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RENNES
18/11/2007
© DR
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Cosi fan Tutte
Opéra-bouffe en deux actes (1790)
Livret de Lorenzo da Ponte
Mise en scène : Jean-Yves Ruf
Assistante à la mise en scène : Lucie Berelowitsch
Scénographie et costumes : Laure Pichat
Lumières : François Fauvel
Régie technique Opéra National de Paris : Jean-Pierre Ruiz
Responsable des Etudes Musicales : Jean-Marc Bouget
Pianistes-chefs de chant : Inaki Encina Oyon, Grégory Moulin
Fiordiligi : Marie-Adeline Henry
Dorabella : Anna Wall
Despina : Maria Virginia Savastano
Ferrando : Vincent Delhoume
Guglielmo : Vladimir Kapshuk
Don Alfonso : Ugo Rabec
(Jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris)
Chœur de l’Opéra de Rennes (chef des chœurs : Gildas Pungier)
Orchestre de Bretagne
Direction musicale : Anthony Hermus
Rennes, Opéra, le 18 novembre
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L'Ecole des Talents !
Dès l'ouverture, le rideau est levé. Et dès le
lever du rideau, Despina se joue des cœurs en silence, envoyant
les amants et leurs maîtresses dans des directions
opposées. De fait, tout le spectacle de Jean-Yves Ruf
est résumé. Inlassablement et irrésistiblement,
sous le contrôle de panneaux de tulle qui figurent tour à
tour des murs, des pièces, des portes ou des allées, les
4 adolescents dont il est question ne font que chercher,
hésiter, expérimenter. Et les sourires amusés de
Despina et de Don Alfonso ne doivent pas nous abuser : eux, qui se
moquent de la naïveté des deux couples, ne se rendent pas
compte qu’ils se prennent également dans les pièges
en trompe-l’œil dressés par Mozart et Da Ponte.
Alfonso a un côté étudiant en fac de philo auquel
la jeune servante n’est pas insensible. Le cynisme dont il tente
de faire preuve tout au long des deux actes est mis à rude
épreuve par l’aplomb et l’habileté de
Despina. Personne n’est montré du doigt et personne
n’est ridiculisé, dans ce spectacle désabusé
et sans complaisance. Mais, dans une perspective assez inédite,
la « partie carrée » devient
hexagonale : tout le monde est au même niveau, tout le
monde est jeune, tout le monde est amoureux.
Et tout le monde a du talent ! Dans un tel contexte
scénique, on ne pouvait rêver mieux que
« Cosi » pour nous présenter les jeunes de
l’Atelier Lyrique, et le résultat vocal
s’avère dans l’ensemble pleinement satisfaisant,
tant qu’on n’oublie pas qu’il s’agit
d’artistes n’ayant pas le métier de vedettes
internationales. A titre plus individuel, on s’aperçoit
cependant que certaines de ces belles recrues se mesurent à des
rôles qui excèdent, pour l’instant, leurs moyens
naturels. Très belle projection et medium d’une grande
richesse, Vincent Delhoume,
par exemple, n’a pas encore l’aigu ni le souffle d’un
vrai Ferrando. La tessiture n’est pas le problème de Vladimir Kapshuk,
mais là, c’est le volume qui, même dans la petite
enceinte de l’Opéra de Rennes, semble trop limité.
Pour un jeune chanteur, Don Alfonso est un pari difficile à
tenir : Ugo Rabec
relève le défi avec classe, et l’emporte haut la
main. Evidemment aidée par la mise en scène, cette basse
française propose une interprétation inhabituelle, mais
parfaitement assumée, et au bout du compte très
appréciable !
Mais ce sont surtout les femmes qui ont convaincu, ce soir :
présence truculente et voix mordorée, la Despina de Maria
Virginia Savastano a tôt fait de remporter
l’adhésion. La Dorabella entreprenante et sensuelle que
nous offre la voix saine d’Anna Wall n’est pas en reste. Et
armée de son timbre lumineux (quoiqu’ un peu blanc, sans
doute) Marie-Adeline Henry
affronte Fiordiligi. « Come scoglio » est
époustouflant, « Per pieta » montrera du
doigt le manque de fermeté des registres extrêmes, mais
l’engagement et le courage de la jeune soprano bordelaise force
le respect.
Dans la fosse aussi, c’est le triomphe de la jeunesse : Anthony Hermus
ne peut pas faire de miracles, les cordes de l’Orchestre de
Bretagne restent plutôt sèches. Mais les pupitres des bois
sont subtilement fruités, et le jeune chef allemand insuffle
à l’ensemble une réelle cohésion, et un bel
enthousiasme. Il tient par ailleurs le clavecin, et se
révèle un « récitativiste »
très inventif !
Il serait un peu puéril de lancer des paris sur l’avenir
médiatique de ces jeunes artistes : seront-ils des stars du
chant demain ? Peut-être… mais l’essentiel est
ailleurs ! Pendant une semaine à l’Opéra de
Rennes, deux distributions en alternance se sont frottées
à des rôles difficiles, avec quelques scories, mais
surtout avec un succès indéniable. L’esprit de
groupe a parfois pris le pas sur les individualités, mais
« Cosi » ne demande pas autre chose : une
troupe motivée, et la promesse de quelques beaux fruits !
Si, pour reprendre les termes de son directeur Christian Schirm,
« L’Atelier Lyrique est un programme d’insertion
professionnelle destiné aux jeunes chanteurs », son
objectif a été brillamment atteint ! *
Clément TAILLIA
Note
(*)
séances de rattrapage du 18 ou 23 décembre prochain
à la MC93 de Bobigny, mais sans l’orchestre : pour
l’occasion, Didier Puntos (à qui l’on doit une
fameuse adaptation de « l’Enfant et les Sortilèges ») aura remanié la partition pour piano et quatuor à cordes.
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