C O N C E R T S 
 
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PARIS

09/11/02

Récital Cecilia Bartoli

Christoph Willibald Gluck
Il Parnasso confuso
"Di questa cetra in seno"

La Clemenza di Tito
Ouverture
"Se mai sento spirar sul volto"

La semiramide riconosciuta
Ouverture

Antigono
"Berenice che fai ?"

Johan Christian Bach
Astarte,Re di Tiro
Ouverture

Christoph Willibald Gluck
Ezio
"Misera dove son !"

Carl Philipp Emmanuel Bach
Symphonie en Si mineur Wq 182 no 5

Christoph Willibald Gluck
Ezio
"Quel chiaro rio"
 

Cecilia Bartoli
Orchestra of the age of enlightenment
Alison Bury, premier violon 

Théâtre des Champs-Elysées,
le 9 novembre 2002


Grazie Cecilia !

Cecilia Bartoli allait-elle manquer, cette saison, son rendez-vous désormais traditionnel avec le public parisien après tant d'années de fidélité ? On pouvait le craindre au printemps dernier puisqu'elle n'était annoncée nulle part. Soudain, à la fin de l'été, la bonne nouvelle éclate : elle se produira au Théâtre des Champs-Elysées le 9 novembre.

Souriante, radieuse, vêtue d'une élégante robe rouge sombre, la cantatrice, visiblement mincie, fait son entrée sur la scène devant une salle comble qui lui réserve un accueil chaleureux. Le programme, on ne peut plus judicieux, est tout entier centré sur des extraits d'opéras italiens du jeune Gluck, qui alternent avec des pages symphoniques de deux fils de Bach. De toute évidence, en n'inscrivant qu'un seul air à "cocottes" à la fin de son concert, la diva romaine a voulu privilégier ses qualités d'interprète et prouver qu'elle n'est pas seulement une "machine à faire des vocalises" comme le prétendent certains fâcheux.

 Ainsi, le récital s'ouvre sur le délicat "Di questa cetra in seno" tout en nuances, chanté avec une tendresse infinie dans la voix et un art consommé des demi-teintes troublantes de sensualité. Suivent deux passages de La Clémence de Titus, dont l'air "Se mai sento spirar" que le compositeur réutilisera, sur d 'autres paroles, dans Iphigénie en Tauride. La chanteuse en livre une lecture poignante, supérieure encore à celle de son enregistrement en studio. Les accents déchirants qu'elle confère aux mots "son questi gli estremi sospiri" suffiraient à rendre vaine toute tentative de se mesurer à elle dans cette page magnifique.

La première partie s'achève avec la grande scène "Berenice, che fai ?" tirée de l'opéra Antigono où se manifestent les angoisses de l'héroïne dont l'amant court à sa perte. Dès le récitatif, déclamé avec une autorité désespérée, tout est dit. Aucun affect du personnage n'échappe à la sagacité de la cantatrice : son timbre se fait rêveur et éthéré pour exprimer l'amour indéfectible ("Non partir, bel idol mio") avant que la douleur n'éclate dans la section suivante de l'air ("Perche non m'uccidete ") dont les larges sauts évoquent une inexorable descente dans les affres du tourment. Un triomphe. (On le sait, ce texte de Métastase inspirera par la suite à Haydn une cantate célèbre dans laquelle s'est illustrée Janet Baker et que Cecilia Bartoli a mise également à son répertoire.)

Après l'entracte, une place importante est accordée aux pages orchestrales parmi lesquelles se détache la superbe symphonie Wq 182 n°5 de CPE Bach - exact contemporain de Gluck - dans le plus pur style Sturm und Drang. Le presto final, d'une grande virtuosité, met en valeur les belles sonorités des cordes d'un Orchestra of the Age of Enlightenment des grands jours. Tout au long de la soirée, sous la férule de l'excellente Alison Bury, cet ensemble offre à Cecilia Bartoli un environnement musical digne d'elle : ah, la justesse des cors si souvent sollicités et les superbes couleurs des hautbois concertant avec la voix dans l'air de La Clémence de Titus ! On en oublie aisément les timbres rêches et les approximations des Musiche Nove qui l'accompagnaient l'an passé.

En fin de programme, l'aria "Quel chiaro rio" orné d'un feu d'artifice étourdissant de vocalises d'une précision et d'une vélocité redoutables déchaîne le délire d'une salle chauffée à blanc ! Même "Monsieur Armand" bien connu du public, s'est particulièrement distingué : non seulement il offre à la chanteuse son habituel bouquet orné de bâtonnets "magiques" mais il dispose sous ses pieds un tapis de pétales de fleurs tout en faisant jaillir d'une petite boîte une pluie de confettis et de serpentins multicolores pour la plus grande joie des spectateurs et de l'artiste !

La fête se prolonge avec quatre bis : le rare "Ombra mai fù" tiré du Serse de Bononcini, phrasé avec une noblesse de ton somptueuse - à quand une gravure en CD ? Puis deux Vivaldi, désormais familiers : "Anche il mar par che sommerga" et le piquant "Sventurata navicella" précèdent un fragment de "Son qual nave" tiré de l'Artaserse de Hasse et arrangé par Broschi à l'attention de son frère, Farinelli. Cette trilogie "navale" démontre un fois de plus l'aisance confondante de la cantatrice dans d'ébouriffantes pyrotechnies vocales évoquant la mer en furie, agrémentées d'une pointe d'humour quand le contexte le permet. "Grazie !" hurle le public. Merci, Madame Bartoli, pour votre générosité, votre simplicité, votre joie de vivre si communicative, merci pour ce concert tonique et revigorant.
  


Christian Peter
(Dominique Vincent)
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