre
Jourdan est donc un authentique miracle tant il y a peu à dire
sur l’adéquation de celle-ci aux difficultés de la
partition.
A tout seigneur tout honneur. Philippe Do, que nous avions découvert
ici même dans l’étonnant ange Ituriel amoureux
d’une mortelle confirme les espoirs que nous fondons en lui. Les
vocalises sont fluides, le suraigu vaillant, les différents
registres particulièrement bien
homogénéisés : de ce point de vue, sa
terrible scène « J’ai revu nos
amis » est d’une maîtrise rare, renvoyant aux
oubliettes (et ce n’est pas rien !) des pointures telles que
Nicolai Gedda ou Dano Raffanti pour ne citer que des interprètes
récents. Ajoutons à cela, la jeunesse qui sied au
personnage et nous obtenons un brigand proche de l’idéal.
© J. M. Berthélémy
L’autre
triomphatrice de la soirée est Isabelle Philippe, autre
habituée des lieux, d’autant que le rôle,
initialement un peu court, est augmenté de sa tarentelle
virtuose tirée du « Secret » et
insérée par Auber lui-même … dans la version
italienne de l’ouvrage. Une initiative d’autant plus
heureuse que le soprano semble s’y jouer de toutes les
difficultés, couronnant piani, roulades et vocalises par un
somptueux suraigu. Que ne voit-on plus souvent cette belle artiste sur
les scènes dites « nationales » !
Moins spectaculaire mais d’une tessiture également
très tendue, le rôle du capitaine Lorenzo est
magnifiquement rendu par Mathias Vidal (lui aussi découvert dans
« Noé »), jeune ténor au timbre
chaleureux et à la voix superbement conduite.
Troisième ténor de la distribution, Franck Cassard campe
un Milord blasé irrésistible, particulièrement
bien chantant dans un rôle où la charge comique
l’emporte parfois sur les exigences musicales.
La basse Paul Médioni et le quatrième ténor Lionel
Muzin interprètent la paire de brigands peu doués
complices de Fra Diavolo, avec un humour savoureux et, surtout, sans
oublier de bien chanter. Du très beau travail.
Le Théâtre Impérial de Compiègne est
réputé pour son acoustique exceptionnellement favorable
aux voix, d’autant que la fosse d’orchestre y est
particulièrement profonde et même partiellement couverte.
Autant dire que pour sonoriser un chanteur, il faut vraiment le
vouloir. C’est chose faite avec la Lady Pamela
d’Anne-Sophie Schmidt, bardée d’électronique
comme un gadget de James Bond mais maîtrisant mal les techniques
modernes : les premières notes font saturer les enceintes
(la chanteuse est en coulisse avec son partenaire Franck Cassard :
la différence est saisissante) et la voix est plus ou moins
amplifiée suivant que celle-ci tourne la tête d’un
côté ou de l’autre. Cette sonorisation
désastreuse déséquilibre particulièrement
les duos et ensembles d’autant que le son ne provient pas de la
même direction que celui de ses partenaires et que le timbre
« sonne » amplifié au milieu des voix
naturelles. On s’explique d’autant moins cet appareillage
que l’artiste ne semble pas particulièrement en
difficulté ; tout juste regrettera-t-on un vibrato parfois
mal contrôlé et des problèmes de soutien dans le
médium : sans doute la tessiture est-elle trop grave pour
les moyens de la chanteuse. Dommage collatéral, cette initiative
malheureuse vient jeter le discrédit et le doute sur
l’ensemble de la troupe et, à l’entracte, certains
s’interrogeaient même sur qui n’était pas
sonorisé !
Peu nombreux, les chœurs sont néanmoins sans faiblesse,
affichant des voix saines et d’une belle musicalité.
L’excellent orchestre de Metz est tenu de main de maître
par Michel Swierczewski, habitué de ce compositeur. Si on peut
comprendre les quelques coupures dans les chœurs initiaux, on
regrettera néanmoins un charcutage de l’ouverture et la
coupure de la reprise du premier final. Fallait-il nous priver de bonne
musique pour gagner quelques minutes ? On se félicitera en
revanche du rétablissement de certains passages habituellement
omis … et on pardonnera tout pour l’insertion de la
tarentelle de Zerline.
Pour cette résurrection, Pierre Jourdan a choisi, comme pour
« Dinorah » une lecture très respectueuse
de l’ouvrage. Les décors et les costumes sont superbes,
d’un kitch assumé et la direction d’acteurs,
très fine, n’appelle que des éloges. Quand tant de
metteurs en scène modernes choisissent d’émailler
leurs productions de gags plus épais les uns que les autres (et
même pour les opéras tragiques), Pierre Jourdan manie un
humour léger, sans jamais appuyer sur les effets, en total
adéquation avec l’esprit de l’ouvrage. Très
ému aux saluts, Pierre Jourdan est apparu fatigué :
tous nos vœux accompagnent cet ardent défenseur d’un
patrimoine injustement oublié. Puisse son combat trouver enfin
sa récompense dans la renaissance de ce répertoire.
Car, osons le dire, interprété dans ces conditions,
« Fra Diavolo » vaut bien le « Barbier
de Séville ». Pourquoi nous en priver ?
Placido CARREROTTI
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(1) Gedda, Mesplé, Trempont, Bastin, Berbié, Corazza et
le jeune Thierry Dran, sous la direction de Marc Soustrot..
(2) Ont été donnés à
Compiègne : « Gustave III »,
« Les Diamants de la Couronne », « Le
Domino Noir » et « Haydée »
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