C O N C E R T S 
 
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PARIS
22/09/05
Evelino Pidò 
© DR
ROBERTO DEVEREUX

Gaetano Donizetti (1797-1848)

Opéra en trois actes (1837)
Livret de Salvatore Cammarano
d'après Elisabeth d'Angleterre de Jacques-François Ancelot

Elisabetta : Maria Pia Piscitelli
Lord Duc de Nottingham: Laurent Naouri
Sara : Enkelejda Shkosa
Roberto Devereux: Stefano Secco
Lord Cecil: Bruno Lazaretti
Sir Gualtiero Raleigh Enrico Turco

Orchestre et Choeurs de l'Opéra de Lyon

Théâtre des Champs-Elysées
Jeudi 22 septembre 2005

Lire également la critique des représentations à Lyon

Entendre Roberto Devereux à Paris est déjà en soi un événement, tant il est vrai que les oeuvres du Maître de Bergame, Lucia et L'Elisir exceptés, semblent peu prisées par les directeurs de maisons d'opéras de la capitale. 
Créé à Naples en 1837 avec grand succès, l'ouvrage est rapidement repris dans les principales villes italiennes avant d'être monté un peu partout en Europe. Paris l'entendra en 1838 au Théâtre des Italiens avec Giulia Grisi dans le rôle-titre. Puis ce sera New-York, La Havane, Buenos Aires... Affiché régulièrement jusque dans les années 1880, il disparaît ensuite du répertoire comme tant d'autres partitions appartenant à la même esthétique. 

Il faudra attendre les années 60 et la fameuse "Donizetti renaissance" initiée en 1957 par Callas avec Anna Bolena , pour que Roberto Devereux revoie les feux de la rampe. Leyla Gencer sera la première interprète moderne d'Elisabetta à Naples en 1964. Montserrat Caballé lui emboîtera le pas et chantera le rôle aux Etats-Unis et à Venise avant les représentations triomphales du Festival d'Aix-en-Provence en 1977, aux côtés de José Carreras. Beverly Sills à son tour l'inscrira à son répertoire et en gravera la première intégrale en studio.
De nos jours, Edita Gruberova a repris le flambeau, Vienne et Barcelone notamment l'ont affichée dans cet opéra au cours des dernières saisons. 

Remplaçant au pied levé Darina Takova souffrante, Maria Pia Piscitelli a la lourde tâche d'incarner ce personnage redoutable sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées et s'en tire plus qu'honorablement. Le rôle, en effet, réclame un soprano au medium large et au grave solide, capable d'incursions dans l'aigu et rompu à la technique belcantiste. La cantatrice italienne ne possède qu'en partie les moyens requis : sa voix au timbre corsé est bien projetée, la ligne de chant est élégante mais l'aigu, émis un peu bas, semble lui poser quelques problèmes en début de soirée, imputables au trac, sans doute. Si les vocalises sont habilement négociées, le trille, en revanche, a paru inexistant. Son Elisabetta est une femme amoureuse et meurtrie à qui il manque encore l'autorité d'une souveraine et cette aura qui fait les grandes interprètes du rôle. On lui saura gré d'avoir sauvé la représentation et de nous avoir offert une scène finale particulièrement émouvante qui a emporté l'adhésion du public.

A ses côtés, Enkelejda Shkosa campe une Sara d'une insolence vocale impressionnante. L'ampleur des moyens et la caractérisation évoquent davantage l'Amneris verdienne que la douce héroïne voulue par Donizetti, cependant, le personnage parvient à émouvoir même si la cantatrice se montre par moment quelque peu fâchée avec la justesse.

Laurent Naouri confère au rôle ingrat de Nottingham une stature inhabituelle. Il parvient même à rendre touchant ce personnage de mari trompé dont la vengeance sera implacable. La voix est saine et généreuse et la diction impeccable. Sa grande scène avec Sara au début du troisième acte est particulièrement convaincante mais force est de reconnaître que le style inhérent à cette musique semble pour l'instant lui échapper.

Le style en revanche ne fait pas défaut à Stefano Secco qui est le grand triomphateur de la soirée. Doté d'un timbre séduisant et d'une technique solide, il se révèle le meilleur Roberto qu'on ait entendu depuis Carreras. Son incarnation culmine dans la grande scène de la prison au deuxième acte où son chant raffiné et son implication dramatique seront salués par une longue ovation amplement méritée. Une interprétation qui fera date et laisse augurer de beaux succès pour ses Rodolfo et Gabriele Adorno qu'il incarnera cette saison à l'Opéra Bastille.

 Evelino Pido' défend avec conviction et enthousiasme cette partition qu'il nous offre dans son intégralité : aucune reprise ne manque et l'oeuvre y gagne en cohérence et tension dramatique. Sa direction souple et nerveuse se révèle d'une très grande efficacité mais n'exclut pas cependant quelques brutalités, notamment à la fin de l'ouverture, le morceau le plus faible, musicalement, de l'ouvrage. Soulignons la belle prestation de l'Orchestre et des choeurs de l'Opéra de lyon. 

Des réserves, certes, qui ne sauraient gâter le plaisir d'entendre une oeuvre rare et attachante recelant de nombreuses pages d'une haute inspiration mélodique. Le TCE nous promet dans les saisons à venir d'inviter les deux autres reines donizettiennes, on ne peut que s'en réjouir.
 
 

Christian PETER
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