C O N C E R T S 
 
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PARIS

20/05/03


(Vivica Genaux)
La Cenerentola

Dramma giocoso en deux actes de Gioacchino ROSSINI
Livret de Jacopo Ferretti

Mise en scène : Irina Brook
Décors : Noëlle Ginefri
Costumes : Sylvie Martin-Hyszka
Lumières : Zerlina Hughes
Chorégraphie : Cécile Bon

Angelina : Vivica Genaux 
Don Ramiro : Paul Austin Kelly
Dandini : Pietro Spagnoli 
Don Magnifico : Alessandro Corbelli 
Alidoro : Ildebrando d'Arcangelo 
Clorinda : Carla di Censo
Thisbe : Nidia Palacios

Choeur du Théâtre des Champs-Elysées
Concerto Köln

Direction musicale : Evelino Pidò

Théâtre des Champs-Elysées, le 20 mai 2003


LA POINTURE DE CENDRILLON
 

Après une Petite Renarde fort Rusée et un miraculeux Opera Seria, le Théâtre des Champs-Elysées poursuit sa brillante saison avec une hilarante Cenerentola coproduite avec le Teatro Communale de Bologne.

Premier atout de ce spectacle : les décors inventifs de Noëlle Ginefri.

Le palais de Don Magnifico est un bar de Little Italy qui a visiblement connu des jours meilleurs : machine à expresso, photos des gloires du football, et enseigne au néon à moitié connectée ... on se croirait tout à fait dans certains cafés de province italiens, n'était la présence d'un flic new-yorkais !

Celui de Don Ramiro est au contraire tout ce qu'il y a de plus "in": murs blancs, oeuvres d'art déjantées (diptyque façon Twin Towers et aspirateur emmitouflé dans un crochet cousu main).
Les costumes partagent le même délire.
La mise en scène d'Irina Brook mise à fond sur la carte de la comédie : le spectacle fourmille de gags visuels (aucun intérêt à les raconter ici, désolé !), le rôle d'Alidoro, interprété par un exceptionnel Ildebrando d'Arcangelo, étant particulièrement développé (c'est lui le flic new-yorkais, le domestique veillant sur l'aspirateur, etc.).
Le public bon enfant rit de cette invention : pour ma part, j'y mettrais deux bémols.
Le premier, c'est que Cenerentola n'est pas un opéra bouffe (1) mais un dramma giocoso : Don Magnifico, Clorinda ou Thisbe sont des personnages proprement monstrueux ; Ramiro lui-même ne pense d'abord qu'à la vengeance. C'est trahir l'ouvrage que de n'en exploiter que les ressources comiques (trahison d'autant plus pernicieuse qu'elle passe totalement inaperçue des spectateurs). Le côté dramatique est d'ailleurs doublement battu en brèche par des coupures qui taillent dans les parties émouvantes pour laisser intactes les morceaux bouffes.

Second bémol : cette avalanche d'effets comiques finit par lasser (on pense aux films des Marx Brothers qui eurent davantage de succès quand on commença à intercaler des numéros musicaux pour que les spectateurs puissent reprendre leur souffle) : d'autant que la quantité l'emporte sur la qualité (on a ainsi vu 100 fois ces choristes façon revue de Broadway, ces chorégraphies dérivées du rap, etc.).
Quand Angelina attaque son air final, j'attends un autre accompagnement que les rires gras de mes voisins sensibles à quelques effets faciles (2).

Côté chanteurs, beaucoup de bonnes surprises.

Alessandro Corbelli, habitué du rôle de Dandini (nous l'avons notamment entendu à Paris au Palais Garnier aux côtés de Joyce Di Donato), est cette fois Don Magnifico, d'un comique irrésistible et toujours aussi bien chantant (il m'a apparu notablement plus fatigué dans le récent Cosi de Garnier).

Pietro Spagnoli est au même niveau avec un abattage vocal et scénique de premier ordre, un petit côté sexy en prime (attention toutefois aux paste :on distingue des traces d'embonpoint précoce !).

Ildebrando d'Arcangelo nous avait habitué à jouer de son charme, notamment en Comte Almaviva bellâtre et hautain à Bastille : il joue ici sur un registre totalement différent de benêt de service, véritable fil rouge de la scénographie ; et inutile de dire qu'il chante toujours aussi bien !

Il est facile de dire que Paul Austin Kelly ne vaut pas Juan Diego Florez en Don Ramiro (il faut dire que le souvenir du Palais Garnier est encore récent : décembre 2002). Toute comparaison mise à part, il faut avouer que Kelly se tire plutôt bien du rôle : certes, le personnage manque d'épaisseur, d'urgence; certes les aigus ne sont guère spectaculaires et certaines vocalises peinent un peu; mais c'est quand même du bon boulot !

Mention très bien pour Clorinda et Thisbe : on en regrette d'autant plus la coupure de l'air de la soprano.

Pour finir, la belle Vivica Génaux campe une Angelina très crédible scéniquement, à l'aise dans les vocalises, mais plutôt limitée dans l'aigu. Scéniquement, la caractérisation dramatique est assez limitée avec des abus de sourires charmeurs, dignes de publicités pour dentifrices fluorés.

Moins sollicitée dans le grave suite aux coupures, la voix reste néanmoins trop légère pour ce rôle : c'est une erreur de distribution du même type qu'Andrea Rost ou Sumi Jo en Lucia, Barbara Hendricks en Gilda, etc. Avoir les notes et la technique ne fait pas la couleur d'un personnage et on est très, très, très loin d'une Lucia Valentini-Teranni. Bref ! Ce n'est pas tout à fait la bonne pointure !

Le Choeur du Théâtre des Champs-Elysées est efficace dans une partition qui lui convient et se montre scéniquement impeccable.

Reste le cas du Concerto Köln.
Au positif, je retiendrai une couleur et une espèce de sécheresse que j'ai trouvées à la fois originales et adaptées à la partition. Au passif, si les cordes sont impeccables, on ne peut pas en dire au temps des vents assez hermétiques aux difficultés d'exécution de la partition.

Dans l'optique "folle journée" de la production, la direction musicale d'Evelino Pidò m'a paru idéale : il lui manque néanmoins toute la dimension poétique que contient ce chef d'oeuvre rossinien.
  


Placido Carrerotti


(1) Le rapprochement avec le récent Opera Seria au même TCE est assez significatif : Martinoty ne cherchait pas les effets à tout prix ; résultat, après un acte I plutôt sobre, le délire allait en s'accentuant pour exploser au final ; les effets comiques étaient tout aussi délirants mais plus efficaces dans leur crescendo mécanique et irrésistible.

(2) De là à huer les responsables de la production au rideau final comme le fit une poignée de malotrus !
 

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