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NANCY
02/03/2007
Jules César - Marie-Nicole Lemieux et Cléopâtre - Ingrid Perruche
© Ville de Nancy
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Jules César en Egypte
Dramma per musica en trois actes
Livret de Niccolo Francesco Haïm d’après Giacomo Francesco Bussani
Créé le 20 février 1724 au King’s Theater Haymarket de Londres
Restitution : Clifford Bartlett
Direction musicale: Kenneth Montgomery
Mise en scène, décors, costumes – Yanni Kokkos
Dramaturgie – Anne Blancard
Mouvements chorégraphiés – Richild Springer
Lumières – Patrice Trottier
Maquillages, perruques – Céciile Kretschmar
Dramaturgie – Pierre Kuentz
Assistant direction musicale – José Miguel Esandi
Collaboration à la mise en scène – Stephan Grögler
Assistant décors – Aurélien Leriche
Assistant costumes – Christian Macé
Jules César – Marie-Nicole Lemieux
Cléopâtre – Ingrid Perruche
Cornélie – Elodie Méchain
Sextus – Stéphanie d’Oustrac
Ptolémée – Philippe Jaroussky
Achillas – Riccardo Novaro
Nireno – Artur Stefanowicz
Curio – David Szymczak
Clavecin, collaboration musicale – Yvon Repérant
Viole de gambe – Christine Plubeau
Violoncelle – Jean-Marie Quant
Théorbe, luth – Mauricio Buraglia
Danseurs
Orchestre de l'Opéra de Nancy et de Lorraine
Nouvelle production – Coproduction Théâtre de Caen,
Opéra National de Lorraine
Nancy, 2 mars 2007
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Un plateau vocal impérial
Après « les Noces de Figaro »,
c’est la seconde collaboration de la saison 2006-2007 entre
l’Opéra National de Nancy et le Théâtre de
Caen. Fortement médiatisé,
l’événement fait salle comble, car l’affiche
est alléchante : plateau vocal alignant les stars du
moment, nouvelle production avec Yannis Kokkos à la mise en
scène. Et Kenneth Montgomery à la baguette,
l’ancien chef de Glyndebourne que l’on retrouvera dans ce
site dirigeant ce même Jules César
(avec Podles, Saffer, Genaux…) à San Diego dans la mise
en scène hollywoodienne de Copley. Mais l’orchestre de
Nancy n’est pas celui de San Diego… Et si le continuo
idoine, rehaussé pour passer la fosse, tire son épingle
du jeu, il aurait fallu une autre baguette que celle du placide
Montgomery pour insufler aux nancéens le mordant, les
dynamiques, les contrastes, que requiert la partition. Montgomery
n’est pas un « baroqueux », lui en faire le
reproche serait ridicule, l’essentiel des
nécessités idiomatiques est respecté ; mais
devant cette prudente atonie, et ce délitement
systématique des fins d’arias lentes, on ne peut s’empêcher de songer au magnifique travail que fit il y a quelques années sur l’Orfeo et avec le même orchestre un Minkowski.
Cornélie - Elodie Méchain et Sextus - Stéphanie d'Oustrac
© Ville de Nancy
Reste pour satisfaire les oreilles le plateau vocal. Prise de
rôle pour Marie-Nicole Lemieux en Jules César ; si la
caractérisation masculine a quelque peine à
s’imposer tellement le personnage rayonne de
féminité (ce qui ne nuit pas, d’ailleurs, pour
camper une des facettes de ce César généreux et
amoureux), une fois la convention admise, on se laisse emporter :
par le timbre, bien sûr, mais surtout par cette conviction, cette
générosité, qui transcende une technique
affirmée bien nécessaire ici. Même si quelques
vocalises de da capo
pâtissent d’une diction parfois enrobée. La
Cléopâtre d’Ingrid Perruche est formidable :
plastiquement et vocalement idéale, certes ( avec de nombreux
changements de costumes), mais bien plus que cela, comédienne
remarquable, donnant à son rôle une belle densité,
une belle richesse d’affects. Le Piangerò la sorte mia
est un moment d’anthologie. Stéphanie d’Oustrac a
aussi quelque peine à habiter au début son travesti, mais
semble se libérer au fil de l’opéra, et assure en
tout cas vocalement des moments magnifiques. Cornelia a la difficile
tâche d’incarner le reproche constant, la
fidélité au disparu. Elodie Méchain l’assume
avec une classe et une ligne vocale remarquables. Quant au
Ptolémée de Jaroussky, tout en facilité vocale,
c’est une parfaite incarnation de quasi rock star parvenue, veule
et mégalo, un plaisir.
Ptolémée - Philippe Jaroussky
© Ville de Nancy
Yannis
Kokkos cadre tout cela dans une Egypte de pacotille années 20,
irrésistiblement évocatrice des Cigares du Pharaon.
Quelques pointes d’humour (figurants de côté comme
dans les fresques égyptiennes, bataille stylisée sur deux
escaliers), des changements à vue astucieux (à condition
de refuser de voir les machinistes…) dans un espace
délimité par des panneaux coulissants,
n’empêchent pas un sentiment d’inabouti permanent.
Les ballets deviennent souvent envahissants, Kokkos estimant
qu’il faut « réduire autant que faire se peut
la suspension » des airs, en construisant un
arrière-plan qui « nous permette de toujours montrer
une passion en action ». Certes, mais on pourrait tout
autant se pencher sur la direction d’acteurs, tous, hormis
Perruche et Jaroussky, instinctivement efficaces, semblant un peu
laissés à leurs initiatives. Cette Egypte de bande
dessinée, cette volonté de confusion des sexes qui est
presque celle des personnages eux-mêmes, gomment le drame en
affaiblissant ses protagonistes et les réduisant à
l’anecdote. Il faut tout le talent vocal et dramatique du plateau
pour gommer ce « climat léger » voulu
par Kokkos, qui nous semble bien antinomique de l’ouvrage.
Sophie ROUGHOL
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