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ZURICH
2, 5, 8, 11, 13, 19, 21* et 28
mai 2004
Horst Lamnek (Thierry), Cheyne Davidson
(Le Marquis)
© DR
Francis POULENC (1899-1963)
Dialogues des Carmélites
Opéra en trois actes et 12 tableaux
Livret du compositeur d'après
la pièce de Georges Bernanos
Nouvelle production
Cheyne Davidson (le Marquis de la Force),
Isabel Rey (Blanche de la Force),
Reinaldo Macias (le Chevalier),
Sylvie Brunet (Madame de Croissy,
première Prieure),
Juliette Galstian (Madame Lidoine,
deuxième Prieure),
Stefania Kaluza (Mère Marie
de l'Incarnation),
Christiane Kohl (Soeur Constance de
St-Denis),
Katharina Peetz (Mère Jeanne
de l'Enfant Jésus),
Irène Friedli (Soeur Mathilde),
Christian Jean (l'Aumônier du
Carmel),
Martin Zysset (1er Commissaire),
Giuseppe Scorsin (2e Commissaire),
Peter Kalman (le Geôlier),
Gabriel Bermudez (Officier),
Horst Lamnek (Thierry),
James Cleverton (Javelinot)
Orchestre et Choeur de l'Opéra
de Zurich,
Michel Plasson (direction),
Reto Nickler (mise en scène),
Hermann Feuchter (décors),
Katharina Weissenborn (costumes),
Jürgen Hoffmann (lumières).
Zurich
Opernhaus
Les 2, 5, 8, 11, 13,
19, 21* et 28 mai 2004
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La
musique du coeur
Jamais représentée à
l'opéra de Zurich, cette production des Dialogues des Carmélites,
l'une des oeuvres lyriques parmi les plus importantes du XXe siècle,
aura manqué son rendez-vous. La faute à la mise en scène
de Reto Nickler qui laisse derrière lui les enjeux entourant les
angoisses naissantes des religieuses vouées au sacrifice ultime,
à une direction d'acteur quasi inexistante et à une scénographie
(Hermann Feuchter) confondant dépouillement des Carmélites
et laideur. En pénétrant dans la salle de l'opéra,
le spectateur reste interloqué par le spectacle qui s'ouvre à
ses yeux. De grands panneaux de bois compensés grossièrement
peints pendent des cintres. Bordés de papiers adhésifs luisants,
traversés d'autres rubans adhésifs plus clairs, ils cachent
mal quelques tables recouvertes de bâches de plastique blanc, une
ébauche de fauteuil en mauvais sapin, pendant que quelques néons
bleuâtres éclairent un fond de scène en bois de construction.
Une ambiance de chantier. D'un théâtre en réfection.
Heureusement, l'arrivée de musiciens dans la fosse d'orchestre apaise
le spectateur qui pouvait croire s'être trompé de salle de
spectacle. Ces assemblages de planches ne cesseront d'apparaître
et de disparaître tout au long du spectacle. Agrandissant ou rétrécissant
les espaces sans raison scénique évidente, ils ne serviront
en définitive que d'écrans à la projection de certains
passages du livret.
Force à l'oreille de prendre
la place des yeux pour se laisser envahir par l'admirable partition de
Poulenc. La baguette de Michel Plasson fait merveille en tirant
des accents d'une sensibilité extrême à cette "musique
du coeur" (ainsi qu'il la qualifia dans les quelques paroles échangées
avec votre serviteur à l'issue du spectacle). Subjugué par
la finesse de sa direction, l'Orchestre de l'Opéra de Zurich répond
aux moindres intentions du chef français qui prend à coeur
d'offrir ses plus belles colorations aux sentiments que les chanteurs investissent
dans la force des mots de Bernanos.
Isabel Rey (Blanche), Christiane
Kohl (Constance)
© DR
Catalyseur vocal de cette soirée,
Sylvie Brunet (Mme de Croissy) prête sa voix pleine et sa
diction sans reproche à une prieure torturée. Passant de
l'autorité devant ses congénères à l'angoisse
devant la mort dans une progression émotionnelle sans retenue, Sylvie
Brunet l'emporte par un engagement scénique total. Artiste authentique,
elle figure désormais parmi les plus grandes interprètes
lyriques de notre temps. Comment imaginer que ce personnage se mouvant
difficilement, chancelant, cherchant appui sur sa canne abrite la même
chanteuse qui, quelques jours auparavant, chantait une terrifiante Ulrica
à Avignon (voir notre critique),
voire l'arrogante Carmen à l'opéra de Zurich le jour précédent.
Les autres protagonistes font de leur mieux pour s'élever au niveau
de la mezzo française. Malheureusement, là où la prosodie
est primordiale, la plupart des chanteurs souffrent d'une diction française
trop approximative pour approcher la sensibilité qu'expriment les
mots de Bernanos relayés par la musique de Poulenc. Dans ce concert
de voix essentiellement féminines, la fraîcheur de Christiane
Kohl (Soeur Constance de St-Denis) répond toutefois admirablement
à l'enjouée insouciance de la jeune novice et la soprano
arménienne Juliette Galstian (Madame Lidoine) fait preuve
d'une belle autorité vocale. Touchante aussi, Stefania Kaluza
(Mère Marie de l'Incarnation). Quant à Isabel Rey
(Blanche de la Force), si la rondeur et la beauté naturelle de sa
voix conviennent à l'héroïne principale de l'opéra,
sa maîtrise approximative de la langue française ne lui permet
pas de pénétrer son personnage en profondeur. Elle lui confère
un aspect "oie blanche" alors qu'on attend la femme fragile engagée
dans sa foi.
En résumé, cette production
montée à la va-vite ne laissera aucun souvenir visuel durable.
Dommage, l'oeuvre de Poulenc si bien comprise par Michel Plasson méritait
mieux.
Jacques Schmitt
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