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10/04/05
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Opéra en 5 actes de Fromental
HALEVY
Mise en scène et scénographie
: Pierre JOURDAN
Charles VI : Armand ARAPIAN
Direction musicale : Miquel ORTEGA Dimanche 10 avril 2005
[ Lire également la critique de Brigitte CORMIER ]
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C'est
dans l'excitation que nous avons assisté à la résurrection
de Charles VI, grand opéra historique en cinq actes de Fromental
Halévy, créé à l'Opéra de Paris au mois
de mars 1843 et disparu des scènes depuis un siècle. Une
fois de plus, il a fallu le courage et la passion de Pierre Jourdan pour
redonner vie à l'un des fleurons du genre musical qui fit les grandes
heures de l'Académie royale de musique, infligeant une sévère
leçon à ceux qui traitent ce répertoire avec condescendance,
voire avec mépris, sans même se donner la peine de l'écouter.
En effet, cette oeuvre de large dimension (près de quatre heures
de musique) témoigne de bout en bout d'une inspiration généreuse
et d'une réelle habileté. On s'amuse certes du patriotisme
pré-barrésien du livret et de son anglophobie forcenée,
mais on sait gré à ses auteurs de ménager nombre de
situations propices à l'expressivité du chant et de soumettre
à l'inspiration du compositeur de véritables scènes
de genre : celle de la folie du roi à l'acte 2, ou l'apparition
des spectres à l'acte 4. Conformément aux usages de l'époque,
la vérité historique est copieusement maltraitée,
mais on remarque ici, ce qui est plus inhabituel, le peu de place laissé
à l'épanouissement d'une passion amoureuse.
Ne disposant bien évidemment pas des moyens fastueux déployés par l'Opéra de Paris pour la création de l'ouvrage, Pierre Jourdan a opté pour une présentation dépouillée. En l'absence de décors et avec des costumes minimalistes, ce sont des projections de gravures qui ont la charge d'évoquer le cadre historique. Le choeur intervient de manière statique, mais les solistes sont solidement dirigés, l'action et les situations restant toujours lisibles. La solution adoptée a le mérite de nous offrir à moindre coût la possibilité de jauger le potentiel dramatique de l'ouvrage, et c'est déjà fort appréciable. Notre attention est de toute façon entièrement tournée vers la partition qui révèle une inspiration mélodique assez constante, une réelle maîtrise de l'écriture d'ensembles et quelques heureux détails d'instrumentation. La méforme vocale d'Armand Arapian ne peut nous faire oublier sa formidable composition d'un monarque livré à sa folie et qui ne trouve l'apaisement qu'auprès de la jeune Odette. Celle-ci est chantée par Anne-Sophie Schmidt qui ne possède pas les graves renommés de la créatrice Rosine Stoltz mais donne néanmoins pleine satisfaction, dans la douceur comme dans l'impétuosité. La jeune Isabelle Philippe aborde le rôle de la reine Isabeau qui culmine au contre-fa, avec une grande virtuosité et fait preuve d'une remarquable musicalité dans son grand air du deuxième acte. Quant au vaillant et très prometteur Bruno Comparetti, il s'empare avec panache de la partie du Dauphin, créée par Duprez, et domine aisément cette tessiture très tendue, émaillée de nombreuses contre-notes. Les seconds rôles sont eux aussi
globalement bien tenus, avec mention pour le baryton basse Matthieu Lécroart.
Il faut féliciter tous ces chanteurs qui se sont pleinement investis
pour cette représentation unique et ont réalisé un
travail stylistique remarquable. Nous savons gré à tous les
acteurs de cette production d'avoir respecté une partition qui le
mérite incontestablement, aussi pardonnons-nous aisément
certaines défaillances de l'orchestre, ainsi que la prononciation
parfois exotique des choeurs. L'essentiel est ailleurs : ce Charles
VI, comme le Gustave III
messin de la saison passée, démontre qu'au delà de
la
Juive et des grands opéras de Meyerbeer, ce répertoire
mérite absolument d'être exploré et promu.
Vincent DELOGE
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Lire également la critique de Brigitte CORMIER |
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