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NEW YORK
17/03/2007
Peter Matteï © DR
Gioacchino ROSSINI
IL BARBIERE DI SIVIGLIA
Figaro : Peter Mattei
Rosina : Joyce DiDonato
Count Almaviva : Juan Diego Flórez
Dr. Bartolo : John Del Carlo
Don Basilio : John Relyea
Berta : Claudia Waite
Fiorello : Brian Davis
Sergent : Mark Schowalter
Ambrogio : Rob Besserer
Production : Bartlett Sher
Décors : Michael Yeargan
Costumes : Catherine Zuber
Lumières : Christopher Akerlind
Orchestre et Choeurs du Metropolitan Opera de New-York
Direction : Maurizio Benini
New-York, Metropolitan Opera
17 Mars 2007
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PERFECTION
Avec cette création, la nouvelle équipe dirigeante du
Metropolitan Opera confirme ses ambitions en matière de
rajeunissement de l’approche scénique de
l’institution.
Alors que la scène new-yorkaise sait à l’occasion
jouer la carte de la modernité pour le théâtre, le
ballet ou encore la comédie musicale, les productions lyriques
sortent rarement d’une certaine convention. Quelques tentatives
de modernisation ont pu être observées lors des saisons
précédentes, mais elles ne visaient le plus souvent que
des spectacles en marge du répertoire traditionnel de
l’institution (La Juive de Günter Krämer voire Les Lombards de Mark Lamos, …) et non le très grand public (Eugène Onéguine de Robert Carsen, Lohengrin de Bob Wilson, …).
Ici, c’est à un des piliers de la maison que s’attaque l’équipe de Bartlett Sher. Avec Traviata, Turandot, Bohème ou Tosca, le Barbier fait
en effet partie de ces ouvrages habituellement donnés avec un
luxe de scénographie, moult décors multiples et si
possible changeant à vue, autant de fastes destinés
à séduire par leur côté spectaculaire un
public qui s’initie à l’art lyrique, mais qui
finissent par lasser au fil des reprises (la précédente
production du Barbier a tout de même été donnée 25 saisons !) : à preuve, la nième reprise de la Traviata
de Zeffirelli a eu du mal à faire le plein cette saison,
contraignant la direction du Met à faire appel à Angela
Gheorghiu (pour une unique représentation) afin de redonner un
peu de retentissement à cette nouvelle série.
John Del Carlo, Juan Diego Florez, Rob Besserer © DR
Bartlett Sher est avant tout un homme de théâtre mais,
à l’inverse de pas mal de confrères qui se cassent
les dents en se tournant vers l’art lyrique sans en avoir
intégré toutes les conventions, le metteur en
scène américain sait apporter un regard neuf et
respectueux à la fois sur le chef-d’œuvre de
Rossini. Ici, pas de gags faciles qui viendraient alourdir le
propos : c’est sur les situations et le jeu des acteurs en
regard de celles-ci que se porte le travail de Sher, chaque
scène étant poussée jusqu’au bout de ses
possibilités théâtrales.
Dans le même esprit de légèreté,
Michael Yergan a conçu un décor d’une grande
simplicité, composé de portes réarrangées
à mesure des scènes, d’une carriole (tirée
par un âne aidé des nombreuses amoureuses de Figaro) pour
le « bazar » du barbier, de quelques orangers
pour rappeler Séville, d’un praticable qui permet aux
chanteurs de faire le tour de la fosse d’orchestre … et
c’est tout ! Les éclairages puissants et
colorés de Christopher Akerlind viennent achever de nous
persuader que nous sommes dans une Séville ensoleillée.
Juan Diego Florez © DR
Le plateau vocal est au diapason du plateau scénique : brillantissime !
Dans le rôle titre, Peter Mattei laisse exploser son charisme et
sa masculinité : ce Figaro est bien davantage
séducteur qu’apothicaire e on imagine sans peine les
remèdes qu’il concocte aux jeunes femmes
alitées ! Revers de cette exubérance vocale, la
ligne pourrait être davantage soignée mais on pardonnera
quelques imprécisions devant ce tourbillon musical et
scénique.
Juan Diego Florez prouve une fois de plus qu’il est le meilleur
rossinien de sa génération ; visiblement
libéré, le ténor péruvien se livre à
une incroyable démonstration de bel canto, multipliant trilles,
roulades, suraigus et variations dès son entrée pour
conclure par un exceptionnel « Cessa di più
resistere » salué par une incroyable ovation.
Scéniquement, le chanteur est également moins
emprunté qu’en d’autres occasions, campant un
Almaviva aristocratique, déterminé mais digne, au
physique charmeur.
Succédant à Diana Damrau qui inaugura cette série
avec la version « soprano » du rôle, Joyce
Di Donato est exceptionnelle de musicalité et de
légèreté dans la version
« mezzo » originale, mais avec un timbre et un
ambitus plutôt sopranisants. Déployant également
des fastes belcantistes incroyables (1)
notamment dans le registre aigu, la cantatrice américaine est
une Rosine d’une grande finesse qui n’oublie pas la
noblesse de ses origines. Ce qu’on perd en vis comica, on le
gagne ainsi en élégance.
Le vétéran John Del Carlo est digne des meilleures basses
bouffes italiennes ; quant à John Relya, pour une fois bien
distribué, c’est un Don Basilio de très bonne
facture de même que la Berta de Claudia Waite qui a droit
à son air intégral.
Maurizio Benini anime son monde avec vivacité, soucieux de ne
pas mettre en péril des chanteurs lancés dans de
périlleux exploits vocaux tout en conservant le rythme
effréné de cette folle journée : une
réussite totale.
Placido CARREROTTI
1.
Des fastes dont le public de l’Opéra-Bastille furent
privés lors des représentations de ce même Barbier
à Paris avec Joyce Di Donato : comme quoi une jeune
découverte ne vaudra jamais un artiste à maturité.
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