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PARIS
26/09/06
Elina Garanca & Anna Caterina Antonacci © DR
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Proserpine
opera seria en deux actes (1791)
Livret de Pietro Metastasio adapté par Caterino Mazzolà
Direction musicale : Gustav Khun
Mise en scène : Ursel et Karl-Ernst Herrmann
Décors et costumes : Karl-Ernst Herrmann
Costumes : Hervé Poeydomenge
Lumières : Karl-Ernst Herrmann et Heinz Ilsanker
Tito : Christophe Prégardien
Vittelia : Anna Caterina Antoniacci
Servilia : Ekaterina Siurina
Sesto : Elina Garanca
Annio : Hannah Esther Minutillo
Publio : Roland Bracht
Choeurs et orchestre de l'Opéra national de Paris
Préparation des choeurs : Peter Burian
Opéra National de Paris, Palais Garnier
26 septembre 2006, 19h30
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Elina superstar
Cette reprise de la production créée à Paris au
printemps 2005 tombe au moment où en sort la captation
vidéo, un spectacle précédemment commenté
dans nos pages et qui nous revient avec une distribution légèrement modifiée.
Succédant à Susan Graham, Elina Garanca est le diamant de
cette soirée. Le chant est d’une maîtrise absolue,
le timbre remarquable et la voix d’une splendide jeunesse. Mais
tout ceci passe presque au second plan face à une incarnation
d’une sensibilité extrême qui rend justice à
un personnage parfois un peu falot. Ainsi, au contraire de
l’interprétation de Susan Graham en 2005 (mais aussi de
tant d’autres), « Parto, parto »
n’apparaît plus comme un splendide air de concert mais
comme la manifestation de sentiments complexes exprimés par un
temps suspendu. C’est proprement admirable.
Anna Catarina Antonacci vaut surtout par son timbre magnifique et son
tempérament de feu qui rachètent quelques
difficultés dans l’aigu (manifestes dans la seconde
partie), les notes étant obtenues à
l’arraché au détriment de la beauté de
l’émission. A l’opposé de certaines
interprétations monolithiques ou hystériques, la
chanteuse italienne sait, elle aussi, composer un personnage complexe.
Etait-il nécessaire de réinviter Christophe
Prégardien après sa prestation mitigée de la
saison passée ? Le moins que l’on puisse dire,
c’est qu’une année de plus se fait largement sentir.
Incapable de vocaliser avec précision, émettant les sons
comme il le peut, le ténor passe ainsi d’une note à
l’autre, du mixte au fausset dans un désordre absolu et
sans souci d’homogénéisation des registres.
Confronté à un rôle dont il n’a plus les
moyens (et peut-être en mauvaise forme), ce magnifique artiste
est en pleine déroute, n’évitant pas une
série de couacs et de sons trop bas dans un « Se
all'impero » particulièrement pénible. La
caractérisation théâtrale ne rachète pas
cette piètre prestation vocale : le personnage est
excessivement sensible, confondant clémence et faiblesse.
Autres rescapés de la précédente
édition : Ekaterina Siurina est une jolie voix un peu trop
discrète ; Hannah Esther Minutillo est sympathique
d’engagement mais vite en difficulté dans ses vocalises,
le dernier air étant carrément hurlé.
Quant à Roland Bracht, ce chanteur reste pour moi un
mystère : sa voix engorgée, son chant frustre, son
jeu sommaire ne l’empêchent visiblement pas
d’être engagé, saisons après saisons,
à Paris. Vocalisant comme un routier secoué sur une route
caillouteuse, Bracht fait de « Tardi
s'avvede » un monument de comique involontaire ; on
attend avec impatience que l’Opéra de Paris monte pour lui
une version « bouffe » de Maometto. Ce ne sont
pourtant pas les jeunes chanteurs talentueux qui manquent.
Sous la baguette de Gustav Kuhn, l’orchestre est simplement
correct, le son étant bien en retrait par rapport aux phalanges
viennoise ou milanaise et la direction est plus professionnelle
qu’inspirée.
Il y a plus de 20 ans, les Herrmann ont conçu ce très
beau spectacle pour la Monnaie de Bruxelles. La production est
effectivement une réussite mais sa nouveauté ne nous
apparaît plus guère aujourd’hui. En particulier, on
se demande s’il était vraiment nécessaire de mettre
au rebut la production précédente, d’un style assez
voisin.
Une soirée qui restera néanmoins dans nos souvenirs
grâce à l’incandescent duo Garanca / Antonacci.
Placido Carrerotti
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